1) L’Être et ses puissances

Les premières lignes livrent spécifiquement la présentation du rôle des puissances, qui constitue la clé de compréhension du passage, en permettant de comprendre comment la vision de Dieu peut être à la fois une et triple, comme nous le verrons dans ce passage, mais encore dans la suite de la solutio où Philon paraît complexifier son propos. Ce passage paraît se caractériser de façon originale par l’absence d’un véritable commentaire allégorique, même si cela ne sera confirmé là encore que par la suite de la solutio avec la présentation de la totalité de l’interprétation proposée par Philon de cet épisode biblique.

‘Au sens le plus profond, il représente, pour ceux qui peuvent voir, qu’il a été possible à l’Un d’être trois, et aux Trois, un, parce qu’ils sont un selon la raison supérieure. D’autre part, compté avec les premières puissances, la créatrice et la royale, il fait apparaître trois (personnages) à l’intellect humain, car il ne peut pas avoir une vue assez aiguë pour voir celui qui est au-dessus des puissances qui (viennent) après lui, Dieu distinct de tout autre. Car, aussitôt qu’on porte le regard vers Dieu, les puissances servantes apparaissent aussi, du fait qu’elles existent avec lui, de sorte que, au lieu d’un, il fait apparaître une trinité. Car, lorsque l’intellect commence à saisir l’être, il est compris être arrivé là, se ramenant à l’unité, apparaissant comme chef, (à savoir) celui que j’ai dit un peu auparavant, celui qu’il a été incapable de voir dans son unicité sans quelque autre, (à savoir) les premières puissances qui sont immédiatement avec lui, la créatrice, qui est appelée Dieu, et la royale, qui est appelée Seigneur.’

D’emblée, Philon manifeste la continuité entre ce développement et le précédent. En affirmant qu’il « a été possible à l’Un d’être trois, et aux Trois, un », il met en relation le premier verset, qui indique que « Dieu se fit voir » d’Abraham (Gn 18, 1), et l’apparition de « trois hommes » (Gn 18, 2), et pose qu’il s’agit d’une même et unique apparition. La difficulté est alors d’expliquer que l’Un, Dieu, apparaisse sous une forme triple. Ce choix d’interprétation relève d’une perspective propre à Philon. En effet, chez Flavius Josèphe, la mention même d’une apparition de Dieu est effacée : seuls des anges apparaissent à Abraham (Ἅβραμος θεασάμενος τρεῖς ἀγγέλους[…] : « Abraham vit trois anges » ; AJ, I, 196 306). L’unique mention – indirecte – de Dieu intervient à la fin du passage lorsqu’il est question des « anges de Dieu » (ἀγγέλους τοῦ θεοῦ ; AJ, I, 198). De son côté, le Targum maintient à la fois une manifestation divine et la visite de trois anges. On lit dans la recension du Neofiti 1 : « Trois anges furent envoyés vers notre père Abraham », et « La Parole de Yahvé apparut à Abraham » (18, 1) 307. La recension du Pseudo-Jonathan est plus claire encore : « La Gloire de Yahvé lui apparut dans la plaine de Mambré » (18, 1), puis : « il leva les yeux et vit que trois anges, sous l’apparence d’hommes, étaient debout devant lui » (18, 2). Et lorsque Abraham s’adresse à Dieu, c’est pour lui demander de ne pas s’éloigner avant qu’il n’ait accueilli les voyageurs (18, 4) 308. Dans les deux recensions, Dieu n’apparaît de nouveau qu’au verset 13, où le texte biblique fait mention du « Seigneur », les autres paroles, même prononcées par un seul personnage, étant imputées aux anges 309. Dieu est donc clairement distingué des trois anges, et lui-même n’est désigné qu’à travers les termes de Parole, de Gloire et de Shekinah  310.

La distinction entre Dieu et les anges est marquée de façon semblable dans les textes rassemblés par Louis Ginzberg. On peut, certes, lire au début du passage correspondant : « God appeared to him [Abraham], surrounded by the angels », ce qui pourrait indiquer que le premier regard d’Abraham lui a permis de voir plusieurs figures, dont l’une était Dieu. Mais il est mentionné peu après : « Meantime, Abraham beheld three men. They were the angels Michael, Gabriel, and Raphael. They had assumed the form of human beings » 311. Ainsi, le premier regard est redoublé par la vision spécifique des trois anges, dans une formulation qui constitue la paraphrase du verset biblique : « il vit trois hommes », mais sans que soit éclairé le rapport entre la première et la deuxième vision. Par la suite, de la manière que dans la présentation qu’en donne le Targum, Dieu n’intervient de nouveau qu’à la fin du récit, après la description de l’hospitalité donnée aux anges et des paroles qu’ils délivrent à Abraham et Sarah 312. Il n’y a aucune confusion possible entre les trois visiteurs et Dieu lui-même, qui apparaît bien en définitive comme une figure unique.

