4.7- Présentation du site de la recherche : Yaoundé

Fondée par l’Allemagne et structurée par la France, Yaoundé est le produit de deux administrations successives : allemande (1889-1916) et française (1916-1959). La ville est bâtie en zone forestière, à 760m d’altitude et à 200 kilomètres de la côte, sur le prolongement sud-ouest du grand plateau camerounais, entre 3°52’ de latitude Nord et 11°31’ de longitude Est. Disséqué, raviné et découpé en collines aux versants convexes (Franqueville, 1970), le site est construit sur un certain nombre de mouvements de terrains séparés par les vallées relativement larges, profondes et marécageuses, creusés par les collecteurs des eaux de ruissellement que sont le Mfoundi et ses nombreux affluents.

Appelée zonu station (poste d’Esono) puis, Yaoundé station par les Allemands, ongola ewondo par les autochtones et Yaoundé par les Français, la ville bâtie au fond d’une cuvette, a été fondée par deux explorateurs allemands, Kund et Tappenbeck, grâce à l’hospitalité légendaire du chef de famille Mvog Ada, Esono Ela. Ce premier poste militaire allemand dans l’Hinterland camerounais occupait alors une position hautement stratégique et servait de base opérationnelle pour la pénétration dans le reste du pays.

La ville, en forme d’une étoile de mer, s’étire par monts et par vaux, de façon éparpillée, sur une superficie totale de 309,51km2 et pour une population avoisinant les 2.000.000 d’habitants (chiffre obtenu sur projection démographique calculée à partir de 9%, taux moyen global de croissance de la population entre 1957 (58.099 habitants) et 1987 (703.588 habitants). En supposant que ce taux a été maintenu jusqu’en l’an 2000, Yaoundé devrait donc avoir une population égale ou supérieure à 2.600.000 habitants). Elle présente une structure morphologique à triple visage nettement différencié : le centre urbain, les quartiers périphériques et la zone rurale.

Le centre urbain est bipolaire. Il inclut les deux composantes majeures que sont le centre commercial, dont le marché constitue le noyau, et le centre administratif. Ces deux pôles sont séparés l’un de l’autre par la vallée du ruisseau Ekozoa. Etalé sur une butte, le quartier administratif est la partie la plus moderne de la ville. Il est dominé essentiellement par l’ensemble imposant des bâtiments publics abritant les organes de direction politique et administrative du pays.

La périphérie urbaine est constituée d’une couronne de quartiers résidentiels marqués par un important conglomérat de la population autour du centre urbain. Chaque quartier est installé sur une crête et séparé par une combe. A Yaoundé, ces différentes agglutinations de la population offrent un visage bien curieux et fort contrasté : des bâtiments ultra-modernes côtoient un fouillis de baraques. La typologie des quartiers permet de sérier trois formes de regroupements : les quartiers chics ou snob (Bastos, Fuda, Nguso, Lac, etc.) caractérisés par des villas bien cossues : les camps et les cités (Mendong, Biyem-asi, Grand-mesa, Cité-Verte, Tsinga, Essos, Mimboman, Mesa-carrière, etc.) sont généralement bien structurés, quadrillés par un réseau routier rectiligne et bénéficient d’une organisation rationnelle de l’espace (Essono, 2004). Enfin, les quartiers dits spontanés ou bidonvilles (Briqueterie, Mokolo, Mvog-Mbi, Melen, etc.) sont significatifs par une densification élevée de la population, l’entassement et l’obsolescence du bâti, l’inexistence des ruelles et de la voirie urbaine. Ces zones populaires sont bruyantes et vivent 24 heures sur 24 dans une ambiance électrisée (Essono, 2004). C’est le royaume du petit commerce, le fief des salles de jeux, des boîtes de nuit, des cafés, snack-bar et de buvettes où l’on consomme du poisson rissolé, de la viande braisée et bien pimentée appelée soya et où coulent à gogo de la bière, du vin et de l’africa gin dénommé odontol.

La zone rurale, peuplée majoritairement d’autochtones, englobe la plupart des quartiers des villages inclus dans le périmètre urbain : Febe, Odza, Obobogo, Mvog Belinga, Nkolbison, Emana, Ebô, Nsam, Efulan, etc. Ici, les cases en « poto-poto » sont alignées le long de la route principale. La banlieue caractérisée par un paysage à habitat traditionnel campagnard est en voie d’urbanisation.

Capitale politique du Cameroun, Yaoundé est la ville des officiels. Elle abrite l’Assemblée Nationale, les ministères, les ambassades et les différents Organismes internationaux : ONU, OMS, PNUD, OUA, CEE, BAD, etc. Cité intellectuelle, Yaoundé dispose de centaines d’écoles maternelles et primaires, d’une cinquantaine de lycées et collèges et de deux grandes universités (Yaoundé I et II), auxquelles il faut ajouter une Faculté de Médecine, une Faculté de Théologie Protestante, un Institut Universitaire Catholique et quinze grandes écoles.

