4.6.2- Les questionnaires de l’étude

Lorsque le chercheur se propose de décrire le champ social, il découvre deux types de variables. Les unes sont directement observables, les autres sont latentes et inférées. Les premières constituent généralement ce que nous appelons les indicateurs sociologiques, elles font référence à des critères objectifs et sont donc le plus souvent aisément accessibles à l’observation. Le second type, qui est celui qui nous intéresse plus particulièrement dans le cadre de cette étude, est constitué au contraire par des variables que nous appellerons subjectives, dans la mesure où elles se présentent sous la forme de composantes non directement observables de la personnalité des individus. C’est à travers elles que s’exprime la façon dont les individus appréhendent et vivent les phénomènes sociaux auxquels ils se trouvent confrontés. Dans l’étude de l’intention vis-à-vis du port du préservatif, cette variable, qui est celle qui nous importe dans un premier temps, n’est par définition, pas directement accessible.

La mesure de l’intention d’une manière méthodique requiert la même mesure que celle de l’attitude. Une attitude, qu’on la définisse comme un état intérieur ou comme une propension à agir d’une certaine manière, n’est pas elle-même observable. Selon l’obédience épistémologique ou méthodologique à laquelle le chercheur se rattache, il dira que c’est une variable sous-jacente, intermédiaire ou latente, une construction théorique ou hypothétique, ou encore un concept théorique (Ghighlione et Matalon, 2004). Tous ces termes, poursuivent-ils, en fait équivalents, désignent des notions qu’on ne peut pas saisir directement, mais seulement inférer ou construire à partir des données manifestes qui sont, dans le cas particulier des enquêtes, les réponses obtenues.

Pour explorer la théorie du comportement planifié d’Ajzen qui accorde une place de choix aux attitudes et aux intentions, l’auteur conseille la construction d’une échelle d’attitude. Il existe classiquement quatre types d’échelle : l’échelle nominale (nomination) ; l’échelle ordinale (nomination, ordre) ; l’échelle par intervalle (nomination, ordre, distance) et l’échelle de rapport ou proportionnelle (nomination, ordre, distance, rapport). De ces quatre types d’échelles, celui qu’utilise Ajzen dans sa théorie du comportement planifié et celui que nous allons utiliser dans la construction du premier questionnaire est l’échelle ordinale. Il serait peut-être important de préciser que l’échelle de Likert (1933) qui est le plus utilisé pour répondre aux problématiques de la théorie du comportement planifié pose un problème typologique qu’il faut résoudre avant tout usage.

En effet, les avis sont partagés en ce qui concerne la nature de l’échelle de Likert. Certains pensent qu’il s’agit d’une échelle ordinale, et d’autres pensent plutôt qu’il s’agit d’une échelle par intervalle ou d’une échelle mixte (ordinale et par intervalle). Toutefois, dans certains cas, les items utilisés peuvent être considérés comme « interval-level data » (le niveau d’intervalle des données) ou ils peuvent être considérés comme « ordered-categorial data » (ordre des catégories des données). Dans d’autres cas, le libellé de la réponse implique une symétrie des niveaux de réponse à une catégorie moyenne, un tel item tomberait entre ordinal et d’intervalle. Le traiter comme ordinal exclusivement serait une perte d’information. D’une manière générale, les items sont traités comme des données ordinales, si les réponses à l’échelle de Likert peuvent être rassemblées dans les graphiques à barres, de la tendance centrale, résumées par la médiane ou le mode (mais pas la moyenne), la dispersion résumée par la série à travers les quartiles (mais pas l’écart-type) ou analysées à l’aide des tests non paramétriques, par exemple, le test de khi-carré. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous optons pour une échelle ordinale.

Le questionnaire que nous avons utilisé dans la deuxième phase de l’enquête est constitué de manière quasi-exclusive de questions fermées et de quelques questions ouvertes. L’avantage le plus significatif des questions fermées est qu’elles rendent facile l’analyse des résultats. En outre, elles évitent au chercheur de faire face à des réponses qui peuvent s’avérer difficiles à interpréter ou paraissent à la lecture totalement non pertinentes, par rapport à la question posée (Jakobi, 1993).