I-Rencontres avec les femmes enceintes ayant atteint le terme sans incident somatique (groupe 3)

1-1-Histoires et vécus de grossesse

Parmi les cinq femmes interrogées, une seule vit pour la première fois l’expérience de la grossesse. Il s’agit de madame B. Pour les autres il s’agit d’une seconde grossesse. Sa gynécologue lui demande de se reposer pendant 15 jours. Toutes ces femmes ont accouché à terme.

Elles vivent en couple et parlent d’un désir commun d’enfant. Pour les cinq la grossesse était attendue et désirée, ce qui ne semble pas atténuer un effet de surprise à l’annonce de la grossesse :

‘« C’est une grossesse désirée. On n’a pas eu l’angoisse de l’attente. On n’a été surpris que ça ait marché si vite ».(madame D)
« Alors heu et ben au début, j’étais toute déboussolée quand j’ai pas eu mes régles, je me suis dis ah mais ça a déjà marché. J’étais tout (rires) toute pas bien ».(madame E)’

Pour madame A, cette grossesse fait suite à une fausse couche un an plus tôt et une IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) deux ans auparavant. Madame B a eu recours à des traitements et à des inséminations pendant deux ans, mais elle est finalement tombée enceinte naturellement lors de son voyage de noces. Pour les trois autres femmes, la grossesse intervient très rapidement après l’arrêt de la contraception (entre un et trois mois).

Madame A dit qu’elle a toujours voulu une autre grossesse. Elle perçoit très rapidement les premiers changements corporels, ce qu’elle associe au fait qu’elle les attend. Elle a peur de grossir et se sent très fatiguée. L’IVG est latente tout au long de l’entretien mais madame A ne revient pas sur cette expérience.

Madame B aimerait avoir deux ou trois enfants, pas trop rapprochés en âge et « les parents trop vieux, c’est pas (s)on truc ». Les deux années d’échec dans la conception ont retardé leur projet d’enfants. Lorsque la grossesse est avérée, elle rêve plusieurs fois qu’elle n’est pas vraie et que les médecins reviennent sur leurs décisions, « qu’il n’y a rien ». Elle n’en parle à personne.

Madame C associe son désir d’enfant à l’horloge biologique puisqu’elle a 37 ans. La grossesse n’est pas un moment très agréable pour elle. Elle évoque une grossesse douloureuse puisqu’il y avait deux fœtus au départ et qu’elle en a perdu un. Les médecins lui ont dit qu’elle avait de fortes chances de perdre le deuxième, ce qui conduit madame C à peu investir sa grossesse. Elle a déprimé puis « repris du poil de la bête » selon son expression à partir du 4ème mois. Madame C formule son désir d’accoucher. La présence du fœtus est perçue comme intrusive. Elle dit par ailleurs qu’elle autorise moins sa mère à rentrer dans sa vie depuis qu’elle est enceinte. Elle revient sur l’expérience de sa première grossesse qui n’était pas vraiment prévue et qui a généré beaucoup d’interrogations chez elle concernant ses capacités à être mère. Les « grand-mères » l’ont alors encouragée à se faire avorter, ce qu’elle n’a pas fait.

Le début de grossesse de madame D est parsemé d’angoisses. Elle est infirmière-puéricultrice dans un service de néonatologie. Elle évoque un moment difficile par rapport à son travail :

‘«Y’avait deux petits en attente de décès dans le service…forcément, j’avais l’impression qu’il allait m’arriver une tuile autour de 22 semaines…le matin de la première écho, je me suis trouvé un ganglion sous le bras. Avant la grossesse, j’avais un ganglion suspect, je devais faire une écho mais je suis tombée enceinte. J’ai fait l’écho après, mais y’avait rien. Le moindre petit truc…une plaque sur le côté du ventre…je vivais tout très mal…j’étais très mal au niveau du boulot…et puis non, tout s’est bien passé ».’

Madame D compare beaucoup son vécu avec celui de sa première grossesse. Aussi se sent-elle « moins attentionnée, moins à l’écoute de (s)on ventre ». Elle a le sentiment de prendre « moins de temps » pour le bébé. Mais elle dit également que son mari

‘« va être plus monopolisé par (s)on petit (l’aîné) et pas par (s)on ventre. C’est pas qu’il va pas faire attention à moi mais il s’occupera du plus grand ». ’

Ainsi madame D donne également à entendre l’identification au bébé dont on ne s’occupe pas assez. L’aîné devenant aussi le rival qui accapare l’objet d’amour.

Au moment où nous la rencontrons, madame E est en arrêt de travail en raison d’une légère modification du col de l’utérus. Sa grossesse surprend son entourage à qui elle n’avait pas laissé entrevoir son projet d’avoir un autre enfant. Elle insiste beaucoup lors de l’entretien sur son âge (elle s’approche de la quarantaine) et celui de son mari. Beaucoup d’inquiétudes se focalisent autour de cela. Seront-ils encore capables de s’adapter au rythme d’un bébé, de se lever la nuit…? Elle redoutait une fausse couche :

‘« comme pour la première moi…avant Juliette (sa première fille), j’avais fait un œuf clair et ça m’avait tellement traumatisée, là j’ai dit, ben on le dit pas avant d’être vraiment sûrs quoi, surtout que moi je voulais le dire en premier à ma fille ».’

Ainsi, pour l’ensemble de ces femmes, le bébé à venir est d’abord imaginé mort. Mesdames A et E redoutent des fausses couches, madame B perd l’un des deux fœtus, madame C fait plusieurs FIV qui ne marchent pas et madame D craint qu’il lui arrive « une tuile » vers 22 SA.

La vie onirique pendant la grossesse

Madame A se souvient qu’elle a rêvé

‘« d’un enfant qui sortait tout habillé, qui parlait… »’

Elle trouve ses rêves « fatigants » car il y a toujours beaucoup de monde et beaucoup d’activités.

Madame C ne se souvient pas d’avoir fait de rêves particuliers lors de sa grossesse.

Madame B évoque plusieurs rêves autour de l’enfant à naître mais elle reste très évasive :

‘« J’ai rêvé à quoi elle ressemblait dans mon ventre…c’était comme les images vues dans les livres ».
« Je la rêve le jour de l’accouchement ».’

Madame D se souvient d’avoir rêvé mais n’a pas gardé d’images précises :

‘« Oui j’ai fait des rêves mais qui me reviennent pas précisément. C’est plus le bébé au moment de la naissance ou quand il était là. C’est vague, j’ai pas d’images précises ». ’

Quant à madame E, ses rêves sont proches du cauchemar et elle doit s’assurer qu’elle est bien enceinte au réveil. Elle ne raconte aucun rêve avec précisions.

‘« Oui j’ai rêvé plusieurs fois mais pas forcément toujours en bien. Je me levais 50 fois la nuit ou des fois Juliette (sa fille aînée) a dû m’appeler. Je me disais attends, non c’est bon t’es toujours enceinte..Ouais mais sinon pas trop ». ’