6.1.3.6- HR 6 : Intention d’agir et influence de la force de l’habitude

Nous voulons savoir si la force de l’habitude aurait, dans une certaine mesure, influencé les 38% d’adolescents qui avaient l’intention de se protéger au cours des trois mois à venir mais qui ne l’ont malheureusement pas fait.

Tableau 87 . Répartition des adolescents-élèves en fonction de l’existence d’une influence totale de la force de l’habitude et de la manifestation d’un comportement anti-intentionnel.

Source : Nos calculs

Un test du khi-deux fait état d’une indépendance statistique formelle entre le fait d’être totalement influencé par la force de l’habitude et la manifestation d’un comportement anti-intentionnel. On conclut donc que la force de l’habitude, quand bien même elle influence totalement le participant, n’influence pas du tout ses bonnes intentions en matière de port de préservatif.

Tableau 88 . Répartition des adolescents-élèves en fonction de l’existence d’une influence partielle de la force de l’habitude et de la manifestation d’un comportement anti-intentionnel.

Source : Nos calculs.

Un test du khi-deux montre qu’il y a une indépendance statistique très forte entre le fait d’être partiellement influencé par la force de l’habitude et la manifestation d’un comportement anti-intentionnel. On conclut donc que la force de l’habitude, lorsqu’elle n’influence que partiellement le participant, n’influence pas du tout ses bonnes intentions en matière de port de préservatif.

Conclusion : la force de l’habitude n’a donc aucun effet sur la manifestation par le participant d’un comportement anti-intentionnel.

L’impression générale qui se dégage des différents khi-deux obtenus est que la force de l’habitude n’a aucun effet sur la réalisation d’un comportement « anti-intentionnel ». Autrement dit, les adolescents ne cèdent pas aussi facilement à une seconde tentation après avoir eu pour une première fois des rapports sexuels non protégés avec un partenaire régulier. Bien plus encore, ils résistent aux pressions de celui-ci. Les résultats montrent que la force de l’habitude n’exerce aucune influence sur la production d’un comportement « anti-intentionnel ». C’est la raison pour laquelle nous pouvons conclure que : il n’existe pas entre l’intention d’agir et l’action une force de l’habitude qui conduit à la réalisation d’un comportement « anti-intentionnel». Cette conclusion permet d’infirmer notre sixième hypothèse de recherche (HR6). Le contraire nous aurait surpris dans la mesure où les analyses précédentes ont montré que la force de l’habitude a été identifiée comme une variable qui n’agissait pas sur la décision des adolescents de porter un préservatif.

Il est vraiment surprenant de faire ce constat. Triandis (1989) a repris la théorie de l’action raisonnée qui représente les fondements de la théorie de l’action planifiée en y introduisant la force de l’habitude. Triandis a intégré à ce modèle la force de l’habitude pour élaborer la théorie des comportements interpersonnels. L’acte « porter un préservatif » est bel et bien un comportement interpersonnel. Car les individus ne portent pas un préservatif exclusivement dans un comportement individuel mais seulement dans un comportement interpersonnel. Ils le portent pour eux et pour leurs partenaires. Triandis avait montré que la force de l’habitude était un facteur décisif dans la production des comportements interpersonnels. Nos résultats permettent de remettre en cause cette conception.

Si l’habitude n’est pas retenue dans cette étude comme variable intermédiaire entre l’intention de porter un préservatif et son port effectif, il nous est difficile de conclure que l’habitude n’exerce aucun effet sur l’acte « porter un préservatif ». Les adolescents-élèves se trouvent dans un contexte où le Sida fait de nombreux ravages sur le plan humain et/où les adolescents constituent une véritable proie et aussi leur statut d’adolescent les expose davantage. Dans ce contexte, il leur est vraiment difficile de faire confiance à un partenaire au point d’avoir régulièrement des rapports sexuels non protégés avec lui. De même leur statut d’élève est dégradé si à jamais, ils sont auteurs de grossesse ou déclarées porteuses de grossesse. C’est cette situation qui justifierait leur réticence aux partenaires réguliers et à l’acte sexuel non protégé. Nous pouvons donc conclure à la lumière de nos résultats que « l’habitude n’est plus une seconde nature ». D’une manière plus précise que « l’habitude aux rapports sexuels non protégés n’implique pas forcément régularité des rapports sexuels non protégés ». La résistance à l’usage du préservatif pour se protéger du VIH/Sida n’est pas due à la force de l’habitude, dans la mesure où même les adolescents qui avaient régulièrement des habitudes sexuelles non préventives changent de comportement sexuel au même titre que ceux qui se protègent régulièrement.