3.3.1- L’interaction au cœur du changement

L’influence sociale est un des mécanismes fondamentaux dont se préoccupe la psychologie sociale. Toutes les études qui tentent de saisir ce processus mettent en évidence une dimension essentielle de la relation avec autrui ainsi que de la relation entre individu et société. L’adolescent entretient des relations sexuelles avec des individus qui peuvent exercer sur lui des pressions susceptibles de l’orienter vers une résistance à l’usage du préservatif face au VIH/Sida. La notion d’influence sociale, dans ce cas de figure, conceptualise le fait que les réactions, actions, conduites, attitudes, comportements de l’adolescent sont affectés par les interactions qui s’établissent entre lui et son partenaire sexuel pendant les rapports sexuels.

Selon Fisher (1996), le phénomène d’influence sociale « montre à la fois l’emprise que le social exerce sur l’individu et les modifications qu’elle entraîne au niveau des comportements ». Etant donné que l’individu ne vit pas dans un vide social, il est à noter que le contexte social peut entraîner des modifications du comportement qui n’auraient pas forcément eu lieu en l’absence de toute pression sociale. C’est dans ce sillage que Bloch et al.(1997) soulignaient que l’influence sociale renvoie à l’ « ensemble des phénomènes qui concernent les processus par lesquels les individus et les groupes façonnent, maintiennent, diffusent et modifient leurs modes de pensée et d’actions lors des interactions sociales ». Précisons tout de même que le rapport sexuel auquel nous faisons allusion dans notre étude n’est pas auto-érotique. Le port du préservatif face au VIH/Sida nécessite l’interaction entre deux individus au moins. Faut-il encore signaler que notre regard scientifique est porté vers des rapports hétérosexuels. Dans ce cas de figure, le rapport de force entre homme et femme dans la relation au port du préservatif doit être pris en compte.

L’influence, comme le soulignaient Moscovici (1973, 1979) et De Montmollin (1976) décrit l’acte social. L’influence sociale quant à elle repose sur le paradigme majorité-minorité issu des expériences d’ Asch (1936), dans la mesure où les protagonistes de l’interaction se font des pressions réciproques pour s’approprier, contrôler, maîtriser ou orienter l’objet, le statut de l’objet est donc comme le soulignait Emtcheu (2003, p.66) « au centre de l’activité humaine ». Car dit-il, « il légitime la pensée humaine et le rapport à autrui ».

Le paradigme de la psychologie sociale énoncé par Moscovici (1984 : 9) met en évidence deux types de rapports : un rapport objectal et un rapport subjectal. Le rapport objectal est premier à la relation au sujet. C’est l’objet qui prédit le sujet. Le rapport subjectal intervient au moment où il y a échange, interaction entre des partenaires. Le rapport entre les partenaires dans une relation est essentiellement inégalitaire. L’inégalité s’explique par le fait que l’un des pôles de la relation est dominant tandis que l’autre est dominé. La maîtrise de l’objet de la relation donne la majorité psychologique. Dans le cas du port de préservatif face au VIH/Sida, c’est le partenaire qui domine la relation qui impose le port du préservatif ou son contraire. La résistance à l’usage du préservatif chez certains adolescents peut être assujettie à leur statut de « dominés ». Ce rapport de force peut également être plus complexe dans les rapports hétérosexuels, où l’homme par essence a tendance à imposer sa suprématie sur la femme. La résistance à l’usage du préservatif chez certaines femmes peut provenir de ce rapport de force.