Philon se place donc dans un registre différent de celui d’autres traditions juives, en imputant à la manifestation divine elle-même un caractère triple, et en considérant que c’est bien Dieu lui-même qui se manifeste, sans la prudence du Targum qui le désigne de façon indirecte, mais sans non plus aller vers le caractère presque prosaïque de la manifestation de Dieu et de ses échanges avec les anges dans les textes rassemblés par Louis Ginzberg 313.

La particularité de l’exégèse de Philon dans ces quaestiones s’explique par un souci de fidélité au texte et à son déroulement précis 314 : puisqu’il est question d’une apparition de Dieu à Abraham, et que celui-ci, levant les yeux, aperçoit trois figures, c’est que ces trois figures doivent d’abord être considérées comme la manifestation de Dieu, avant de pouvoir être comprises, ainsi que ce sera le cas dans la suite du développement, comme de véritables hommes (ou, selon d’autres hypothèses, des anges) 315. Deux points doivent être éclairés. Le premier est que, contrairement à des textes qui donnent une nouvelle exposition du sens littéral, reformulent ou déplacent des éléments du texte scripturaire, Philon s’attache ici d’abord de façon minutieuse au texte tel qu’il se donne à lire dans ses aspérités. Cette démarche diffère du récit synthétique de Flavius Josèphe comme de la paraphrase enrichie du Targum, mais se distingue également d’autres passages à l’intérieur de l’œuvre de Philon elle-même. Nous avons vu comment, dans le De Abrahamo, Philon procède à un réagencement du récit en omettant en particulier de parler de manifestation divine au début de son récit (Abr., 107), pour évoquer uniquement trois visiteurs dont il fait progressivement émerger la nature divine, tandis que ce n’est que dans le commentaire allégorique que Dieu intervient comme objet de la contemplation, accompagné de ses puissances (Abr., 119-130). Le retour final à la lettre du texte ne sert pas à expliquer la manière dont Dieu se manifesterait dans le monde sensible, mais seulement à étayer l’idée qu’il y a bien un unique objet qui se manifeste, comme l’a fait voir l’allégorie, qui continue à faire figure de sens le plus profond du texte (Abr., 131-132).

Le deuxième point, qui résulte du premier, est que Philon, en s’attachant à rendre compte du verset mot à mot, y voit deux réalités distinctes : la première, c’est que Dieu se manifeste à Abraham, comme cela est dit dans le premier verset, et qu’Abraham lève les yeux et reçoit une vision qui doit donc correspondre à la manifestation divine que vient d’annoncer le texte, et dans laquelle Philon intègre le caractère triple. Mais il est aussi question d’hommes, ce qui implique une deuxième vision, celle de trois visiteurs humains auxquels Philon réserve un commentaire spécifique dans la suite de son exposé. Il est nécessaire, comme nous le verrons, que le caractère triple soit attaché à l’une et à l’autre visions, de telle sorte que Philon voit pour ainsi dire deux textes qui se superposent et qui seraient en substance : « Dieu se manifesta à Abraham, lequel, levant les yeux, reçut une vision triple », et « Abraham vit trois hommes ». Il y a toutefois plus qu’un simple chevauchement, puisque Philon inclut également dans la première vision la position surélevée de la vision divine triple qui clôt le lemme.

Philon commence par s’attacher d’emblée à confirmer d’une phrase que c’est bien Dieu qui se manifeste dans cette triple apparition, en recourant à des considérations sur l’Être et à l’idée d’une « raison supérieure » 316, d’une unité fondamentale, par laquelle « il a été possible à l’Un d’être trois, et aux Trois, un ». La nature précise de cette « raison supérieure » n’est pas claire : s’agit-il d’un argument arithmologique, justifiant la manière dont un et trois seraient liés ? L’expression (probablement κατ’ ἀνώτερον λόγον, selon Marcus 317) ne paraît pas avoir d’équivalent chez Philon. Peut-être faut-il donc la comprendre comme l’énoncé, sous forme concentrée, de l’idée que Philon va développer : les trois figures renvoient en réalité à une seule, puisqu’il s’agit de Dieu et de ses deux puissances, ces dernières étant entièrement relatives à l’Être qui demeure, en tant que tel, Un.

