1-2-2- L’Interview pour les Représentations Maternelles pendant la Grossesse (IRMAG)

‘« Se définissant par le concept fondateur de «représentation inconsciente », la théorie analytique s’organise sur un paradoxe : elle veut maintenir, dans le même concept, à la fois, l’idée d’une représentation siégeant dans l’Ics et par définition coupée de la conscience, et l’idée opposée, contenue dans le terme de représentation, de « présenter devant les yeux ou devant l’esprit » » (C. et S.Botella, 1992, p.24).’

Le monde fantasmatique de la future mère et son imaginaire sont appréhendés avec l’Interview pour les Représentations Maternelles pendant la Grossesse (IRMAG). Il s’agit d’un entretien semi-structuré qui a été élaboré par M.Ammaniti et Al., dans les années 1990. L’IRMAG s’inscrit dans une lignée de travaux qui s’appuie sur les avancées théoriques suivantes :

La grossesse est un processus, un moment évolutif fondamental du développement de l’identité féminine.

La grossesse implique des modifications substantielles du monde représentationnel de la femme enceinte.

Les fantaisies des parents sur leur enfant sont construites systématiquement selon des règles dérivées des expériences des relations avec leurs propres parents.

L’interview est constituée de 41 questions et aborde six grands axes :

1/ Le désir de maternité dans l’histoire personnelle de la femme et dans l’histoire du couple : il s’agit d’approfondir comment le désir d’enfant s’est formé dans l’histoire de la femme et dans sa relation avec son partenaire.

2/ Les émotions personnelles du couple et de la famille à l’annonce de la grossesse. Ce moment peut être représentatif de l’acceptation ou de la non-acceptation de la maternité (hésitation, sentiment de honte etc..). Par ailleurs M.Ammaniti souligne que l’emphase excessive liée à l’annonce peut venir témoigner d’une compétitivité latente avec la mère.

3/ Les émotions et les changements au cours de la grossesse dans la vie personnelle du couple et par rapport aux familles. Une attention particulière est portée au vécu de la femme enceinte concernant ses changements corporels. Le corps pouvant être utilisé pour exprimer des conflits et des ambivalences.

4/ Les perceptions, les émotions positives et négatives, les fantaisies maternelles et paternelles : l’espace intérieur de l’enfant.

‘« L’interview permet d’explorer si un espace spécifique occupé par l’enfant qui va naître s’est déjà formé chez la mère » (C.Candelori, Op.Cit., p.27). ’

L’interview permet de recueillir des informations sur la perception des premiers mouvements fœtaux, sur le vécu de l’échographie etc…

5/ La perspective temporelle, les expectatives futures qui permettent d’approcher la construction de la parentalité.

6/ La perspective historique de la mère par rapport à son rôle présent et passé de fille. Cela permet d’accéder aux enjeux identificatoires de la femme enceinte.

L’IRMAG nous semble un outil approprié pour tester nos hypothèses dans la mesure où l’interview permet d’aborder la représentation de l’enfant et le processus de différenciation en questionnant les points suivants :

a/ la reconnaissance de l’acquisition par le fœtus, au long des mois, d’une configuration et de caractéristiques de plus en plus définies.

b/ le fait de parler de plus en plus souvent de l’enfant dans le discours et de le considérer comme un être virtuellement séparé de soi, doté d’une individualité en cours de formation,

c/ l’habitude de parler de l’enfant ou de s’adresser à lui en utilisant son prénom ou un sobriquet,

d/ la tentative d’individuer dans les mouvements fœtaux des caractéristiques personnelles et également, le choix du prénom, la préférence par rapport au sexe ou sa connaissance à travers l’échographie, l’organisation de l’espace dans la maison pour l’enfant, les projets sur la façon de l’élever pendant les premiers mois de sa vie…

L’IRMAG questionne également les rapports que la femme enceinte entretient avec sa mère et son partenaire et comment elle inscrit l’expérience de la grossesse dans son histoire personnelle. Classiquement, l’IRMAG est utilisé au cours du 7ème mois de grossesse. Nous l’utilisons entre le 6ème et le 7ème mois pour tous les groupes constitués.

Par ailleurs, au cours de l’entretien, il est possible d’utiliser des listes déterminées d’adjectifs qui ont été élaborées en collaboration avec D.Stern et son équipe de Genève afin de dégager des différentiels sémantiques. Il s’agit de cinq listes qui concernent :

  1. les caractéristiques individuelles de l’enfant attendu
  2. les caractéristiques individuelles de la femme
  3. les caractéristiques individuelles de son partenaire
  4. les caractéristiques maternelles de l’interviewée
  5. les caractéristiques de sa mère

Ces listes n’ont pas été utilisées pour notre recherche car le traitement des différentiels sémantiques ne nous semblait pas approprié au regard de nos hypothèses.

Nous avons pris le parti de ne pas utiliser le système de codification relatif aux représentations maternelles qui est proposé par les auteurs. Les scores obtenus ont comme visée de classer les représentations maternelles en trois catégories :

Représentations maternelles « intégrées/équilibrées »

Représentations maternelles « réduites/désinvesties »

Représentations maternelles « non intégrées/ambivalentes »

Notre objectif n’est pas d’évaluer les représentations maternelles pendant la grossesse mais d’explorer les pistes proposées par l’IRMAG afin de dégager une compréhension métapsychologique de la prématurité. Aussi, de notre point de vue, cette codification ne présente pas d’intérêt pour notre recherche. Par contre, comme nous l’avons déjà souligné, nous avons introduit le dessin au cours de l’interview.