2.1.12– La résistance au changement de comportement sexuel

Dans cette recherche, nous étudions la résistance à l’usage du préservatif face au VIH/Sida chez les adolescents. Il est toujours difficile de constater que, malgré les multiples campagnes de persuasion et de sensibilisation sur les méfaits de la pandémie du Sida, les personnes continuent à avoir des comportements sexuels à risque, à l’instar des rapports sexuels non protégés. Nous avons constaté un changement presque radical dans les habitudes alimentaires des individus après l’alerte à la présence du virus HDN de la grippe aviaire. Les éleveurs ont connu de sérieux problèmes, car les volailles n’entraient plus dans les menus des populations.

Il est vrai que nous n’avons pas fait des études pour voir qu’elle a été la psychose créée chez les populations par l’alerte au VIH/Sida. Ce que nous voudrions dire, est que le comportement sexuel reste marqué d’une complexité et d’une flexibilité qui rendent extrêmement difficiles les études y étant relatives. Bien que le plaisir sexuel soit également un quelconque besoin, il s’avère que son assouvissement requiert un certain nombre de facultés qui échappent parfois à la raison humaine. La résistance à l’usage du préservatif chez les adolescents reste un phénomène incompréhensible.

Pour certains auteurs, certaines étapes sont susceptibles de mener au changement de comportement. Elles portent sur :

Le changement de comportement durable.D’une manière ou d’une autre, ces stades doivent être transcendés par le sujet afin d’aboutir à un changement de comportement. Dans le cas du VIH/Sida, le changement de comportement sexuel ne devrait être qu’une évidence. Car les adolescents d’aujourd’hui sont supposés avoir franchi toutes ces étapes ou la quasi-totalité, étant donné que la communication persuasive sur la pandémie a pris une ampleur remarquable.

La communication persuasive est synonyme de changement, pense Montmollin (1984). Mais pour que cette communication aboutisse au changement escompté, il convient de répondre à un certain nombre de questions que Hovland, Janis et Kelley (1953) ont énoncées comme suit : « qui, dit quoi, à qui, comment, avec quels effets ? ». Chacune de ces questions renvoie respectivement aux éléments du processus communicationnel (émetteur, message, récepteur, canal), le but de la communication persuasive étant de parvenir à la compréhension, l’appropriation et l’usage du message. Ce processus aboutit le plus souvent à un changement de comportement. Mais Mc Guire (1969) précise que, « pour qu’une communication persuasive atteigne son objectif, elle doit susciter au sein de la population cible une information ayant une incidence sur les processus comportementaux ». Dans le cas contraire, elle peut générer la résistance.

La résistance au changement de comportement peut ainsi être attribuée aux biais communicationnels, c’est-à-dire à la source d’émission, au message, au canal ou au récepteur. Elle peut être appréhendée comme suit :

* L’émetteur : l’identité de l’émetteur peut crédibiliser le message. Il est à noter que ce n’est pas la crédibilité en tant que telle qui importe, mais la crédibilité attribuée à l’émetteur par le récepteur. La source d’émission est un élément primordial dans le processus de changement. Pour Somat et Cerclé (1999), il s’agit de la personne ou du représentant de la personne qui tente, à l’aide d’un message, d’amener son interlocuteur à changer. Hovland et Weiss (1951) pensent que ces sources ne peuvent atteindre leurs objectifs (le port du préservatif) que si elles sont crédibles. Ils mettent en évidence la relation existant entre crédibilité et persuasion. Ils concluent que le message a plus d’impact s’il provient d’une source qui est perçue comme supérieure en savoir, en instruction, en intelligence, en réussite professionnelle, etc.

* Le message : Il est l’élément central de la communication. En communication, il est l’objet de persuasion. Certains messages peuvent déclencher des réactions diverses, qui n’aboutissent nécessairement pas au changement de comportement escompté. Par exemple des messages comme « le Sida tue » peut susciter une véritable résistance à la prévention puisque chacun est supposé mourir et que la mort, non seulement ne prévient pas mais a des causes irrationnelles.

Le contenu du message peut, lui aussi, constituer une véritable source de résistance au changement. Janis et Fesbach (1953) y ont porté une attention particulière et ont cherché à savoir si la meilleure façon de parvenir au but est de montrer aux uns et aux autres les conséquences de leurs actes à risques et de les effrayer ou de leur faire peur. Ils sont arrivés à montrer que l’effet des appels à la peur n’est pas le même selon qu’on cherche à faire changer l’opinion, l’intention d’agir ou la conduite réelle. Ils ont conclu qu’une forte peur a plus d’effet qu’une faible peur sur l’opinion. L’effet de peur dépend aussi du problème. En effet, pour un problème peu important, le fort appel à la peur a plus d’impact.

