H. Les scènes narratives

Deux tableaux provenant de la chapelle des Pelletiers de l’église Notre-Dame de Cracovie : l’Annonciation et le Couronnement sont exceptionnels à cause de leur contenu exposé dans le contexte d’un panneau portatif ayant, en outre, fonction de reliquaire1366. Ces scènes étaient le plus souvent introduites dans de grands retables, soit sur les volets – pour ce qui est de l’Annonciation, soit dans la partie centrale – réservée au Couronnement 1367. Jerzy Gadomski a dernièrement mis l’accent sur la singularité iconographique du tableau de l’Annonciation (Pl. XVI)1368. Il s’agit de la représentation de Gabriel accompagné par deux autres anges, motif peu répandu dans la peinture gothique polonaise1369. D’autres éléments caractéristiques sont de petites croix décorant les têtes des anges, bien connues dans l’iconographie médiévale européenne, mais rares en Petite-Pologne, ce que montre le chercheur (fig. 97)1370.La symbolique des croix, introduites dans une scène de l’Annonciation à la Vierge,peut se traduire comme une préfiguration de la Passion du Christ, donnant un sens eucharistique à ce moment de l’Incarnation 1371. A cette formule iconographique s’ajoute également, d’après Piotr Skubiszewski, un aspect ecclésiologique, car au moment de l’annonciation s’effectue l’acte de l’intronisation de la Vierge comme l’Ecclésia 1372.

En revanche, dans la scène du Couronnement la distinction de chaque personne de la Trinité ne peut pas rester inaperçue (Pl. XVII). Dieu le Père, du type patriarcal, est présenté trônant au milieu et prédominant sur les autres figures. Il partage son règne avec le Fils, dont témoignent la présence du globe impérial dans sa main et celle du sceptre tenu par le Christ. Le Père et le Fils, celui-ci d’une physionomie jeune, portent des couronnes impériales massives. Avec l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe qui plane, ils tiennent la couronne royale au-dessus de la tête de la Vierge1373. Les deux tableaux de la chapelle des Pelletiers semblent constituer un ensemble thématique. Ils se référent conjointement au statut de la royauté attribuée à la Vierge tant sur la terre qu’aux cieux, et ceci en raison de sa maternité sotériologique, autrement dit sa participation maternelle à l’œuvre de la Rédemption.

Notes
1366.

Catalogue : III.A, n° 10-11.

1367.

Voir les travaux de J. Gadomski sur la peinture gothique de la Petite-Pologne : GADOMSKI 1981, 1988, 1995 (a).

1368.

J. GADOMSKI, Anielska asysta Gabriela w Zwiastowaniach Jana Wielkiego, FHA, 30 : 1994, p. 87 ss.

1369.

D’après GADOMSKI, loc. cit., on ne connaît que deux compositions analogues : l’une exposée sur un des volets du polyptique d’Olkusz attribué, de même que le tableau de la chapelle des Pelletiers, au peintre Jean le Grand, et l’autre sur le volet du triptyque créé pour l’église de Bodzentyn, provenant de l’atelier de Martin le Noir (Marcin Czarny).

1370.

Ibid.

1371.

Ibid., p. 97.

1372.

P. SKUBISZEWSKI, Une Annonciation à deux anges à Issoire (dans :) De la création à la restauration, (Travaux d’histoire de l’art offerts à Marcel Durliat pour son 75e anniversaire), Toulouse 1992, p. 302-317 ; GADOMSKI, op. cit., note n° 58.

1373.

Cf. Catalogue, loc. cit.