3.5.3.5– De l’intention d’agir à l’action : une situation d’interaction

On considère généralement que le comportement psychosocial commence dès qu’un individu ne peut plus pratiquer le comportement de son choix du fait de la présence d’un ou de plusieurs autres individus. L’activité individuelle, dans ce cas, est donc déterminée par son interférence avec celle des autres ou encore par sa capacité à gérer la situation d’interaction. Selon les situations, les interactions entre individus peuvent prendre la forme d’une coaction mais également d’une compétition. Quelle que soit la forme de l’interaction, celle-ci contribue à la dynamique de l’environnement. L’activité de l’individu dépend donc à la fois de ses objectifs (ou motivations), des paramètres comportementaux dont il dispose et de l’évolution du milieu dans lequel il baigne.

Deux travaux menés sur la gestion des interactions ont signalé les difficultés rencontrées par les conducteurs. Ceux-ci rendent compte de l’occurrence de certains accidents (Malaterre, 1990) ou de conflits de trafic (Risser, 1985). Différents éléments à l’origine de ces dysfonctionnements ont été identifiés tels que la référence à des systèmes de règles (formelles ou informelles) contradictoires par les différents acteurs d’une situation, le défaut de communication ou l’incompréhension du comportement ou des intentions d’autrui. Dans tous les cas, ces éléments soulignent l’absence d’un référentiel opératif commun.

L’incompréhension du comportement ou des intentions d’autrui semble être au cœur de la gestion des interactions entre individus. Des analyses approfondies de l’activité dans des situations de conduite spécifiques telles que le franchissement d’intersections (Saad et al., 1990) ou la conduite en file sur autoroute (Saad, 1996), confirment que les comportements adoptés par les conducteurs en situation d’interaction dépendent étroitement de l’interprétation du comportement des autres usagers et de la prévision de leurs actions. Ces analyses montrent également que certaines régulations entreprises par les conducteurs ont pour objet de communiquer leurs intentions aux autres usagers et/ou d’influencer leurs comportements.

La situation d’interaction réelle ou symbolique est inévitable pendant l’acte sexuel. Cette situation de co-présence ne se manifeste pas sans effet sur le comportement ou l’intention de l’égo. C’est pourquoi nous pensons que cette situation d’interaction génère une interaction « interintentionnelle » qui sera le maillon fort du comportement sexuel réalisé. Dans le cas où les partenaires ont les mêmes intentions, l’acte sexuel est réalisé sans conflit intentionnel. Le conflit intentionnel n’intervient que lorsque les partenaires ont des intentions opposées. C’est cette dernière situation qui génère la négociation qui dans le cas échéant peut être dépourvue de toute rationalité.

Dans une situation d’interaction, les comportements sont étroitement interdépendants, la réalisation d’un comportement est fonction du contrôle de l’interaction avec autrui ; de la compréhension et de la prévision de son action. C’est à partir de cette approche qu’il serait important de situer les comportements sexuels qui dans la majorité des cas sont redevables à la situation d’interaction caractérisée par les pressions psychosociales, la communication, la négociation, la soumission, le conformisme, l’imitation, l’apprentissage social, etc. Il serait aussi important de mentionner que la gestion des interactions pendant l’acte sexuel s’inscrit dans un processus rapide. Les délais entre la prise d’information et la décision d’action peuvent parfois être très courts et le contexte est parfois « affectivé ». C’est ce qui expliquerait la résistance au port du préservatif chez des individus possédant des intentions très favorables pour le préservatif et très déterminés à l’utiliser pendant les rapports sexuels.

Il n’est pas de considération en psychologie sociale qui puisse faire l’économie de la notion d’interaction sociale. L’interaction sociale est considérée comme omniprésente, centrale et même fondatrice dans l’ensemble des travaux de cette discipline, elle est comme un dispositif de production de l’économie psychosociale. L’interaction exerce une influence majeure sur le comportement sexuel, le changement de comportement sexuel et la résistance au changement de comportement sexuel. Pour ce faire, elle constitue l’élément décisif et même déterminant du comportement sexuel. C’est à partir d’elle qu’on devrait analyser et comprendre les comportements sexuels face au VIH/Sida.