5.2.1. Culte officiel et des offices paraliturgiques

D’après les sources historiques, la représentation mariale de l’église du Saint-Sacrement des chanoines réguliers était entourée d’une grande vénération à Cracovie1407. Attribuée à saint Luc et considérée comme unique en son genre, sans aucune réplique connue à ce jour, elle était gardée dans le trésor en tant qu’objet le plus précieux. Seul le curé avait le privilège exclusif de la porter pendant la procession et de la poser sur l’autel1408. Comme nous inférons d’un autre texte, conservé dans des archives, les tableaux-reliquaires mariaux étaient exposés pendant les fêtes solennelles sur le maître-autel et portés lors des processions des Rogations1409. Dans cette optique, les panneaux à double décoration recto-verso, à l’exemple de celui des carmélites (Pl. XX-XXI), étaient sans doute destinés à être présentés dans un cortège processionnel. Peut-être qu’on promenait aussi en procession le petit tableau des clarisses (Pl. III), comme dans le cas de l’Immaculata d’une confrérie à Rouen, dont parlait Vloberg1410.

Les confréries en Pologne avaient, elles aussi, en leur possession des objets qu’elles vénéraient avec une profonde piété, et les tableaux-reliquaires en faisaient partie. Évoquons, à ce propos le triptyque et les deux tableaux provenant de la chapelle des Pelletiers de l’église Notre-Dame de Cracovie (Pl. XV-XVII). Les confrères, concentrés au sein des corporations artisanales, disposaient de chapelles pour célébrer ensemble des offices particuliers. Les images d’affection, auxquelles ils adressaient des prières, étaient sans doute censées assurer la protection divine, donc la prospérité de la corporation1411. D’autre part, nous sommes encline à présumer que les tableaux-reliquaires, placés dans des chapelles, revêtaient en quelque sorte une fonction d’ex-voto, comme offrandes faites à Dieu en demande d’une grâce ou en remerciement d’une grâce obtenue. Ils auraient alors servi pendant les messes votives, lesquelles commencent à être largement pratiquées au bas Moyen Âge. Remarquons, enfin, que ce genre de messe était dans bien des cas célébré sur l’autel portant le titulus consacré à la Vierge1412.

Un exemple singulier mérite ici notre attention. Il s’agit d’une représentation sculptée de la Vierge à l Enfant entourée de cavités à reliques (fig. 104). Ce tableau en bas relief – déjà tardif, car daté du début du XVIe siècle –, qui interprète à la lettre le modèle pictural1413, avait non seulement une fonction de reliquaire, mais il servait également de porte à un tabernacle1414. La Vierge et les saints furent ainsi rassemblés à proximité directe de l’Autel du Seigneur, afin d’assister en permanence à la liturgie et à tous les autres offices ; tandis que l’ostensoir italien avec une Vierge Avocate, que nous avons présenté plus haut, n’aurait été exposé que pendant le cérémonial (fig. 87)1415. Dans les deux cas, l’effigie mariale – restant en relation directe avec le divin – témoignerait d’un transitus du visible à la sphère invisible de la sacralité, où l’image matérielle servirait du canal pour accéder au spirituel. Autrement dit, le groupe iconique de la Vierge à l’Enfant accompagné des saintes particules manifestait aux yeux des fidèles l’aspect « incarnationnel » de l’invisibilité ; son devoir était de réaffirmer la présence réelle du sacré, tel que le corps du Christ sous la forme d’une hostie enfermée dans le tabernacle.

Notes
1407.

Catalogue : III.A, n° 1 ; BIESIEKIERSKI, loc. cit. ; NIGRA VALLE, loc. cit.

1408.

D’après BIESIEKIERSKI, loc. cit. : (...) Jakoż przywilej który miał tenże obraz zawsze, aby go żaden jeno sam proboszcz w Processýach i do ołtarza nie nosił trwa przy nim aż do tych czasów.

1409.

Catalogue : III.B, n° XI.

1410.

VLOBERG, loc. cit..

1411.

Voir supra § 5.1, note n° 256.

1412.

Cf. É. PALAZZO, Marie et l’élaboration d’un espace ecclésial au haut Moyen Âge, (dans :)Iogna-Prat, Palazzo, Russo1996, p. 313-325.

1413.

Voir supra § 3.a), 4.A.

1414.

Nous remercions dr W. Walanus d’avoir attiré notre attention sur ce tableau. Voir A.-M. OLSZE-
WSKI, Warsztat rzeźbiarski Mistrza Pasji Przydonickiej, FHA, 9 : 1973, p. 77, il. 4.

1415.

Voir supra chap. V, § 3.