Quoi qu’il en soit, en s’attachant à la manifestation de Dieu, et non à celle d’hommes, Philon paraît commencer de façon surprenante son exégèse par la présentation du sens allégorique du verset. En effet, il parle, dès les premiers mots de son développement 318, du « sens le plus profond », c’est-à-dire vraisemblablement, selon Marcus comme Mercier, τὰ φυσικώτατα, « ce qui manifeste le plus la nature ». Or le vocabulaire de la φύσις peut renvoyer chez Philon au sens véritable du passage livré par la démarche allégorique, comme l’a rappelé Valentin Nikiprowetzky 319. C’était par exemple le cas dans le De Abrahamo 320. La mention de « ceux qui peuvent voir », elle aussi présente dans le De Abrahamo 321, suggère également un sens réservé à certains et qui ne relève donc pas d’une compréhension immédiate de la lettre du texte. La spécificité de l’exégèse de Philon dans cette quaestio paraît donc être de proposer d’emblée une lecture relevant de la nature profonde des choses, sans faire mention du sens littéral du verset qu’il commente. Nous verrons cependant que la suite du commentaire peut conduire à plus de prudence à l’égard des deux indices que nous avons relevés (« au sens le plus profond » et « pour ceux qui peuvent voir ») pour savoir si ce sont de véritables marqueurs d’allégorie 322. S’il est certain que Philon développe dans ces premières lignes une lecture du verset qui se place sur le plan de l’activité de l’intellect, il n’est pas certain pour autant qu’il le fasse à partir d’une lecture spécifiquement allégorique du texte scripturaire. De fait, s’il propose également, ensuite, une lecture apparemment littérale du passage, il n’emploie aucun terme permettant d’opposer un sens spécifiquement allégorique à un sens spécifiquement littéral. Nous verrons que ce constat ne relève pas que d’une dimension formelle, mais engage plus profondément le sens de l’exégèse d’ensemble que Philon entend donner de ce verset et des suivants.

L’explication que donne Philon de l’apparition de Dieu, à la fois une (Ὤφθη δὲ αὐτῷὁ θεὸς : « Or Dieu se fit voir de lui » ; Gn 18, 1) et triple (τρεῖς ἄνδρες εἱστήκεισαν ἐπάνω αὐτοῦ : « trois hommes se tenaient au-dessus de lui » ; Gn 18, 2), est qu’il s’agit de l’Être entouré de ses deux puissances : « compté avec les premières puissances, la créatrice et la royale, il fait apparaître trois (personnages) à l’intellect humain ».Cette idée n’est pas unique dans son œuvre : dans le même contexte scripturaire, il la mobilise aussi bien dans le De Abrahamo (121-130) que dans le De sacrificiis (59-60) ou encore le fragment De Deo (4-5). La source de cette vision des puissances est vraisemblablement une élaboration théologique personnelle, si l’on en croit les propos de Philon dans le De Cherubim :

ἤκουσα δέ ποτε καὶ σπουδαιοτέρου λόγου παρὰ ψυχῆς ἐμῆς εἰωθυίας τὰ πολλὰ θεοληπτεῖσθαι καὶ περὶὧν οὐκ οἶδε μαντεύεσθαι· ὅν, ἐὰν δύνωμαι, ἀπομνημονεύσα ἐρῶ. ἔλεγε δέ μοι κατὰ τὸν ἕνα ὄντως ὄντα θεὸν δύο τὰς ἀνωτάτω εἶναι καὶ πρώτας δυνάμεις ἀγαθότητα καὶἐξουσίαν, καὶἀγαθότητι μὲν τὸ πᾶν γεγεννηκέναι, ἐξουσίᾳ δὲ τοῦ γεννηθέντος ἄρχειν (« Mais j’ai perçu aussi, jadis, un sens plus profond, en écoutant la voix de mon âme, qui souvent est inspirée par Dieu et devine, à la façon d’un oracle, sur des points où elle est ignorante. Ce sens, si je le peux, je vais me le rappeler et le dire. Cette voix me disait que Dieu est un, réellement, mais que ses puissances suprêmes et premières sont deux : bonté et autorité ; par sa bonté, il fait naître tout ; par son autorité, il est souverain de ce qu’il a fait naître » ; Cher., 27 323).

Philon appuie donc l’exégèse de ce passage sur un motif qui lui est propre 324, et qu’il mobilise dans des contextes différents : pour expliquer le verset Gn 3, 24 comme c’est le cas dans le passage du De Cherubim ou encore dans les Quaestiones (QG I, 57), pour expliquer le chapitre 18 de la Genèse dans les passages que nous avons rappelés, mais aussi pour expliquer le verset Gn 17, 1, dans les Quaestiones (QG III, 39).

