1.1.2. L’admission des images au rituel

Il s’avère que c’est le dogme de l’Incarnation de Dieu qui justifiait la permission des représentations dans l’Église522. On observe d’abord le processus historique de la transposition du culte des reliques à celui de leurs effigies. Autrement dit, l’image s’est progressivement substituée à la relique523. Aux environs du VIe siècle, on vénère les images censées dès lors être capables d’aider à l’accomplissement de miracles524. Pour les chrétiens d’Orient le Christ et les saints – ainsi que la Vierge Marie – pouvaient agir à travers leurs images estimées sacrées525. Mais, l’affirmation du culte rendu aux saints par l’intermédiaire de leurs représentations demeurait un des principaux sujets de discussion des ecclésiastiques526. La question de l’admission des peintures religieuses dans le monde occidental, notamment après le concile de Nicée II, était complexe527. Nous l’évoquerons un peu plus loin, au sujet de la théorie de l’image en Europe médiévale528. Le problème de la légitimité des figurations du sacré et de leur insertion dans le rituel était, en réalité, constamment posé ; pouvait-on autoriser, du point de vue de la foi, la création de « l’image du Dieu invisible » et demeurer en accord avec les prescriptions bibliques ? Et, quel modèle formel serait en mesure de représenter la divinité ?

Hans Belting a par ailleurs remarqué qu’il existait une différence essentielle entre le fait de vouloir rendre visible dans une image Dieu invisible, et celui de représenter un saint qui avait eu un corps tangible 529. D’autre part, il s’agissait de définir le rôle de la Vierge dans l’histoire du salut et sa fonction de médiatrice entre la réalité terrestre et l’Au-delà. Cela dit, la présence de l’image mariale servirait à visualiser la sacralité, donc le « souverain céleste » sous l’apparence humaine qu’il aurait prise par l’Incarnation.

Notes
522.

G.-B. LANDER, The Concept of the Image in the Greek Fathers and the Byzantine Iconoclastic Controversy, DOP, 7 : 1953, p. 1-34 ; GRABAR (1979) 1994, p. 138-139 ; WIRTH, op. cit., p. 101 ss. ; G. BABIĆ, Les images byzantines et leurs degrés de signification : l’exemple de l’Hodigitria, (dans :) A. Guillou, J. Durand (éd.), Byzance et les images, Paris 1995, p. 189-222 ; RUSSO 1996, p. 176-177 ; P. SERS, Icône et saintes images. La représentation de la transcendance, Paris 2002, p. 77 ; P. RINGGENBERG, L’art chrétien de l’image. La ressemblance de Dieu, Paris 2005, p. 19 ss., 51 s.

523.

GRABAR 1943-1946, 3 vol., t. 2, p. 343 et ss. ; KITZINGER 1954, p. 115 et ss. ; DUMEIGE 1977, p. 46 ; WIRTH, op. cit., p. 90.

524.

WIRTH, op. cit., p. 97-99.

525.

Voir entre autres KITZINGER, op. cit., p. 146 ; WIRTH, op. cit., p. 91.

526.

G. DUMEIGE, La foi catholique. Textes doctrinaux du magistère de l’Église, Paris 1960, p. 309 ss.

527.

Cf. SCHMITT 1987, p. 275 ss.

528.

Voir infra § 3.

529.

BELTING 1990, p. 17.