Quatrième partie : Synthèse et discussion des résultats

I- La très grande prématurité : une tentative de meurtre ?

‘« Histoire de deux corps, un corps contenant visible et un corps invisible en lui "contenu" » (S.Maiello Hunziker, 1983)’

Nous ne pouvons pas aspirer à la généralisation de nos résultats. Il s’agit cependant de rendre compte de quelques enjeux qui sont au cœur de la très grande prématurité, à travers une mise en perspective, à partir de nos hypothèses, des situations présentées.

Notre première hypothèse met en avant la difficulté pour les femmes qui accouchent très prématurément à accepter la présence d’un autre en elles. Nous avons pu mettre en évidence que les femmes qui accouchent très prématurément ne vivent pas la grossesse comme un moment très épanouissant. La présence du fœtus et la conscience de cette présence lorsque les mouvements fœtaux s’intensifient, brouillent les limites identitaires et nécessitent une expulsion immédiate du fœtus. La rencontre brutale entre le fantasme inconscient de retrouver l’objet primaire et la réalité de la grossesse, événement traumatique, les désorganisent et les conduisent à un rétablissement de leur propre limite.

‘« L'abolition des barrières entre le dedans et le dehors provoque alors un "collapsus topique " (C.Janin, 1996) c'est-à-dire une désorganisation de "l'épreuve de réalité ", de la " fonction de censure " (refoulement) et de la " transitionnalité ". (T.Bokanowski, 2002) ’

La prise de conscience de l’état de femme enceinte est très clairement associée à la perception des mouvements fœtaux, mais cette perception est à l’origine d’un mouvement de désintrication pulsionnelle. Ces femmes, en prise avec la réalité de la grossesse seraient en plein collapsus topique. Comme le souligne T.Bokanowski (2002)

‘« lorsque la force du refoulement ne peut se porter garante contre les effets d’une perception, venue, elle aussi du dedans, les deux courants de l’inquiétante étrangeté se retrouvent imbriqués et redonnent vie à l’objet perdu ».’

En mobilisant le souvenir de fusion primaire avec la mère, la grossesse réveille le fantasme, né de cette expérience de fusion, qu’il n’existe « qu’un corps et une psyché pour deux » (J.Mc Dougall, 1989, p.44). J.Schaeffer (2002) écrit que ce vécu d’un corps pour deux, d’indifférenciation sexuelle, crée le fantasme d’une bisexualité prégénitale à deux. L’enfant et sa mère, « c’est tout une chose » pour madame U. « C’est la même équipe » dira madame G. Pour les femmes hospitalisées pour MAP, les retrouvailles indifférenciées avec la mère primitive semblent dangereuses et redoutées… et le fœtus est perçu comme un alien !