1.2.2. Reliques – objets de culte ; leur usage et fonction sociale

Les reliques remplissaient des fonctions souvent bien précises au sein des communautés qui les vénéraient et qui demandaient en contrepartie une protection soit sur le plan social, soit politique901. En outre, la piété vouée aux saints permettait d’implorer, par leur intercession auprès de Dieu, des guérisons miraculeuses dans une société exposée à de nombreuses affections et privée de remèdes. La fonction apotropaïque attribuée aux reliques pouvait, dans ce cas, détourner de certains désastres902. De ce point de vue les saints, grâce à la puissance surnaturelle qui était supposée émaner de leurs reliques, possédaient aux yeux de leurs serviteurs la possibilité d’apporter aux hommes une aide efficace903. L’homme médiéval, pour lequel Dieu était trop lointain, se tourna donc vers les saints et la Vierge pour qu’ils le protègent. Le culte officiel rendu à la Vierge, qui se manifestait par la vénération de ses images miraculeuses et des reliques secondaires, était d’une grande importance dans la vie urbaine de l’Occident médiéval. On mettait sous ses auspices les villes et leurs habitants, dont elle était élue patronne. C’est elle qui était la première protectrice en cas d’extrême danger (famine, guerre ou peste, tremblement de terre) et intercédait constamment pour les fidèles904.

Chaque monastère et chaque église devait, en effet, posséder des reliques enfermées dans l’autel, en vue de sanctifier cet endroit pieux et de focaliser toute l’attention sur les pratiques cultuelles905. Cependant, faute d’ossements de saints, on plaçait dans l’autel l’Eucharistie consacrée, considérée comme la plus sainte des reliques parce que consubstantielle au Corps de Dieu906. Cette pratique fut condamnée à partir du XIIIe siècle ; on décréta alors que le Christ avait créé l’Eucharistie pour qu’elle devienne l’aliment de l’esprit, et non pour remplir des tombes d’autel 907. Il est pourtant vrai que l’hostie, exposée à la vue des fidèles dans une monstrance notamment pendant la cérémonie du Corpus Christi (fête du Saint-Sacrement), ne cessa d’être vénérée comme la plus importante relique dans l’Église908. Les reliques mariales étaient aussi précieuses, car considérées comme plus efficaces que celles des saints ordinaires, la Vierge étant la corédemptrice du genre humain909. Cette croyance en la protection mariale serait, d’après Herni Platelle, devenue une affaire sociale et politique ; elle consolidait les liens sociaux et donnait un sentiment de cohérence 910.

En fin de compte, la dévotion envers les reliques des saints, implantée dans toutes les couches de la société, devint un élément inséparable de la piété médiévale. Les miracles, censés s’opérer souvent à partir de petites esquilles, devaient apporter un soulagement aux fidèles et satisfaire leurs prières. Exposées sur un autel, portées en procession, également fort présentes dans la piété privée, encensées, baisées, les reliques douées de pouvoirs thaumaturgiques avaient le devoir d’intervenir dans les diverses sphère de la vie.

Notes
901.

E. BOZÓKY, La participation des laïcs dans les rituels autour des reliques, (dans :) Il tempo dei santi…, p. 398 ss.

902.

Voir M. GOUILLET, (dans :) Les saints et l’histoire. Sources hagiographiques du haut Moyen Âge, études réunies par A. Wagner, Rosny-sous-Bois 2004, p. 12 ss.

903.

G. VAN DER LEEUW, La religion dans son essence et ses manifestations. Phénoménolgie de la religion, Paris 1970, p. 231 et s. ; CHÉLINI 1991, p. 352-359 ; GEARY 1993, p. 45-47 ; PALAZZO 2000, p. 177 et s.

904.

PLATELLE 2005, p. 23.

905.

GEARY, op. cit., p. 71.

906.

Ibid., p. 181.

907.

KRACIK, op. cit., p. 92 et ss.

908.

M. RUBIN, Corpus Christi : the Eucharist in late medieval culture, Cambridge-New York 1991, passim ; SCHMITT 1999, p. 148 ; Idem 2002, p. 278 ; B.-R. WALTERS, V. CORRIGAN, P.-T. RICKETTS (éd.), The feast of Corpus Christi, University Park-Pennsylvania 2006, passim.

909.

BEAUSSART, op. cit., p. 310 ; ANGENENDT 1994, p. 224.

910.

PLATELLE, op. cit., p. 37.