2.1.11- Le changement de comportement sexuel

Etant donné que la sexualité n’est pas un sujet facile à discuter, le changement du comportement sexuel au niveau individuel et celui des normes au niveau de la communauté demande un effort spécial. L’expérience suggère toutefois que les gens changent leur comportement sexuel quand on les rend capable de le faire grâce à la connaissance, aux aptitudes et à l’encouragement qui leur sont prodigués par les programmes de prévention du Sida. Comme dans plusieurs autres régions du monde la grande majorité des personnes infectées au Cameroun le sont du fait de leur comportement sexuel. Ce qui laisse penser que le changement du comportement sexuel est une véritable arme contre le VIH/Sida. Le problème de fond rencontré au Cameroun et comme partout ailleurs est que les personnes contaminées n’ignorent l’existence du VIH/Sida. Comme nous le précisions un peu plus haut, le comportement est l’ensemble de réactions observables consécutives à une situation. Il dépend à la fois de l’individu et du milieu. Le comportement sexuel ne déroge pas à cette définition. De ce fait, l’individu à tout moment est capable de donner des réponses aux stimulations internes et externes relatives à la sexualité.

Dans cette optique, il est appelé à modifier ou à changer de comportement. Car le comportement sexuel n’est pas une donnée immuable. Il varie en fonction des évènements, des situations, des stimulations et des variables intermédiaires. D’une manière générale, pour qu’il y ait changement de comportement il faut qu’il y ait une situation de crise, une persuasion, une pression sociale qui nécessitent le changement comme c’est le cas du comportement sexuel à haut risque. Cette situation de crise s’explique par des messages persuasifs concernant l’impact du VIH/Sida sur les vies humaines. Dans cette optique, le changement de comportement se présente comme la solution appropriée face au phénomène ambiant.

Dans le cas du changement de comportement sexuel, la question fondamentale qu’il faut se poser est celle de savoir : « quand faut-il agir et comment changer le comportement sexuel ? ». Pour répondre à cette question, le groupe d’appui au projet de l’université (University’s Project Support Group-PSG) recommande dans une étude menée en 1997 tout d’abord d’orienter les questions traitées vers la connaissance sexuelle, les attitudes, les croyances et les pratiques qui sont influencées par une variété de facteurs sociaux culturels et économiques. Le PSG insiste sur l’importance des réseaux sociaux informels particulièrement dans l’accroissement de l’usage des préservatifs. Les études montrent que les réseaux sociaux informels, faits d’amis, de membres de famille et de gens de confiance qui ont changé leurs habitudes sexuelles peuvent être des exemples persuasifs. Ainsi, le PSG insiste sur le rôle des pairs éducateurs.

Au Cameroun, également, les ONG, le Comité National de Lutte contre le Sida et les Synergies Africaines contre le Sida et les souffrances, ont également mis un accent particulier sur les pairs éducateurs. Les approches sont véritablement participatives puisque les populations sont mises devant le défi de se confronter, de se poser des questions, de développer leur propre réponse et de créer un consensus normatif concernant les habitudes sexuelles. Cette approche est purement et simplement participative puisqu’elle amène les populations à se sentir directement impliquées dans la lutte contre le Sida.

Notre problématique ne s’érige pas contre cette approche qui est salutaire, puisqu’elle permet d’atteindre les individus qui ont des rapports sexuels fréquents sans protection avec des partenaires multiples et permet également l’augmentation de l’usage du préservatif chez les populations à risque. Notre problématique veut montrer qu’il peut exister un clivage entre la connaissance de l’existence du Sida et la prévention, l’intention d’agir et l’action. Les individus peuvent avoir des attitudes favorables au changement de comportement sexuel et ne pas changer.

Il y a une absence de prédiction du concept d’attitude sur le comportement. Pour comprendre l’absence de cette prédictibilité, Fishbein et Ajzen (1975) se sont tournés vers le décalage entre la mesure des comportements spécifiques et celle des attitudes générales. Ces derniers ont montré par exemple, que dans la plupart des études, les chercheurs tentaient de prédire des comportements spécifiques, c’est-à-dire très précis, à partir de la simple connaissance d’attitudes générales (Cerclé et Somat, 1999). Ces auteurs considèrent en effet, qu’un comportement ponctuel et spécifique est un faible indicateur d’attitude générale ; celle-ci ne pourrait correspondre qu’à une classe de comportements. Ils ont alors proposé la construction d’indices comportementaux généraux susceptibles d’être révélateurs des attitudes générales possédées par les individus. Le changement d’attitude sexuelle peut, dans ce cas, induire le changement de comportement sexuel.