2.3.2- Evolution des politiques par rapport au VIH/Sida : préalables des sciences humaines

Jackson (1996) a souligné que les politiques de lutte contre le Sida en Afrique sont nécessaires pour plusieurs raisons. Premièrement, l’ampleur de l’épidémie nécessite des réactions organisées qui promeuvent des méthodes efficaces pour la combattre. Une politique clairement définie est nécessaire pour contribuer au changement de comportement qui pourrait avoir un impact notable sur l’ampleur de l’épidémie. Par ailleurs, le VIH/Sida est indissociable d’un sentiment de honte. Les personnes infectées et celles considérées comme courant un grand risque de l’être sont victimes d’une grande discrimination. Ce type de discrimination constitue une violation ou une atteinte aux droits humains fondamentaux de certains groupes de personnes dans la société. Un engagement politique est nécessaire pour sauvegarder ces droits tant pour des raisons éthiques que dans le cadre de la stratégie de lutte contre le VIH. Enfin, une action politique est aussi nécessaire pour faire face aux coûts croissants liés à la maladie, notamment dans les domaines de l’éducation et de l’emploi.

D’une manière générale, les politiques de lutte contre le Sida sont formulées autour de deux axes : moralisme / pragmatisme et coercition / compassion. Ces concepts reflètent les différents intérêts et points de vue existant dans la société. L’axe coercition / compassion oppose une attitude comportementale mettant l’accent sur la contrainte ou la force à une autre attitude qui, elle, insiste plutôt sur la compréhension des besoins sociaux et des difficultés des personnes vivant avec le VIH/Sida ou des personnes à risque tout en reconnaissant que chaque être humain est victime potentielle du VIH/Sida. L’axe moralisme / pragmatisme oppose une attitude consistant à présenter certains comportements sexuels comme immoraux à une attitude qui met l’accent sur le faisable et non sur l’idéal. De ces deux axes, émanent quatre approches globales des politiques par rapport au VIH/Sida en Afrique qui se présentent comme suit : L’approche qui se trouve entre la coercition et le pragmatisme : cette approche propose des actions externes pas nécessairement punitives ciblant les personnes vivant avec le VIH et celles perçues comme appartenant à des groupes à haut risque considérés comme dangereux pour la société. Les politiques émanant de cette approche insistent sur la nécessité de circonscrire la maladie associée à une éducation et une prévention pragmatiques.L’approche qui se trouve entre la coercition et le moralisme : la politique proposée ici est punitive contre les personnes vivant avec le VIH et celles considérées comme appartenant à des groupes à haut risque. Il existe un préjugé contre le contrôle institutionnel, les personnes infectées et les membres des groupes à haut risque étant perçus comme « eux », soit l’incarnation du mal dans la société (Vass, 1989). Aussi la mise en quarantaine est-elle proposée et la distribution des préservatifs rejetée au motif qu’elle est contraire à l’éthique. Cette politique met l’accent sur la punition comme exemple pour les autres.L’approche qui se trouve entre le moralisme et la compassion : ici, la politique rejette au motif qu’ils sont inhumains des procédés tels que la quarantaine mais rejette également, au motif qu’elles encouragent l’immoralité, des interventions pratiques telles que la distribution des préservatifs et des seringues stérilisées, ainsi que l’éducation sexuelle. Cette approche insiste par conséquent sur une sensibilisation accrue par des prédications qui soulignent ce qui est bon et ce qui est mauvais.L’approche qui se trouve entre le pragmatisme et la compassion : ici, le VIH est reconnu comme un danger pour la société, mais le caractère rationnel des contrôles externes est remis en question. C’est à la société qu’échoit la responsabilité de concevoir une méthode de lutte aussi humaine que possible contre la propagation du VIH/Sida. L’objectif visé est une interaction positive entre la société d’une part et les personnes vivant avec le VIH/Sida et les personnes à haut risque d’autre part (Vass, 1989, Osei Hwedie et Osei Hwedie, 1996). Ici, la politique approuve la distribution des préservatifs et des seringues stérilisées, ainsi que l’éducation sexuelle,  et rejette catégoriquement la mise en quarantaine et le test obligatoire. Cette approche reconnaît également que les gens ne vont pas arrêter les rapports sexuels et met l’accent sur des mesures humaines et pratiques. L’idée sous-jacente est que le VIH est un problème qui existe subjectivement et hypothétiquement en chaque individu.La plupart des politiques de lutte contre le VIH/Sida en Afrique Subsaharienne ont rejeté le moralisme pour des raisons pragmatiques. Même s’il peut s’avérer vrai que le VIH/Sida est la conséquence d’une activité sexuelle « immorale », les décideurs se rendent généralement compte qu’on n’obtiendra jamais un changement de comportement généralisé en prêchant la morale ou par des menaces de punition. Ainsi, les politiques de lutte contre le Sida dans la sous-région sont généralement à cheval entre la première approche et la quatrième approche. Les sciences humaines ont fortement contribué à la promotion de la première et de la quatrième approche. Le VIH est circonscrit avec les activités éducatives destinées à changer la culture et par conséquent le comportement. Le message des adeptes des sciences humaines laisse transparaître une volonté de repousser la marée de la permissivité. Le fléau du Sida est imputé à la dépravation sexuelle.

La recherche et le débat sur les sciences humaines en Afrique montrent d’une manière générale que tous les individus sont exposés au risque et que la situation va empirer si de véritables efforts ne sont pas déployés pour lutter contre le VIH/Sida. Le débat sur les sciences humaines a permis que les malades soient considérés comme des victimes et non comme des vecteurs. Il est évident que les politiques africaines sont susceptibles d’éradiquer cette pandémie. Toutefois, pour que ces politiques soient efficaces, les problèmes qui font de l’Afrique le continent le plus touché par le Sida doivent être résolus et la vérité sur l’origine du VIH doit être connue, pour qu’on puisse maîtriser d’autres canaux de transmission qui existeraient et qui n’ont pas encore été jusqu’ici mis en évidence.

Après ces propos sur le VIH/Sida, l’adolescence et la sexualité, il ne nous reste qu’à ouvrir le débat théorique qui sous-tend la raison d’être de notre problématique. Notre étude est fondée sur la théorie du changement de comportement.