1.3. Hypothèses de recherche

Avant de formuler les hypothèses qui ont servi à délimiter cette investigation, il est important de définir tout d’abord cette notion d’hypothèse. Au sens courant du terme, une hypothèse est une proposition à partir de laquelle on raisonne pour résoudre un problème, pour démontrer un théorème.

Dans le champ des recherches expérimentales, les hypothèses ce sont des idées, soit que le chercheur les déduise des lois tenues pour assurées à son compte, soit qu’il perçoive des analogies, soit qu’il pense à des explications hardies. Les Sciences Expérimentales définissent donc l’hypothèse comme l'explication plausible d'un phénomène naturel, provisoirement admise et destinée à être soumise au contrôle de l'expérience (hypothèse confirmée, infirmée par l'expérience). Il s’agit « d’une déclaration à propos de la relation entre deux variables, portant sur quelque chose qui pourrait être vrai si la solution que propose le chercheur est correcte. L’hypothèse mettrait ainsi en œuvre une situation-test ou une situation diagnostique de cette solution. Elle serait une déclaration empiriquement testable sur la relation entre deux variables.

Selon Georges Bénézé (1960 :1), le mot « hypothèse » désigne :

‘« Une loi supposée universelle formulée par induction à partir d’une observation relativement initiale, qui donne naissance à une conjecture ». ’

Dans ce sens l’hypothèse peut être comprise comme :

‘«Un  modèle de fonctionnement d’un mécanisme ou d’un processus, c’est-à-dire la loi, entant que la formule phénoménale n’est pas encore considérée comme vérifiée » (ibid. : 439).

Pour la logique formelle, le terme « hypothèse » renferme l'idée d'une inférence d'un cas à partir d'une règle générale ou d'un résultat. La définition de cette notion relève de ce fait de l'activité de la logique qui consiste à classer les arguments par certaines formes typiques appelées  syllogismes. D’après cette considération, il y a hypothèse lorsque l'on constate qu'il y a une circonstance très curieuse qui serait expliquée par la supposition qu'elle soit un cas d'une certaine règle générale, et que là-dessus l'on adopte cette supposition ; ou lorsque l'on constate que sous certains rapports deux objets se ressemblent fort, et que l'on infère qu'ils se ressemblent fort sous d'autres rapports.

En règle générale, l'hypothèse est un argument faible qui souvent incline si légèrement un jugement vers sa conclusion que l'on ne peut pas dire que l'on croit que celle-ci est vraie; on ne peut que supposer qu'elle peut l'être. L’hypothèse peut être générée par une observation; dans ce cas, elle représente une explication possible d'un fait empirique et doit permettre une meilleure connaissance du phénomène en question. Pour être testable, une hypothèse doit s'exprimer à un niveau de représentation correspondant à des conduites observables; ce qui suppose le plus souvent l'usage d'instruments de mesure.

Dans une approche herméneutique qui nous intéresse ici, une hypothèse peut être essentiellement une formalisation de la sensibilité du chercheur sur un questionnement donné sous forme d’une explication possible. L’hypothèse serait une « expression », une représentation de la manière dont le chercheur perçoit et veut expliquer le fonctionnement d'un phénomène qui n'est pas compris ou qui n'est pas expliqué.

Ainsi pour être conduite, notre étude part sur l’hypothèse principale que le fonctionnement complexe du cours magistral complique sa compréhension orale et la prise de notes qui s’y rapporte en cas d’une maîtrise incertaine de la langue française. Cette hypothèse découle en partie des postulats des recherches menées dans le laboratoire ICAR 2 de l’université Lyon 2, et constitue la continuité de la réflexion initialement amorcée pendant nos travaux de DEA sur le fonctionnement du cours magistral, (intitulés Cours magistral et notes d’étudiants : pour une approche de la compréhension orale, 2002).

De cette hypothèse principale peuvent être déduites plusieurs hypothèses secondaires, notamment : un cours magistral a un fonctionnement singulier, face au cours magistral, les locuteurs natifs n'ont pas ou ont moins de difficultés de compréhension orale et de prise de notes en comparaison avec les non natifs qui, selon qu’ils sont locuteurs du français langue seconde ou étudiants étrangers auront des difficultés de degré moyen ou seront en grande difficulté.

Nous allons dans la première partie de cette étude vérifier la validité de la première hypothèse secondaire. C’est la raison pour laquelle ce travail s’est fait de façon contrastée, nous avons utilisé en partie des extraits de cours de droit enregistrés à l’université Lumière Lyon 2 et en partie des extraits de cours magistraux dispensés et enregistrés à la faculté de droit de l'université de Brazzaville. L'approche contrastée consiste à esquisser s'il y a lieu l’impact et l'importance des différences de pratiques pédagogiques et de définir leur pertinence sur la problématique de la compréhension orale et la prise de notes pendant le cours magistral.

Dans la mesure où ce premier objectif sera atteint, on s’assurera dans un second temps de la validité de l’hypothèse principale et des autres hypothèses secondaires, à l’aide des observables formels : des tests de compréhension orale seront fabriqués à partir des caractérisations du cours magistral mises au jour. Ces tests seront proposés aux étudiants pour établir le diagnostic des difficultés rencontrées et repérer les composantes du discours susceptibles de générer des obstacles à la compréhension orale et à la prise de notes.

On rejoindra dans un troisième temps la même finalité qu’ICAR 2 : déduire de ces observations des conséquences pédagogiques dans le sens de l'élaboration des programmes d'enseignement du français aux étudiants non natifs, avec pour objectif pédagogique, leur assurer une maîtrise suffisante et satisfaisante leur permettant d'accéder plus aisément aux contenus de leurs disciplines. Ces programmes devront prendre en compte didactiquement ce type de discours et intégrer des éléments susceptibles d’entrer dans la constitution d'une modélisation induisant des implications didactiques, de sorte qu’une fois les hypothèses vérifiées, on passera à la phase d'application. Ce travail ainsi circonscrit exige des choix méthodologiques pour la collecte des données et les techniques d’analyse, ce sera l’objet de nos écrits dans les lignes suivantes.