Le développement de Philon dans notre quaestio présente des traits communs ou convergents avec le contenu de ces autres passages : la présence aux côtés de Dieu de deux puissances, l’une qui est liée à la création, et bienfaitrice, l’autre qui est liée à l’autorité, et exerce des châtiments. L’usage qui en est fait est cependant différent, et se distingue surtout de l’exégèse présentée en détail dans le De Abrahamo 325, bien que le contexte scripturaire soit le même et que Philon y parle d’une façon assez semblable de la contemplation des puissances. Cette différence tient au fait que dans le De Abrahamo, Philon envisage la possibilité que l’on puisse voir l’Être directement, « lorsque [l’âme] se trouve purifiée au plus haut degré » (ὅταν ἄκρως τύχῃ καθαρθεῖσα ; Abr., 122). Le retour final à la lettre du texte (Abr., 131-132) qui atteste le caractère unique de celui qui se manifeste peut laisser penser qu’Abraham possède effectivement une âme parfaitement pure, ce qui explique qu’il ait pu voir l’Être seul, sans ses puissances : même si Philon ne le confirme pas explicitement, il laisse ouverte cette hypothèse. Dans notre quaestio, la possibilité d’un regard direct sur l’Être seul est récusée. Il est ainsi dit que l’intellect humain « ne peut pas avoir une vue assez aiguë pour voir celui qui est au-dessus des puissances qui (viennent) après lui, Dieu distinct de tout autre » : « les puissances servantes apparaissent aussi […] de sorte que, au lieu d’un, il fait apparaître une trinité ». Plus encore, il est « incapable de voir [l’Être] dans son unicité sans quelque autre ». Ce genre de formulation trouve un écho dans un passage du Quis rerum divinarum heres sit, concernant la foi et les limites des capacités des hommes, trop liés avec le mortel : μόνῳ θεῷ χωρὶς ἑτέρου προσπαραλήψεως οὐῥᾴδιον πιστεῦσαι διὰ τὴν πρὸς τὸ θνητὸν ᾧ συνεζεύγμεθα συγγένειαν (« il n’est pas facile de faire confiance à Dieu seul, en dehors de la présence conjointe d’autre chose, à cause de notre parenté avec le mortel auquel nous sommes attachés ; Her., 92).

Il n’y a donc pas, contrairement à ce qui est dit dans le De Abrahamo (Abr., 88), de possibilité de contempler l’Être de façon directe : ce constat s’inscrit dans la continuité de la quaestio précédente où Philon a insisté sur la capacité limitée de l’intellect de l’homme vertueux à vivre de la vie de Dieu. Tout en développant l’excellence du sage Abraham et de son intellect, Philon en souligne donc une nouvelle fois le caractère limité, qui a la même justification que dans le passage du Quis rerum divinarum heres sit que nous venons de citer : la parenté avec le mortel (τὴν πρὸς τὸ θνητόν […] συγγένειαν), la participation au monde sensible. Toutefois, dans ce dernier traité, Abraham est explicitement présenté comme celui qui parvient malgré toutes ces difficultés à accorder sa foi à Dieu seul, tandis qu’ici Philon maintient son imperfection face à celle de l’Être 326.

Le caractère sensiblement ramassé de l’exégèse développée dans les quaestiones n’empêche donc pas une certaine élaboration de la pensée philonienne, qui le conduit à intégrer son interprétation, appuyée sur la théorie des puissances, dans la perspective ouverte par la quaestio précédente sur les limites de la perfection d’Abraham. Philon s’attache non pas à la manifestation de Dieu de façon générale, mais à la manière dont Abraham, le sage, est en mesure de la recevoir : il possède une vision digne d’éloge, et cependant, parce qu’elle est humaine, imparfaite, comme Philon le reprend dans la suite de son développement.

Notes
306.

Flavius Josèphe, Antiquités juives, Paris, Éd. du Cerf, 1992 ; traduction d’É. Nodet.

307.

Targum du Pentateuque, op. cit., p. 184.

308.

Ibid., p. 185 et 187.

309.

Ibid., p. 186-189.

310.

Ibid., p. 184-187.

311.

L. Ginzberg, op. cit., p. 241.

312.

Ibid., p. 244.

313.

Ibid., p. 240.

314.

