2.1.3– Les Composantes des attitudes face au VIH/Sida

Les attitudes sexuelles face au VIH/Sida, c’est-à-dire la disposition ou l’état d’esprit dans lequel se trouve un individu face au VIH/Sida ou encore l’état de préparation des individus face à leur comportement sexuel, comprennent aussi trois composantes :

* La composante cognitive, c’est-à-dire une connaissance, une croyance quelconque concernant le VIH/Sida. Nos idées, connaissances, croyance sur le VIH/Sida et en occurrence sur l’usage du préservatif peuvent posséder plusieurs caractéristiques :

1/ - Elles peuvent être vraies ou fausses : cette caractéristique a beaucoup d’influence sur nos attitudes, car la croyance en l’existence du Sida par exemple déclenche un processus cognitif qui intègre cette information dans le schème cognitif et permet aux individus d’avoir des comportements qui oscillent à la même vitesse que leurs croyances, idées et connaissances. Ainsi, des personnes qui ne croient pas en l’existence du Sida par exemple seraient plus vulnérables que celles qui croient en l’existence de la maladie. Leur perception, cognition, seraient insensibles à la pertinence et l’utilité de la prévention.

2/ - Elles peuvent être simples ou complexes : si les sujets ne sont pas sensibilisés et informés sur la pandémie du Sida, leurs croyances au sujet du VIH/Sida sont simples, c’est-à-dire peu nombreuses, peu diversifiées, peu nuancées. Le terme VIH/Sida évoquerait chez certains individus des croyances, idées, connaissances infiniment plus complexes que chez d’autres individus qui sont effectivement et régulièrement informés sur le Sida. Les attitudes des individus qui reposent sur des idées, connaissances et croyances simples face au VIH/Sida sont probablement plus sujettes et favorables au changement, car leur base est facile à démolir parce qu’elle est rarement conforme à la réalité.

3/ - Elles peuvent être importantes : des convictions profondes concernant le VIH/Sida peuvent jouer un rôle extrêmement important dans la vision qu’une personne a du VIH/Sida et de l’usage du préservatif. Les attitudes qui reposeraient sur de telles convictions seraient donc très difficiles à changer. C’est pourquoi, avant d’entreprendre tout processus de changement de comportement sexuel face au VIH/Sida, il est important de connaître quelles sont les idées, connaissances, croyances et convictions de ces individus sur le Sida, les modes de prévention et les modes de contamination. Il est vrai que cette dimension cognitive à elle seule ne suffit pas pour susciter le changement de comportement sexuel qui est un comportement qui procure du plaisir et des sensations fortes. D’où la nécessité de s’intéresser à la composante affective des attitudes.

* La composante affective, c’est-à-dire l’attrait ou la répulsion que le sujet éprouve envers le VIH/Sida, le port du préservatif et le comportement sexuel. Elle comprend les affects, les sentiments, les états d’humeur, les émotions qui surgissent lorsque l’individu est placé en face de l’objet ou, simplement, pense à cet objet. L’objet d’attitude face au VIH/Sida est un objet qui suscite du plaisir. Car, le problème du Sida est celui du comportement sexuel. La composante affective qui intervient dans l’élaboration des attitudes (préventives ou défensives) face au VIH/Sida ne devrait pas passer outre le fait que le plaisir procuré par l’activité sexuelle est important pour garantir l’équilibre corporel et psychologique du sujet. Dans le cadre de notre étude, nous mettons un accent particulier sur les émotions et/ou les sentiments.* Le terme « émotion » ou « sentiment » implique ordinairement une réaction somatique, comme par exemple une accélération des battements du cœur en présence d’un être aimé. Tout comme les idées, les connaissances et les croyances, les émotions possèdent des caractéristiques très importantes pour l’édification des attitudes :

