3.4.3– L’approche biopsychosociale

Au cours des récentes années, nous avons été témoins d’un changement important dans la conception de la santé et de la maladie. Les approches traditionnelles reposaient sur un modèle biomédical mettant fortement l’accent sur les agents infectieux, les médicaments et la guérison des atteintes physiques. Les nouvelles approches adoptent un modèle biopsychosocial bien plus vaste (Engel, 1977).

Selon cette perspective élargie, santé et maladie sont les produits d’interactions entre des facteurs psychosociaux et biologiques. L’analyse des liens psychologiques révèle que les facteurs psychosociaux affectent le système biologique d’une manière qui peut affaiblir les fonctions corporelles et modifier la vulnérabilité aux agents infectieux (Ader & Cohen, 1993 ; Bandura, 1991 ; Cohen & Herbert, 1996). De plus, les habitudes de santé ont un impact important sur le bien-être psychologique et physique. De nombreux troubles chroniques sont partiellement dus à l’association de comportements néfastes et d’un environnement nuisible. Comme les économistes de la santé l’ont amplement démontré, les soins médicaux ne peuvent se substituer aux habitudes et aux environnements favorables à la santé (Fuchs, 1974 ; Lindsay, 1980).

Dans une analyse globale des taux de mortalité dans des pays et entre pays, Fuchs (1974) a montré que les dépenses de soins médicaux n’ont qu’un faible impact sur l’espérance de vie. Des améliorations de la qualité de la médecine préventive et des programmes d’immunisation ont augmenté l’espérance de vie. A côté du capital génétique, la santé physique est largement déterminée par les habitudes de vie et les conditions environnementales. Les individus souffrent de troubles physiques et meurent prématurément essentiellement en raison d’habitudes néfastes évitables. Certains comportements alimentaires augmentent le risque de maladies cardiovasculaires et de certains types de cancer ; la sédentarité affaiblit les capacités et la vitalité cardiovasculaires ; le tabagisme crée un risque important de cancer, de troubles respiratoires et de maladies cardiaques, l’alcoolisme et la toxicomanie font des ravages sur les corps ; les maladies sexuellement transmissibles peuvent entraîner de graves conséquences sur la santé ; des personnes sont mutilées ou amoindries par la violence physique et par d’autres activités caractérisées par les risques physiques ; enfin, des modes dysfonctionnels de copying face aux stresseurs peuvent diminuer l’aptitude du système immunitaire à combattre la maladie.

Selon la perspective psychobiologique de la santé, modifier les habitudes de vie et de l’environnement procure d’importants bénéfices. La baisse substantielle de mortalité et de morbidité précoces résulte plus d’un mode de vie favorable à la santé que des technologies médicales. Les bénéfices sanitaires sont accélérés par les efforts de la communauté élargie visant à réduire les habitudes qui affaiblissent la santé (Puska, Nissinen, Salonen & Toumilehto, 1983). Les méthodes psychosociales sont ainsi devenues le principal outil de santé publique.

Fries et Crapo (1981) ont rassemblé une grande quantité de résultats qui montrent que la limite supérieure de la vie humaine est fixée biologiquement. Les gens sont dotés de réserves dans les fonctions organiques bien supérieures à ce dont ils ont besoin. En vieillissant, ils subissent un déclin graduel de cette large réserve biologique, ce qui accroît leur susceptibilité aux maladies et handicaps. Les facteurs psychosociaux déterminent partiellement la qualité de vie potentielle. En modifiant des comportements qui ralentissent le processus de vieillissement et évitent le développement de maladies et de handicaps chroniques, les gens vivent non seulement plus longtemps, mais en meilleure santé. Si l’on retarde l’apparition des troubles, les problèmes physiques du « grand âge » sont réduits à une courte période à la fin ultime du cycle de vie (Butler & Brody, 1995).