2.1.5.3 – Les sources cognitives de l’attitude vis-à-vis du VIH/Sida

La formation de l’attitude par le biais des deux composantes affectives et comportementales a mis en lumière la façon dont un objet peut devenir associé à une étiquette affective. En d’autres termes, nous apprenons à aimer comme nous l’avons dit un peu plus haut les objets couplés à des conséquences positives et développons des appréciations envers les objets associés à des conséquences négatives. Comme nous le soulignons déjà, la problématique de la structure des attitudes vis-à-vis du Sida met en relief les problèmes posés par la communication et la sensibilisation sur le VIH/Sida. Le VIH/Sida a été associé à des expressions (mort, plaisir, souffrance, etc.) qui suscitent à la fois la peur et la joie, cette association d’objets d’expression influence les attitudes vis-à-vis du Sida selon le degré de croyances, connaissances des individus. De même, la publicité sur le préservatif a mis l’accent sur un élément affectif dont son contraire peut être appréhendé (le préservatif augmente le plaisir).

Cette association sur le plan de la sexualité peut susciter une émotion et son contraire. Puisque ceci dépend des habitudes sexuelles de tout individu. Car le préservatif peut augmenter le plaisir chez certains, le diminuer chez d’autres et ne même pas le susciter chez d’autres. Sur le plan cognitif, ce problème est à prendre au sérieux. Car les schèmes cognitifs de base des individus sont élaborés en fonction du traitement cognitif qu’ils ont fait du VIH/Sida et du préservatif. Cette composante cognitive, comme nous l’avons déjà dit, influence la structure et la formation des attitudes des individus vis-à-vis du VIH/Sida. Il est aussi vrai qu’on peut aussi démontrer que des indices affectifs peuvent devenir associés à un objet par voie symbolique impliquant un traitement plus actif de l’information.

Le Sida, depuis le début de l’épidémie, a fait place à des rumeurs, des croyances, des perceptions, des représentations, des attributions causales, des cognitions, des interprétations qui régulent et contrôlent les conduites, attitudes et comportements sexuels face à l’épidémie. La définition que Fisher donne des représentations met en évidence tous les aspects du milieu qui modèlent et structurent les représentations, les croyances et attitudes construites autour d’un phénomène. En effet, il définit les représentations sociales comme  la construction sociale d’un savoir ordinaire élaboré à travers les valeurs et croyances partagées par un groupe et donnant lieu à une vision commune des choses qui se manifestent au cours des interactions sociales  (Fisher, 1996). C’est en ce sens que Weber (1971) faisait des représentations sociales un cadre de référence et un vecteur de l’action des individus. Cette approche résolument cognitive considère d’abord qu’une représentation ou une croyance peut être formellement décrite en termes d’éléments et de relation. L’argument cognitiviste est que le comportement intelligent présuppose la faculté de représenter le monde d’une certaine façon, dans la mesure où la cognition consiste à agir sur la base de croyance et de représentation.

Rokeach (1960) introduit alors le modèle d’un système croyance-incrédulité, « composé » également des non-croyances, dont le sujet sait qu’elles sont celles de certains de ses congénères, qu’il connaît mais qu’il n’adopte pas et pourrait adopter dans certaines mesures. L’homme filtrerait l’ensemble de son approche des êtres et des choses par l’intermédiaire de cet ensemble articulé, dont il s’agit alors d’établir la structure avant même d’en décrire les contenus. Pour Rokeach, il existe une relation significative entre la structure cognitive des individus et les systèmes de croyances (périphériques et centrales) que les individus construisent sur un phénomène.

Nous sommes sans oublier que les croyances du sujet, bien qu’individuelles ou collectives, sont sous-tendues par des variables environnementales qui sauvegardent leur pérennité et assurent leur continuité. C’est ainsi qu’elles sont parfois difficiles à modifier. C’est ce qui fait que les adolescents sont parfois réfractaires au changement de comportement sexuel et les rend de plus en plus vulnérables au VIH/Sida. Les systèmes de croyances établis autour du Sida par les adolescents africains portent sur la croyance à l’existence de la pandémie, l’efficacité du préservatif, à la plénitude du plaisir sexuel pendant les rapports sexuels non protégés, à la faisabilité des méthodes préventives (abstinence –fidélité -condom), au Sida comme punition de Dieu, au fétichisme sexuel, à des puissances et forces naturelles protégeant contre le VIH/Sida, au blindage, au Sida comme maladie mystique et sorcelleresque, etc.