6.1.3- Mise en œuvre du modèle

Nous allons dans cette partie procéder à la vérification et à l’interprétation des neuf hypothèses de recherche.

6.1.3.1- HR 1 : Intention d’agir et influence de la pression psychosociale

Nous voulons savoir si la pression psychosociale aurait, dans une certaine mesure, influencé les 38% d’adolescents qui avaient l’intention de se protéger au cours des trois mois à venir mais qui ne l’ont malheureusement pas fait.

Tableau 77. Répartition des adolescents-élèves en fonction de l’existence d’une influence totale de la pression psychosociale et de la manifestation d’un comportement anti-intentionnel.

Source : Nos calculs

Un test du khi-deux fait état d’une dépendance statistique très forte (niveau de confiance de 99%) entre le fait d’être totalement influencé par la pression psychosociale et la manifestation d’un comportement anti-intentionnel. Ainsi, 66% des sujets totalement influencés par la pression psychosociale, et qui avaient l’intention de se protéger régulièrement à l’aide d’un préservatif, ne l’ont malheureusement pas fait. On conclut donc que la pression psychosociale, lorsqu’elle influence totalement le sujet, influence par ailleurs négativement ses bonnes intentions en matière de port de préservatif.

Tableau 78. Répartition des adolescents-élèves en fonction de l’existence d’une influence partielle de la pression psychosociale et de la manifestation d’un comportement anti-intentionnel.

Source : Nos calculs

Un test du khi-deux montre qu’il y a une indépendance statistique très forte entre le fait d’être partiellement influencé par la pression psychosociale et la manifestation d’un comportement anti-intentionnel. Ainsi, 41% seulement des sujets partiellement influencés par la pression psychosociale, et qui avaient l’intention de se protéger régulièrement à l’aide d’un préservatif ne l’ont malheureusement pas fait. Par ailleurs, jusqu’à 58% des sujets non partiellement influencés par la pression psychosociale ont pourtant eu un comportement conforme à leurs intentions. On conclut donc que la pression psychosociale, lorsqu’elle n’influence que partiellement le sujet, n’influence pas du tout ses bonnes intentions en matière de port de préservatif.

Conclusion : la pression psychosociale a un effet limité sur la manifestation par le sujet d’un comportement anti-intentionnel.

L’effet est dit limité parce que lorsque la pression psychosociale influence totalement le sujet, elle l’incite par ailleurs à la manifestation d’un comportement anti-intentionnel, tandis que lorsqu’elle n’influence que partiellement le sujet, elle ne l’incite pas du tout à la manifestation d’un comportement anti-intentionnel. L’effet aurait été dit total si, indifféremment du type d’influence (totale ou partielle) sur la décision du port du préservatif, la pression psychosociale incitait le sujet à la manifestation d’un comportement anti-intentionnel.

D’une manière générale, les résultats montrent qu’il existe une dépendance entre l’intention de porter un préservatif, la pression psychosociale et le port effectif du préservatif. Même si l’effet est limité, nous pouvons conclure que : il existe entre l’intention d’agir et l’action une pression psychosociale qui conduit à la réalisation d’un comportement « anti-intentionnel ». Cette conclusion nous permet de confirmer notre première hypothèse de recherche (HR1).

En effet, la situation d’interaction survenue pendant l’acte sexuel a été plus déterminante que l’intention. L’intention, bien que plus de 60% des cas ait conduit à la réalisation du comportement intentionnel, perd la suprématie sur l’action lorsque celle-ci nécessite une pression psychosociale entre les protagonistes. Dans le cas de l’acte sexuel, qui est un acte psychosocial, c’est-à-dire se réalisant dans un contexte d’influence et de pression, la variable déterminante du changement ou de résistance au changement de comportement n’est plus l’intention mais plutôt l’interaction.

L’interaction agit indépendamment de l’intention sur l’action. L’acte sexuel ne se produit pas sans interaction (influence, pression). Le port du préservatif suscite des pressions entre les partenaires. Lorsque ces pressions sont totales, l’influence sur l’intention est plus significative que lorsque ces pressions sont partielles. Ce qui revient à dire que la pression psychosociale altère le fonctionnement de l’intention. Dans ce cas de figure, les individus agissent sans se référer à leurs intentions ou mieux sans que leurs intentions contrôlent l’action.

La théorie de l’action planifiée qui accorde une priorité à l’intention a omis qu’entre l’intention d’agir et l’action pouvait intervenir une interaction. Cette interaction agit comme variable intermédiaire mais dans certaines situations agit comme variable principale, pour mieux appréhender la résistance au changement de comportement chez des individus qui ont de bonnes intentions, il est souhaitable de focaliser l’attention sur une probable pression psychosociale.

Les résultats nous permettent également de comprendre que lorsque les adolescents ne ressentent pas de pression psychosociale, ils réalisent l’action intentionnelle. Ce qui revient à dire que le port du préservatif ne crée aucune pression lorsque les partenaires ont la même intention, puisque pour qu’il y ait pression, il faut qu’un partenaire soit entrain d’imposer son intention à un autre. Les couples qui ont été sous pression sont ceux dont les partenaires avaient des intentions asymétriques, contraires. C’est donc l’asymétrie intentionnelle qui crée la pression psychosociale. Et cette pression psychosociale agit indépendamment des intentions d’un sujet, puisque l’action réalisée corrobore d’une manière ou d’une autre à l’intention d’un des partenaires, c'est-à-dire le partenaire qui aurait la majorité psychologique.