Première partie : État de la question

I- La psychopathologie périnatale

1-1- Esquisse historique

La psychiatrie périnatale est une discipline fondée sur l’interdisciplinarité qui réunit la psychiatrie de l’enfant, la gynécologie-obstétrique, la pédiatrie, la néonatologie, les services sociaux etc… La psychiatrie périnatale a vu le jour dans les années cinquante en Angleterre, avec la première hospitalisation mère-bébé organisée par le psychiatre et psychanalyste M.Main. En 1959, une première unité d’hospitalisation mère-bébé est créée au Banstead Hospital, à l’initiative de psychiatres d’adultes. Les psychiatres affirment alors leur volonté de ne plus séparer les femmes de leur enfant lorsqu’elles sont soignées pour des troubles psychiatriques. Des études comparatives viendront assez vite confirmer les effets positifs de ces hospitalisations mère–enfant pour le devenir de la dyade. A.Baker (1961) dans les années soixante compare l’évolution de vingt femmes diagnostiquées schizophrènes hospitalisées avec leur enfant et vingt autres hospitalisées sans leurs enfants. Les femmes hospitalisées avec leur enfant ont une durée moyenne d’hospitalisation plus courte et les rechutes dans ce groupe à six mois, sont moins importantes. Aucune de ces femmes n’a été contrainte de se séparer de son enfant par la suite.

En France, l’étude des troubles périnataux, initiée par J.-E.Esquirol et L.Marcé (1858) a été longtemps délaissée. Dans les années 1950-60, P.C .Racamier réalise les premières hospitalisations ponctuelles conjointes mère/bébé à l’hôpital psychiatrique. Il faut toutefois attendre 1979 pour qu’une première unité d’hospitalisation mère-bébé s’ouvre en France. Aujourd’hui on en compte une quinzaine, pour la plupart installées dans des hôpitaux psychiatriques. Ces unités mères-bébés ont été créées dans le but de préserver l’enfant de vécus trop violents liés à la discontinuité de la présence maternelle tant physique que psychique et également pour permettre aux femmes en difficulté de devenir mère dans un cadre étayant et réassurant. Ces unités peuvent avoir une visée curative, dans le cas notamment des psychoses puerpérales, mais aussi préventive lorsque la mère présente, entre autres exemples, des antécédents de troubles bipolaires.

Si la psychiatrie périnatale s’est tout d’abord forgée autour de la clinique des troubles psychopathologiques sévères, elle s’est depuis ouverte à la diversité des dysfonctionnements de la parentalité, en s’étayant sur les expériences des professionnels, psychologues ou psychanalystes, sur les terrains de la maternité, la pédiatrie ou la néonatologie et aussi au regard des données fournies par la psychanalyse sur le suivi des femmes enceintes et sur la première enfance. Depuis les années 90, l’intérêt pour les troubles de la parentalité ne fait que croître.

La psychopathologie périnatale est ainsi au carrefour entre la psychopathologie maternelle (avec les travaux de G.L.Bibring, D.W.Winnicott, P.-C.Racamier) et la psychopathologie quotidienne de la femme enceinte (M.Bydlowski).

Dans la préface du livre de S.Missonnier (2003), B.Golse (p.10) définit la psychopathologie périnatale comme allant

‘« approximativement, de la conception jusqu’au douzième ou dix-huitième mois de la vie de l’enfant. (…) Elle se trouve ainsi beaucoup plus étendue que la périnatalité des pédiatres qui ne concerne, elle, que les quelques semaines de part et d’autre de la naissance de l’enfant ». Elle « est centrée sur les multiples avatars du « naître humain » et du « devenir parent». ’