1/ - Elles peuvent être favorables ou défavorables, c’est-à-dire que l’individu « se sent bien » devant certains objets relatifs au VIH/Sida, alors qu’il peut être malheureux ou mal à l’aise devant d’autres éléments qui interviennent dans le VIH/Sida. Dans le cas du Sida, les émotions à elles seules ne peuvent pas permettre de prédire les actions du sujet face à la pandémie. Mais il est vrai que les émotions, sentiments, affects, suscités par le comportement sexuel, sont capables d’influencer la formation des attitudes du sujet face au VIH/Sida. Cette hypothèse a constitué l’une des chevilles ouvrières d’une étude que nous avons menée précédemment. Nous avons montré que les stimulations sexuelles de l’environnement favorisent la résistance au changement d’attitude face au VIH/Sida chez les adolescents de Yaoundé  (Noumbissie, 2004). Nous avons également montré que lorsque les stimulations sexuelles sont favorables à la protection, les individus se protègent et dans le cas contraire, ils résistent au changement.

2/ - Elles peuvent être intenses ou superficielles. On peut évidemment s’attendre à ce que nos attitudes sexuelles face au VIH/Sida aient plus d’influence sur notre vie sexuelle et soient plus difficiles à modifier lorsqu’elles s’accompagnent d’émotions vives et profondes. Le plaisir sexuel, la satisfaction sexuelle qu’accompagne le comportement sexuel doivent être pour beaucoup dans la résistance à la persuasion et au changement de comportement chez les individus. Les personnes qui assouvissent pleinement la satisfaction sexuelle seraient plus réfractaires au changement que les personnes insatisfaites. Il est vrai que cette affirmation peut être taxée d’erronée, mais il est aussi vrai que la procuration du plaisir réalisée pendant les comportements sexuels justifie la résistance à l’adoption de l’abstinence comme mode de prévention (Noumbissie, 2004).

Toutefois, pour clôturer cette partie sur la composante affective des attitudes, mentionnons que le plaisir y joue un rôle très déterminant. Le plaisir, précisons-le, fait référence à un état affectif positif qui se présente chez l’individu comme un sentiment de joie, de satisfaction et de contentement (Mehrabian, 1976). Baker, Levy et Grewal (1992) définissent le plaisir comme étant le fait de se sentir bien dans un environnement. Le plaisir s’exprime dans les rapports sexuels par le sourire, la présence de chaleur dans la voix et par des expressions verbales positives. Le plaisir est instantanément reconnu par soi-même et par autrui. Selon Mehrabian et Russel (1974), les termes bipolaires de l’axe du plaisir sont heureux versus malheureux, réjoui versus contrarié, satisfait versus insatisfait, content versus mélancolique, plein d’espoir versus désespéré et détendu versus ennuyé. Selon qu’on appartienne à tel ou tel axe du plaisir, cette appartenance influe nos attitudes face au comportement sexuel. Certaines personnes, par exemple, pensent que le port du préservatif diminue le plaisir ; d’autres par contre pensent que le port du préservatif l’améliore, voire l’augmente. Cette situation peut générer port ou résistance selon notre appartenance polaire.

* La composante conative, c’est-à-dire non pas une action, mais une tendance à l’action. Elle correspond aux intentions ou aux décisions relatives à l’action et semble, a priori, liée aux deux autres dimensions. Il s’agit aussi des actions du sujet. Elle consiste en une disposition à agir de façon favorable ou défavorable vis-à-vis du VIH/Sida. Si l’attitude est favorable, l’individu sera tenté de poser des comportements préventifs comme l’abstinence, la fidélité ou l’usage permanent et correct du préservatif. Si par contre l’attitude est défavorable, l’individu s’opposerait aux sensibilisations relatives au VIH/Sida, et résisterait à l’adoption des comportements sexuels préventifs. Il faut aussi préciser que dans maints cas, et comme nous le verrons plus loin, l’action désirée ne sera pas toujours prise, à cause principalement des normes, contextes, variables intermédiaires qui peuvent détourner l’intention d’usage du préservatif face au VIH/Sida à la résistance à l’usage du préservatif. Avant d’y arriver, intéressons-nous tout d’abord à la structure des attitudes.