Dans le cas relatif à notre étude, nous faisons le constat selon lequel le taux de prévalence augmente avec la multiplication des campagnes de prévention et de lutte contre cette pandémie. Comme l’atteste Janis (1967), tout laisse croire enfin que les forts appels à la peur s’avèrent inefficaces pour amener les individus à changer de comportement sexuel. Lorsqu’un message est très effrayant, le récepteur peut faire cesser rationnellement sa peur en réfutant le message pour l’associer à une rumeur par exemple. Il peut également réfuter la source de l’information en la traitant par exemple de corrompue ou de marginale. Il devient ainsi hostile au message et à la source. Il peut également déformer ou oublier le message. Si dans une situation de communication persuasive, l’information véhiculée menace l’équilibre de l’individu, ce dernier va mettre sur pied des mécanismes psychologiques pour restaurer cet équilibre. L'individu va alors organiser l'information, de telle sorte qu'elle corresponde à la structure antérieure de ses attitudes. Autrement dit, toute information qui ne correspond pas à la structure mentale antérieure du sujet va susciter l'élaboration de mécanismes de défense

.* Le récepteur: les caractéristiques du récepteur (l'éducation, l'intelligence, l'image de soi, les dispositions biophysiologiques et psychosexuelles) semblent indispensables pour comprendre la résistance au changement de comportement. Par exemple, plus un récepteur est expert, plus il est capable de bien comprendre les arguments persuasifs de l'émetteur, mais moins il est disposé à y céder. Il s'ensuit que les sujets les plus influençables seraient les sujets aux caractéristiques moyennes, suffisantes pour comprendre, mais pour aussi résister. Si le récepteur est motivé et s'il est suffisamment compétent, alors il s'engage pour le changement.

Dans le cas de la lutte contre le VIH/Sida, il va de soi que le récepteur occupe une place importante, car, seul à pouvoir réaliser les souhaits des initiateurs du changement de comportement. C'est dans cette optique que De Montmollin stipulait que le récepteur était à la fois la cible que visaient la source et le message, l'opérateur qui traitait les informations que fournissaient les situations, la source et le message, et le sujet expérimental dont on observait le changement éventuel après communication (De Montmollin (1977)). C'est ainsi que la persuasion est le plus souvent variable en fonction de l'amplitude de la divergence entre le message véhiculé par la source et l'attitude initiale du récepteur. Il est évident que le changement le plus important survient lorsque le message n'est ni trop ni pas assez en contradiction avec la position du récepteur. En d'autres termes, lorsque le message peut apparaître indifférent au récepteur, il est difficile d'envisager un quelconque changement.

* Le canal : des recherches sur le rôle du canal de communication ont révélé qu’en général, le message est plus persuasif dans une situation de face à face que dans le cas d’un médium écrit ou audio-visuel. Le canal est le moyen par lequel le message est transmis. Une fois le message conçu, il se doit d’être codé par l’émetteur et transmis au récepteur par l’intermédiaire d’un canal. Les travaux de Bergson (1979) et d’Abric (2003) ont mis en évidence les difficultés méthodologiques reliées au canal.

Abric (2003) partage le point de vue de Bergson selon lequel l’invariabilité des moyens de transmission est une barrière pour la bonne communication. Il nous fait comprendre que pour le psychologue social, le canal de communication ne se limite pas aux supports utilisés ou aux moyens mis en œuvre pour acheminer le message. Il pense que les conditions physiques dans lesquelles s’effectuent les échanges, la position dans l’espace, le lieu de rencontre, etc., doivent être pris en considération. Abravanal et Ackerman (1973) cités par Abric (2003) nous laissent également comprendre que « lorsqu’on utilise un canal de communication peu familier ou contraignant, le langage oral a tendance à se rapprocher du langage écrit. L’organisation du discours est plus structurée, les jugements sont plus consistants, l’attention que donne un locuteur à l’efficacité de ces messages est plus grande ». Dans le cadre de la lutte contre le VIH/Sida, la variation des canaux est d’une importance indéniable. Depuis l’avènement du VIH/Sida, les canaux de transmission du message n’ont pas été ménagés et sont restés fidèles aux mêmes logiques. Les opérateurs utilisent divers canaux pour les mêmes sujets et parfois se contredisent. Cette situation sur le plan psychologique peut développer une véritable résistance au changement de comportement.