J. Le contenu idéel des diptyques et des tableaux doublement peints

Le programme iconographique des diptyques s’appuie sur une thématique généralement admise dans ce type formel, avec ou sans reliques1379. Nous avons présenté plus haut les diptyques-reliquaires italiens élaborés en verre églomisé1380, dont le contenu repose sur la conjonction des scènes de la Nativité et de la Crucifixion du Christ. Le même schéma s’applique à d’autres diptyques peints sur bois de provenance italienne et tchèque1381, et par conséquent à ceux conservés en Pologne1382 ; lesquels juxtaposent deux représentations antithétiques qui évoquent l’Enfance et la Passion du Christ. La présence de l’effigie mariale témoignerait, dans ce contexte, de la participation de la Vierge à l’intégralité de l’œuvre de la Rédemption – à partir de l’Incarnation jusqu’au martyre du Sauveur. Ainsi, l’image de la Vierge à l’Enfant, ladite Hodighitria cracovienne est accompagnée de la Sainte Face dans le diptyque de Wawel (Pl. V) ; l’autre est introduite avec des représentations de la Misericordia Domini et dela Crucifixion dans le diptyque de Sandomierz (Pl. VI-VII). Il est fort probable que deux tableaux-reliquaires, la Vierge – imago Beatae M.V. et la Véroniqueimago faciei Salvatoris mentionnées respectivement dans l’inventaire d’une église paroissiale1383, constituaient jadis un diptyque. Il en va de même pour les deux reliquaires peints sur verre déjà cités, conservés séparément : la Vierge à l’Enfant et le Christ dans le sarcophage qui représentent un ensemble thématique (Pl. XXV, XXVI)1384. On admet que ce concept iconographique de diptyque relevait de la décoration des icônes doublement peintes1385. Le type de tableau byzantin, qui figure d’un côté la Vierge à l’Enfant et de l’autre côté la Sainte Face, est finalement devenu une des caractéristiques de la peinture gothique tchèque1386. Il est pourtant moins répandu en Pologne. Le tableau-reliquaire du couvent des carmélites de Cracovie est le seul, parmi les œuvres que nous avons rassemblées, à porter des représentations picturales disposées recto-verso (Pl. XX, XXI)1387.

Pour conclure sur ce point, il faut affirmer que le contenu iconographique des tableaux-reliquaires polonais se réfère généralement à la figure de laMadone et à la thématique mariale. Dans cette optique, le portrait de la Vierge à l’Enfant bénéficiait de la plus grande popularité. Néanmoins, les effigies christiques et les représentations à caractère narratif liées à la Passion s’avèrent également importantes, ce dont témoignent des mentions retrouvées dans des documents d’archives1388.

Notes
1379.

Cf. KERMER 1967, p. 55-127.

1380.

Chap. V, § 2.2.

1381.

Catalogue : I, n° 5, 6, 17, 21. Voir aussi le diptyque-reliquaire du Staatliche Museen zu Berlin - Gemäldegalerie, (N° Inv. 1052), cit. supra IIe partie, note n° 164.

1382.

Catalogue : III.A, n° 2, 5.

1383.

Catalogue : III.B, n° XVIII.

1384.

On trouve la même juxtaposition du Christ dans le sarcophage avec la Vierge à l’Enfant dans le petit reliquaire du Staatliche Museen zu Berlin, loc. cit.

1385.

JURKOWLANIEC 2001, p. 151 ss.

1386.

MATĚJČEK, PEŠINA 1955, passim ; I. KOŘÁN, Gotické veraikony a svatolukášské madony v pražské katedrále, „Umění”, 39 : 1991, p. 286-315 ; BARTLOVÁ 2001 (a), cf. p. 217, passim.

1387.

Catalogue : IV, n° 6.

1388.

Catalogue : III.B, n° III, VI, VIII, XIV, XVIII.