Troisième partie : Présentation des résultats

Présentation générale

Nos hypothèses1 portant d’une part sur l’impossibilité des femmes qui accouchent très prématurément de se représenter la présence d’un autre en elle et d’autre part sur la qualité des relations précoces entre ces femmes et leur propre mère, nous avons choisi de présenter nos résultats de la manière suivante :

Pour les groupes 1 et 3, c’est-à-dire le groupe témoin et le groupe des femmes hospitalisées pour MAP, nous avons choisi de présenter l’histoire et les vécus de la grossesse recueillis à l’aide de l’IRMAG. Nous mettons en perspective le désir d’enfant et les difficultés ou non à le réaliser ainsi que les changements provoqués par la grossesse, pour la femme enceinte et pour son conjoint. Nous présentons également dans cette partie la vie onirique des femmes enceintes rencontrées, « voie royale d’accès à l’inconscient » et qui peut également éclairer notre questionnement psychosomatique.

L’IRMAG nous ayant permis d’interroger les fantaisies relatives à l’enfant imaginaire, nous présentons le matériel recueilli, ainsi que les représentations mobilisées par le dessin proposé aux femmes enceintes. Nous présentons ensuite les vécus de ces femmes concernant les perceptions des mouvements du fœtus et l’impact sur leurs vécus de grossesse de l’image échographique.

Afin de vérifier notre deuxième hypothèse, nous présentons les liens qui unissent ces femmes à leur mère avant et pendant la grossesse. Et nous terminons avec la présentation d’un cas représentatif de l’échantillon.

Pour traiter le groupe des femmes hospitalisées pour MAP, nous sommes partie de ce qui lie ces femmes entre elles, l’hospitalisation, pour tenter de dégager ce qui les distingue et qui pourrait éclairer le fait que certaines mènent leur grossesse au terme et d’autres non. Ainsi nous avons choisi de présenter les résultats de cet échantillon sans tenir compte des sous-groupes (MAP + terme et MAP + prématurité) dans un premier temps, pour, dans un second temps, dégager les ressemblances et les différences entre les deux sous-groupes.

Le groupe des femmes ayant accouché très prématurément est présenté différemment des deux autres groupes car pour ce groupe, nous n’avons pas eu recours à la même méthodologie. Pour deux femmes sur trois (Mesdames V et W), il s’agit d’entretiens cliniques dans le cadre d’une prise en charge après la naissance de leur enfant. Nous n’avons donc pas recueilli les mêmes données concernant le bébé imaginé et l’impact de l’image échographique. Ainsi, il nous a semblé pertinent de présenter, comme pour les autres groupes, l’histoire et les vécus de grossesse et le lien de ces femmes avec leurs mères afin de les mettre en perspective avec les données recueillies auprès des autres groupes. Mais nous avons également choisi de présenter les observations que nous avons pu faire dans ce suivi concernant la construction de la parentalité dans un service de réanimation néonatale. Comme nous l’avons expliqué dans l’introduction, notre recherche est née du constat que les femmes que nous rencontrions auprès de leur bébé prématuré nous parlaient d’un autre traumatisme que celui de la naissance prématurée. Ce qui nous a amené à penser que la prématurité n’est que l’après-coup d’un premier traumatisme : la grossesse. Ainsi, présenter leur devenir-mère dans un service de réanimation néonatale nous permettra-t-il de discuter le matériel issu de la clinique et sa valeur heuristique.

Notes
1.

Pour rappel, nos hypothèses sont les suivantes:

- D’un point de vue intrapsychique, la présence d’un autre en soi différent de soi est impensable, irreprésentable pour ces femmes et l’excitation produite par la présence du fœtus, la collusion entre réalité interne et réalité externe conduit à une somatisation.La naissance prématurée vise à rétablir l’équilibre psychosomatique de ces femmes. Elles sont contraintes de rétablir leur intégrité corporelle pour penser, pour se représenter par le « voir » l’objet-fœtus. La présence d’un autre au-dedans brouille les limites soi/autre et nécessite au plus vite, pour les femmes qui accouchent très prématurément, un rétablissement de ces limites. Ainsi l’expulsion prématurée du fœtus viserait le rétablissement d’un espace qui leur permette de se différencier de l’autre et de se retrouver elles-mêmes. Elles accoucheraient afin de suspendre la violence traumatique inhérente au surgissement du non-moi dans le moi. Elles n’auraient plus la possibilité de constituer sur le plan psychique « l’épreuve de réalité » et seraient ainsi en plein collapsus topique.

- De cette première hypothèse découle une seconde hypothèse concernant la construction d’un objet interne chez ces femmes. La disjonction entre le moi et ce qui dans le soi représente l’autre n’est pas suffisamment élaborée et la prématurité permet d’opérer cette disjonction, impossible à traiter psychiquement par ces femmes. La construction chez ces femmes de l’objet interne est défaillante du fait d’une relation carentielle à l’objet primaire maternel. L’objet primaire maternel n’a pas joué son rôle structurant dans sa présence, son mode d’être, sa continuité, altérant alors le processus de la différenciation intrapsychique. Les carences dans le lien avec l’objet primaire ont conduit ces femmes à effectuer une différenciation trop précoce du Moi (mauvais accordage).