Avec Scott D. Mackie (« Seeing God in Philo of Alexandria », The Studia Philonica Annual, 21, 2009, p. 40), et contre Ellen Birnbaum (« What Does Philo Mean by “Seeing God” ? Some Methodological Considerations », Society of Biblical Literature 1995 Seminar Papers, éd. Eugene H. Lovering, Atlanta, Scholars Press, 1995, p. 547 ; cf. The Place of Judaism in Philo’s Thought : Israel, Jews, and Proselytes, Atlanta, Scholars Press, p. 77-90), nous voudrions montrer comment l’exégèse de Philon tente précisément de donner une cohérence à un texte scripturaire difficile voire incohérent au premier abord.

315.

Il semble que Philon, comme nous le verrons dans la suite du développement, ne s’intéresse pas au terme d’ « hommes » pour la compréhension de la manifestation divine, mais seulement au nombre « trois ». L’examen du terme « hommes » paraît réservé à la deuxième apparition, celle des visiteurs humains.

316.

Marcus : « higher principle ».

317.

Op. cit., n. h, p. 270.

318.

Les trois traducteurs modernes ont placé ce mot en tête de phrase.

319.

« L’on a justement observé que la notion de “contemplation de la nature”, ou de “physique” est, chez Philon, étroitement liée, parfois, à celle de l’allégorie » (V. Nikiprowetzky, Le commentaire de l’Écriture…, op. cit., p. 103).

320.

Ἤκουσα μέντοι καὶ φυσικῶν ἀνδρῶν οὐκ ἀπὸ σκοποῦ τὰ περὶ τὸν τόπον ἀλληγορούντων (« Mais j’ai entendu aussi des hommes connaisseurs de la nature qui allégorisaient non sans pertinence le contenu du passage » ; Abr., 99).

321.

[…]οἱ τὰ νοητὰ πρὸ τῶν αἰσθητῶν ἀποδεχόμενοι καὶ ὁρᾶν δυνάμενοι (« ceux qui reçoivent les réalités intelligibles à la place des réalités sensibles, et qui peuvent voir ; Abr., 200). Citons encore Her., 237 : τοῖς ὁρᾶν δυναμένοις (« pour ceux qui peuvent voir »).

322.

Steven Di Mattei conteste précisément que le vocabulaire de la φυσιολογία réfère nécessairement à une interprétation allégorique (S. Di Mattei, « Moses’ Physiologia and the Meaning and Use of Physikôs in Philo of Alexandria’s Exegetical Method », The Studia Philonica Annual, XVIII, 2006, p. 3-32). Nous rejoignons ce point de vue dans la suite de nos analyses.

323.

Nous reprenons avec quelques adaptations la traduction de J. Gorez (OPA). Notons que Philon ajoute dans ce traité un troisième attribut, le Logos, commun aux deux premiers. Mais il s’agit d’un élément d’un autre ordre, puisqu’il est figuré par l’épée de feu des Chérubins, alors que les deux puissances sont figurées par les deux Chérubins eux-mêmes.

324.

Le De Deo constitue un croisement de l’exégèse du chapitre 18 et de l’utilisation de l’interprétation allégorique des Chérubins, puisque Philon y identifie les deux figures qui accompagnent Dieu comme les deux puissances (De Deo, 4), et reprend ensuite la référence à ces deux puissances par une référence aux Chérubins (De Deo, 5). Voir Philon von Alexandrien. Über die Gottesbezeichnung „wohltätig verzehrendes Feuer“ (De Deo), F. Siegert (éd.), Tübingen, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck), 1988 ; id., « Le fragment philonien De Deo. Première traduction française avec commentaire et remarques sur le langage métaphorique de Philon », dans Philon d’Alexandrie et le langage de la philosophie, C. Lévy (dir), op. cit., p. 183-227.

325.

Les développements du De sacrificiis et du De Deo représentent des rappels synthétiques de la conception philonienne des puissances, et l’on n’y trouve pas le rapport à la vue qui est développé aussi bien dans les Quaestiones que dans le De Abrahamo.

326.

Ce lien entre apparition des puissances et imperfection humaine est souligné aussi bien par Francesca Calabi dans son étude sur les puissances dans ce passage (« It is thus clarified that the apparition of three men indicates that the intellect in question is incapable of seeing God in His oneness. The passage is particularly significant because it clarifies that seeing the powers is closely connected with human capacities » : God’s Acting, Man’s Acting, op. cit., p. 89), que par Angela Maria Mazzanti (« la distinzione in δυνάμεις non esiste dunque in Dio, ma solo len rapporto imperfetto che l’uomo instaura con il divino » : A. M. Mazzanti, « ΘΕΟΣeΚΥΡΙΟΣ. I “nomi” di Dio in Filone di Alessandria, Studi Storico-Religiosi, 5.1, 1981, p. 16).