B. Les trois mesures

Le premier développement spécifique que Philon ajoute à la présentation générale du lemme porte sur les « trois mesures » et constitue la partie la plus importante de la solutio. Philon s’y attache à montrer comment ces trois mesures, qui sont l’œuvre de Sarah, c’est-à-dire de la vertu, renvoient à un discours sur Dieu et ses puissances qu’il faut, selon lui, y reconnaître. Autrement dit, la mention des trois mesures dans le texte scripturaire est présentée comme une façon d’illustrer la reconnaissance de l’action de Dieu et de ses puissances, qui est précisément l’effet de la vertu de piété d’Abraham. Après avoir amorcé un certain déséquilibre entre la vision des hommes et la vision de Dieu et de ses puissances, Philon développe ainsi la spécificité du regard que permet la piété pour bien en faire comprendre l’importance. Ce développement apparaît ainsi comme le pendant de l’exposé allégorique du De Abrahamo sur le même épisode biblique, qui livrait également un discours détaillé sur l’identification de Dieu et de ses puissances, ainsi que de leur action respective, et sur la question de la vision qu’il est possible d’en recevoir.

Philon procède en plusieurs temps, que nous étudierons de façon successive pour clarifier l’exposition de ce long développement. Il commence par rappeler la présence universelle, en toute chose, des trois mesures. Il en étudie ensuite la portée la plus haute, en l’appliquant à Dieu et à ses puissances et à leurs opérations respectives. Enfin, il revient au problème posé par la vision de Dieu et de ses puissances, en l’illustrant par l’exemple de Moïse.