3.5.3.8– De l’intention d’agir à l’action : des circonstances

Nous utiliserons une analyse du travail réalisé par Wallon (1970) pour exemplifier notre approche. Les deux premiers chapitres de l’ouvrage majeur de H. Wallon, (« De l’acte à la pensée »), sont consacrés à la comparaison entre les « psychologies de la conscience » et « la psychologie des situations ». Dès les premières, il range celle de Piaget, dont le rayon a pour limites l’individu (1970, p.46). Il note : « En dépit de la rigueur vers laquelle il s’efforce, la conception de Piaget reste assez éclectique. Après avoir posé les schèmes moteurs comme l’essentiel et leurs activités individuelles, opérant sur le contrôle de l’expérience, comme les seuls facteurs de l’évolution psychique à ses débuts, il ne peut ensuite faire autrement que d’y ajouter une action d’ensemble. » (1970, p.35) C’est le développement, compris comme le jeu d’une tendance vitale à l’assimilation. Du coup, « le point de vue du sujet et de l’ensemble aurait la priorité sur celui des éléments constitutifs. Mais c’est contraire au système d’explication proposé. Le principe qui avait été éliminé dans les prémisses se réintroduit en cours d’explication » (1970, p.36). Et en effet, si « les schèmes moteurs sont doués d’activité autonome et conquérante », comment « saisir l’instant où le sujet sera enfin surgi des schèmes » ? N’y est-il pas « finalement découvert parce qu’il y était présupposé » ? (1970, pp.28-30).

Wallon examine alors une autre possibilité : « L’objet de la psychologie peut être, au lieu de l’individu, une situation. » Dans ce cas, « L’acte est considéré du dehors, sans aucun postulat de conscience ou de personne. » (1970, p.50) Au bout du compte, pour Wallon, psychologie de l’individu et psychologie de la situation restent prises dans le face à face sujet/objet. Pourtant, « quand la contradiction s’impose, il faut la résoudre. C’est faire tout le contraire que de l’esquiver. Une échappatoire, c’est d’assimiler les deux termes entre eux, une autre c’est de supprimer l’un des deux » (1970, p.78). On sait que pour Wallon, c’est seulement l’activité qui les rassemble et les oppose à la fois. La formation de la structure n’est ni au-dessus comme dans la théorie de la forme, ni d’un seul côté comme avec Piaget, mais dans les conflits de l’activité face à l’obstacle.

A en croire Wallon, le comportement est redevable à la relation que l’individu élabore avec la situation (les circonstances) et non avec les construits psychologiques préexistants parmi lesquels les attitudes et les intentions. Les théoriciens des courants situés de la cognition et de l’action semblent appuyer cette réflexion de Wallon. L’objectif des courants situés de la cognition et de l’action est de fournir une théorie de l’organisation de l’action, et non de caractériser un type particulier d’action. Plus spécifiquement, les débats portent sur les rapports de détermination entre le sujet et la situation, entre l’interne et l’externe. Conein et Jacopin (1994, p.476) argumentent que dans les courants situés, « l’organisation de l’action est entendue comme un système émergent in situ de la dynamique des interactions ».

Les études de comportement sexuel des jeunes négligent généralement les circonstances dans lesquelles interviennent les relations sexuelles, présumant le plus souvent que les rapports des jeunes sont voulus et consensuels. Boldero, Moore et Rosenthal (1992), dans une étude menée en Australie sur l’examen de l’applicabilité de la théorie d’Ajzen et Madden (théorie du comportement planifié) sur l’usage du condom ont montré que les prédicteurs de l’intention d’usage du condom et son usage effectif étaient redevables à la situation. Ils ont examiné les prédicteurs de l’intention d’usage du condom et de son usage effectif dans une situation sexuelle spécifique et ont conclu que :

Dans une étude menée sur les jeunes sexuellement actifs du Kenya par Gender – based violence and reproductive health (2004), force est de constater que la contrainte sexuelle était du reste associée à la multiplicité des partenaires sexuels. Ces études montrent d’une manière générale que le comportement sexuel dépend en grande partie de la situation que nous appelons circonstance dans notre étude. Nous pensons que l’acte sexuel est influencé par le moment précis et l’occasion particulière. Nous pensons également que les variables situationnelles exercent une influence sur les intentions avant d’assurer l’organisation, le contrôle, la structure et la réalisation du comportement. C’est sur ce débat que nous allons clore le cadre théorique de notre étude pour amorcer avec le cadre méthodologique qui nous permettra de mieux clarifier nos réflexions théoriques, ceci par les résultats que nous obtiendrons et l’analyse, l’interprétation et la discussion que nous en ferons.

‘« Le jeu de la science est en principe sans fin. Celui-là se retire du jeu qui décide un jour que les énoncés scientifiques ne requièrent pas de test ultérieur et peuvent être considérés comme définitivement vérifiés »( Popper, 1978, p.51).’