2.2- La sexualité, l’adolescence et le VIH/sida : une dynamique fonctionnelle

2.2.1- Comportement sexuel : différence entre l’Homme et l’animal

La sexualité humaine est faite de comportements, avec leurs dimensions intérieures et extérieures, qui se déroulent à différents niveaux d’intégration : la reproduction, les émotions et la communication, les représentations et les processus sociaux. Chez l’Homme comme chez l’animal, le fondement biologique du comportement de reproduction est présent. L’être humain développe l’accouplement pour se reproduire, tout comme l’animal développe le coït pour la reproduction. Cependant, chez l’animal, l’ensemble de ce comportement est déterminé par la mécanique génétique et biologique. Lever les tabous, c’est tout d’abord reconnaître que chez l’être humain d’autres dimensions sont présentes : la sexualité comprend la mise en œuvre de comportements d’accouplement, pour la reproduction, mais davantage pour le plaisir sexuel. Ce qui fait la différence, ce sont les dimensions émotionnelles, relationnelles et cognitives, ainsi que la distanciation par rapport à la reproduction.

La dimension émotionnelle se marque tant dans le développement psychologique de l’être humain que dans les pathologies liées à la sexualité. Le développement psychologique nous montre en effet que, dès le stade oral, une relation de plaisir auto-érotique et immédiat se déroule chez l’enfant à l’égard de sa mère. Le stade anal, ou d’acquisition de la propreté, marque à la fois le plaisir égocentrique, le plaisir différé et le plaisir altruiste. L’oedipe fait passer l’être humain de l’égocentrisme à la prise de conscience de l’identité sexuelle, à l’interdit de l’inceste et à la recherche d’un plaisir relationnel qui tient compte de la différence de l’autre.

L’adolescence prolonge cette recherche d’identité et le développement de relations, à la fois égocentrique, et altruiste, où la différence de l’autre est reconnue et où l’identité de chacun est prise en compte (Mercier, 2004). Ces évolutions marquent les dimensions émotionnelles et relationnelles de la sexualité humaine : dimensions qui dépassent largement la mécanique reproductive. La dimension cognitive vient compléter cette sortie du mécanisme biologique et l’être humain est tenu de prendre des positions réflexives, avant tout d’ordre éthique, dans le champ de sa sexualité. L’éducation affective et sexuelle et la réflexion éthique nous montrent à l’évidence cette nécessité de gestion cognitive de la sexualité chez l’être humain, étant donné que celui-ci échappe au déterminisme de la reproduction.

Les pathologies sexuelles, que nous n’aborderons pas en détail ici, viennent à leur tour mettre en évidence les dimensions émotionnelles et relationnelles de la sexualité, tant les pathologies qui empêchent le plaisir sexuel que les perversions qui le détournent. Ces pathologies mettent en évidence la dimension de bien-être et de plaisir qui dépasse largement le comportement de reproduction : l’être humain exerce l’accouplement pour son bien-être et non pas uniquement pour se reproduire. Il doit assumer cognitivement cet acte de plaisir, ce qui le place en situation de responsabilité par rapport à sa sexualité. Cette caractéristique lui donne en outre une capacité de gérer la sexualité, même quand il y a des difficultés biologiques à l’assumer à cause d’un corps fonctionnel déficient.

Dans le cadre de notre étude qui porte sur la transformation de l’intention en acte, ces trois dimensions fondamentalement importantes constituent le levier du comportement sexuel humain, dans la mesure où l’intention se situe dans la dimension cognitive et que le comportement sexuel (le port du préservatif) que nous étudions est purement et simplement relationnel et émotionnel. Nous pensons que le port du préservatif est redevable aux dimensions émotionnelles (la force de l’affectivité, les antécédents affectifs de l’acte sexuel) relationnelle (pression psychosociale, négociation) et cognitive (inertie cognitive, force de l’habitude, but de l’acte sexuel). A ces trois dimensions classiques, nous ajoutons une autre qui tient compte du contexte et des circonstances de l’acte sexuel : la dimension environnementale.