B. Isaac et la Terre promise (Migr., 29-30)

La figure d’Isaac apparaît en mode mineur : du point de vue du développement de l’exégèse, Isaac ne figure que dans le cadre de l’interprétation de la parole adressée à Jacob, que Philon reprend du reste à la fin du paragraphe 30. En réalité, sa présence constitue une nouvelle étape dans la réflexion, mais elle trouve précisément son origine dans la mention de la terre et de la présence de Dieu dont il est question dans la citation scripturaire autour de laquelle Philon construit son développement. Il y a un effet de tuilage, de superposition des registres : alors qu’il continue de présenter le personnage de Jacob, le terme de ses efforts et la terre qui lui est donnée comme fin de sa migration, Philon introduit des thèmes qui s’articulent précisément autour de la figure d’Isaac. Une analyse des passages philoniens où ces thèmes sont présents permettra de mettre en valeur de façon particulièrement nette la manière dont Philon s’appuie très fortement sur la valeur du personnage d’Isaac pour faire passer sa réflexion exégétique du niveau représenté par Jacob à celui qu’Isaac incarne, à savoir le terme de la migration.

‘[29] Ἐν ταύτῃ τῇ χώρᾳ καὶ γένος ἐστί σοι τὸ αὐτομαθές, τὸ αὐτοδίδακτον, τὸ νηπίας καὶ γαλακτώδους τροφῆς ἀμέτοχον, τὸ χρησμῷ θείῳ καταβαίνειν εἰς Αἴγυπτον κεκωλυμένον καὶ τῆς σαρκὸς ἐντυγχάνειν δελεαζούσαις ἡδοναῖς, ἐπίκλησιν Ἰσαάκ. [30] Οὗ τὸν κλῆρον παραλαβὼν ἐξ ἀνάγκης ἀποθήσῃ τὸν πόνον· αἱ γὰρ ἀφθονίαι τῶν ἑτοίμων καὶ κατὰ χειρὸς ἀγαθῶν ἀπονίας αἴτιαι· πηγὴ δέ, ἀφʼ ἧς ὀμβρεῖ τὰἀγαθά, ἡ τοῦ φιλοδώρου θεοῦ σύνοδός ἐστιν· οὗ χάριν ἐπισφραγιζόμενος τὰ τῶν εὐεργεσιῶν φησιν· “ἔσομαι μετὰ σοῦ”.
[29] Dans cette terre, tu as aussi un parentage, celui qui apprend par lui-même, l’autodidacte, celui qui n’a pas part à la nourriture infantile et lactée, celui qui a été empêché par un oracle divin de descendre en Égypte et de rencontrer la chair aux plaisirs trompeurs, dont le nom est Isaac. [30] En recevant son héritage tu éloigneras nécessairement de toi l’effort : en effet, l’abondance des biens disponibles et à portée de main est la cause de l’absence d’effort ; et la source, de laquelle pleuvent les biens, c’est la rencontre du Dieu riche en dons : grâce à quoi, frappant d’un sceau l’ensemble de ses bienfaits, il dit : “je serai avec toi”.’