En contrepoint de sa fonction politco-administrative prédominante et qui fait sa raison d’être, Yaoundé se caractérise comme la principale ville universitaire et scolaire du Cameroun, dont le rayonnement s’exerce même au-delà des frontières nationales. La capitale politique du Cameroun demeure, par excellence, la ville où l’on vient s’instruire et celle où l’on rêve de venir s’instruire (Franqueville, 1970). Ecoliers, élèves et étudiants forment à Yaoundé 34% de la population totale et 40% si l’on ne tient compte que de la population de plus de 4 ans (Franqueville, 1970). Yaoundé joue un rôle de capitale scolaire pour le Cameroun. Ses nombreux établissements d’enseignement attirent une importante immigration d’élèves qui contribuent fortement à la croissance démographique de la ville. Yaoundé est aussi la région du pays où le taux de scolarisation est le plus élevé.

Sur le plan de la santé publique, l’infrastructure médicale et sanitaire compte cent trente-six dispensaires et centres de santé, dix-sept cliniques, trente-six cabinets médicaux, quatre-vingt-neuf pharmacies, quatorze hôpitaux dont cinq de haut standing (l’Hôpital Général, l’Hôpital Central, le Centre Hospitalier Universitaire, l’Hôpital de la Caisse et de la Prévoyance Sociale, l’Hôpital Gynéco-obstétrique et Pédiatrique de Nguso) et trois hôpitaux confessionnels (Ad Lucem, Djoungolo, Baptist Hospital). Par ses établissements, Yaoundé est, au Cameroun, la ville la mieux dotée en matière sanitaire.

Le secteur commercial animé bien par les hommes d’affaires camerounais que par les expatriés (Libanais, Indo-pakistanais, Chinois, etc.) est focalisé dans le Centre-ville. Des grandes surfaces comme Score ( Casino), Tigre, Niki, Nziko, Brico, etc. ont remplacé progressivement les grandes firmes coloniales et offrent une gamme variée de produits manufacturés. Il existe d’autres équipements marchands à Mokolo, Mfundi, Mvog-Mbi et Marché Central. L’activité bancaire (une dizaine de banques agréées) et hôtelière (cent soixante-deux hôtels dont cinquante-six de haut de gamme) est aussi florissante (Essono, 2004).

Yaoundé, terre de mission par excellence, abrite un grand nombre de temples, d’Eglises et de mosquées, à travers l’espace urbain. Nous pouvons citer, entre autres, la Cathédrale Notre-Dame-des-Victoires de Mvog-Ada, le Sanctuaire Marial de Mvolyé, La Grande Mosquée du Mont de la Pitié à Tsinga, le Temple de l’Eglise Presbytérienne de Djoungolo, la Chapelle Marie-Gocker de Mvog-Ada, la Cathédrale grecque orthodoxe de Bastos.

Par ailleurs, Yaoundé est au centre d’une intense activité nationale et internationale. Située sur la trajectoire du chemin de fer transcamerounais, la ville est également dotée d’un aéroport international moderne et d’un important réseau des voies de communication reliant la capitale aux différents chefs-lieux des provinces (Douala, Bafoussam, Ebolowa, etc.) et celles des pays voisins enclavés (Bangui et Ndjamena). Enfin, par sa population et son poids économique, Yaoundé est, après Douala, la deuxième ville du pays.

La connaissance du site de la recherche dans toute investigation scientifique est un atout pour le chercheur. Elle facilite le contrôle et la saisie des influences du milieu sur les conduites des participants et de mieux comprendre les différentes forces qui agissent sur eux ainsi que les changements et les résistances qu’elles suscitent. Dans les recherches relatives à la sexualité, la connaissance du milieu est indispensable. Car, toutes les forces du milieu influencent la perception de la sexualité, la formation des conduites sexuelles, l’élaboration des attitudes et des intentions vis-à-vis du sexe, de l’acte sexuel et de la prévention aux MST.

Pour mieux aborder la problématique de la prévention au VIH/Sida en Afrique en général, et à Yaoundé en particulier, il faut tenir compte du fait que la sexualité est longtemps demeurée un sujet « tabou ». Et que, de nos jours, les adolescents avant la maturité sexuelle sont sexuellement armés d’expériences précoces et d’informations leur permettant de savoir ce qu’il faut faire pour parvenir à la satisfaction sexuelle. Les progrès scientifiques et technologiques, la civilisation et la mondialisation ont favorisé la levée du tabou sur la sexualité tout en la libéralisant, la banalisant et en la démystifiant.

Yaoundé est l’une des villes africaines durement touchée par le VIH/Sida (8,3%). Cette prolifération du virus de l’immunodéficience humaine, responsable du syndrome d’immunodéficience acquise influe de manière significative sur la promotion de l’éducation au Cameroun. L’éducation souffre de la propagation du Sida aussi bien dans ses aspects formels, informels et non formels. Les adolescents camerounais de 14 à 25 ans constituent la tranche de la population la plus touchée par le VIH/Sida, avec une séroprévalence de plus de 11%. Ils adoptent des comportements irresponsables, et la baisse du niveau est généralisée suite au fait que ces jeunes souffrent aussi bien dans leurs corps que dans leur esprit (Abega, 1994). Ces adolescents sont sans emploi (7,43%), travailleurs (15,35%), élèves (48,51%) et aussi étudiants (27,72%) (Noumbissie, 2004). En réalité, la majorité de la population de 14-25 ans au Cameroun sont des élèves (DGSN, 1995) qui pour la plupart sont en classe de terminale.