B. L’exposé allégorique (Abr., 68-84)

La composition d’ensemble de ce nouveau passage est complexe. L’exégèse allégorique est constituée de plusieurs temps : le premier reprend le passage de Chaldée en Kharran, le second mentionne un détail qui était absent de l’exposé littéral, mais fait partie de l’épisode scripturaire de la migration (la manifestation de Dieu à Abraham ; voir Gn 12, 7), tandis que le troisième temps est une anticipation sur le changement de nom d’Abraham qui n’intervient qu’au chapitre 17 de la Genèse. Cet exposé allégorique n’a donc pas encore le caractère plus concentré, et en prise plus étroite sur l’exposé littéral, que les chapitres suivants donneront à voir. Ou plus précisément, le premier temps de l’exposé correspond au modèle développé dans les chapitres suivants, en reprenant, quoique avec des accents différents, la migration d’Abraham sur un plan allégorique, tandis que les deux extensions sont révélatrices à la fois des préoccupations de Philon et de ses difficultés à les insérer dans une trame bien délimitée : la première constitue un commentaire de la suite immédiate du texte scripturaire, prolongeant le commentaire allégorique par un retour à un élément nouveau de la lettre du texte ; la deuxième est une anticipation d’un passage plus éloigné, qui vient en quelque sorte confirmer la valeur allégorique de la migration telle qu’elle peut apparaître à un autre moment de la vie d’Abraham. La fidélité à la trame de l’épisode scripturaire passe ici au second plan derrière l’illustration d’une notion, celle de migration dans l’âme.