1-2- Le dispositif de recherche

1-2-1- Positions du chercheur clinicien

Dans le cadre de cette recherche, nous postulons que l’intersubjectivité rend possible l’accès au psychisme des sujets étudiés et que le psychisme du chercheur est son principal instrument (C.Revault d’Allonnes, 1989). C’est par lui que le matériel recueilli est traité, aussi n’y-a-t-il pas de signification en dehors de l’écoute qui peut en être faite. L’implication du chercheur est aussi « accès à l’analyse ». Comme le souligne D.Devereux (1980, p.61),

‘« plutôt que de prétendre étudier ce qui se passe là-bas dehors, l’observateur relativiste ne peut étudier les événements qu’auprès de lui-même, selon les répercussions sur ses instruments d’observation. Et, encore plus finement, il peut examiner ces signes soit auprès de l’observé, soit auprès de lui-même, observateur ».’

Nous cherchons donc à entendre le discours latent et le surgissement de l’inconscient chez les sujets interrogés et chez nous-mêmes. Si très vite, les prises de notes sont apparues comme un obstacle à l’installation d’un état de réceptivité et de disponibilité contre-transférentielle permettant d’accueillir et de considérer les effets produits par le discours sur notre psychisme, nous n’avons toutefois pas introduit spontanément le magnétophone.

L’enregistrement des entretiens a été un vrai dilemme. Devant l’omniprésence des machines sur le terrain de recherche, le magnétophone nous est apparu comme la machine de trop, probablement à l’image de la couveuse entre la mère et son enfant prématurissime. Cette perception a évolué au fil de la recherche et le magnétophone a été introduit, permettant une transcription plus fidèle des propos recueillis. De ce fait certains entretiens présentés dans cette recherche ont été enregistrés, d’autres non. Si au plan de la rigueur méthodologique, cette hétérogénéité du recueil des données peut faire l’objet de critiques, elle atteste aussi du travail psychique qui s’opère chez le chercheur au fil des années et de la présence de résistances dans la mise en place d’un protocole de recherche.

Le magnétophone, machine en trop, convoquait dans notre imaginaire l’intrusion et était associé à une violation de l’intimité. Mais derrière le magnétophone se cache celui qui le tient. Après avoir poussé les portes d’un lieu « réservé », pour ne pas dire « sacré », il nous semblait impossible d’en témoigner. Le fait d’enregistrer s’associait pour nous à un sentiment de honte et de transgression. Comment oser à nouveau « prendre le contenu » (du discours) de ces femmes pour le partager avec d’autres (la communauté des chercheurs) ? Peut-être est-ce notre crainte

‘« de dérober aux « Mères » le savoir aveugle et absolu dont elles sont gardiennes » (P.-L Assoun, 1992, p.129) ’

qui s’est exprimée.

Le concept de « pénétration agie de l’objet » de R.Roussillon nous a permis de nous dégager de cette posture. Notre dispositif de recherche se construisait en miroir de la problématique des femmes interrogées : sentiment d’intrusion, de honte, voyeurisme, transgression. Aussi nous sommes-nous dégagés de cette posture afin de pouvoir, par notre méthodologie, interroger les processus à l’œuvre plutôt que de les agir dans le cadre proposé. Les entretiens ont ensuite été enregistrés.

Dans la phase exploratoire du travail, nous avions élaboré et utilisé une grille d’entretien (jointe en annexe) permettant d’explorer auprès des femmes enceintes les représentations du fœtus et de l’enfant à venir. Afin d’élargir notre champ d’investigation, nous avons utilisé une grille d’entretien plus complète, qui permette d’explorer

‘«chez la femme qui affronte la maternité, le domaine des représentations mentales concernant non seulement la femme en tant que personne et mère mais son partenaire et sa famille d’origine » (C.Candelori, 1999, p.22)’

Nous pouvions ainsi recueillir plus de données concernant la grossesse, l’histoire de la patiente, ses liens familiaux. Autant de données susceptibles de mettre au travail nos hypothèses. Si nous n’avons pas les moyens d’accéder aux représentations inconscientes des femmes enceintes, leurs représentations conscientes et préconscientes nous permettent toutefois d’approcher les fantasmes sous-jacents. Comme le rappelle A.Green (1993,p.228),

‘« la représentation inconsciente ne peut jamais être perçue ni de l’intérieur, ni de l’extérieur. Elle peut prendre une forme figurable après qu’elle a d’abord été élaborée par le sujet lui-même ou par un autre qui communique au sujet sa pensée. Mais alors, il ne s’agira que d’une représentation consciente supposée avoir quelque analogie avec la représentation inconsciente impossible à connaître ».’

L’outil que nous avons alors utilisé est l’IRMAG : Interview pour les Représentations MAternelles pendant la Grossesse que nous allons tout de suite présenter.