2.1.6.4- La fonction de défense du soi

D’inspiration psychanalytique, la fonction de défense de soi est aujourd’hui considérée sous la rubrique du maintien de l’estime de soi (Greenwald, 1989 ; Shavitt, 1990). A cet effet, nous retenons que nos attitudes peuvent augmenter ou protéger notre estime de soi contre des menaces extérieures ou des conflits internes. Ainsi, on peut posséder des attitudes négatives à l’égard de certaines personnes non à cause de frustrations de leur part, mais comme moyen de satisfaire un besoin, de se sentir bon ou supérieur à elles. Cette situation laisse penser que les personnes qui ont une estime de soi supérieure contracteraient moins le VIH que les personnes qui ont une faible estime d’elles. Car elles ne se plieraient pas aussi vite aux exigences de rapports sexuels non protégés de leurs partenaires. Elles ont encore la priorité de pouvoir décider de leurs rapports sexuels, du lieu, de l’heure et même du comment. L’estime de soi est perdue en considération dans la lutte contre le VIH/Sida.

Parfois, l’attitude consistera en une expression incompatible avec des états intérieurs d’anxiété, permettant ainsi à l’individu de ne pas prendre conscience du danger ou risque auquel il est exposé. Par exemple, Herek (1987) observa, chez les sujets affichant des attitudes négatives envers les homosexuels, une personnalité plutôt défensive et plus d’anxiété relative à l’identité hétérosexuelle. Il nous faut préciser que les attitudes des individus vis-à-vis du VIH/Sida remplissent également quatre fonctions. Une fonction de connaissance qui renvoie à un mode de traitement de l’information sur le VIH/Sida et qui utilise l’information évaluative en mémoire pour classer le VIH/Sida en éléments favorables ou défavorables, souvent aux dépens de stratégies cognitives. La fonction d’adaptation est privilégiée par les individus à monitorage de soi élevé tandis que les individus à faible monitorage favorisent la fonction d’expression. La fonction de défense du soi contribue au maintien de l’estime de soi et par conséquent consolide la résistance à l’adoption des attitudes défavorables vis-à-vis du VIH/Sida chez certains individus.

Mentionnons toutefois que les attitudes ne sont pas unidimensionnelles. Elles se présentent comme des données complexes, parfois sujettes à des variations pas faciles à cerner de prime abord. Le contexte dans lequel se situe l’objet de l’attitude peut influencer sur cette dernière, quoique l’attitude soit considérée comme une structure psychologique rigide et difficilement modifiable. L’attitude joue un rôle de médiation entre les facteurs internes et les facteurs externes sans toutefois se réduire aux uns ou aux autres. Les explications de la notion d’attitude qui précèdent nous permettent de parler de façon explicite de sa fonction de régulation des conduites et des communications sociales et sa fonction intégrative du nouveau ou du complexe dans l’ancien. Rappelons également que l’attitude soumet les processus d’estimation, de jugement et de reconnaissance des données à une direction imposée par elle.

Notons aussi que l’attitude a une fonction énergétique ou tonique, cette fonction porte sur l’interrelation motivations – systèmes de valeurs. Il nous serait difficile de passer sous silence cette autre fonction des attitudes qui est celle de satisfaire au besoin d’appartenance à un groupe (Durandin, 1954, cité par Ebale Moneze, 2001, p.5). Ainsi, adopter une attitude spécifique au groupe, c’est en fait manifester soit son consentement à une ou certaines de ses normes, soit sa soumission audit groupe, pour le prestige ou la sécurité qu’il procure. Pour Moscovici (1986), « Les attitudes, d’une part, sont définies en tant que structures cognitives : des états d’esprit tournés vers les valeurs et des états de disponibilité organisés à travers l’expérience (…). D’autre part, les attitudes sont la colonne vertébrale de toutes les autres manifestations psychiques : perceptions, jugements et comportements » (Moscovoci, 1986, cité par Ebale Moneze (2001, p.4)). Il pense également que l’attitude constitue « un palier qui permet le passage de la réalité sociale à la réalité psychologique » (Moscovici, 1961, p.266).

Il faut également préciser que les attitudes sont reliées aux conduites, mais que l’établissement de cette relation requiert certaines conditions d’ordre méthodologique. Ainsi, une attitude générale assure la prédiction non pas d’une action singulière mais d’une catégorie de conduites, qui forment l’indice comportemental composite. Selon le principe de correspondance, une attitude particulière peut prédire une conduite particulière si l’attitude et la conduite sont spécifiées à l’aide des quatre marqueurs suivants : action, cible, situation, temps. Avant d’entrer plus rigoureusement dans ces différents marqueurs, attardons-nous sur la qualité de relation qui existe entre attitude et comportement et montrons si ces marqueurs peuvent également influencer la relation attitudes vis-à-vis du VIH/Sida et comportements préventifs.