1.4.2.2. Concepts d'analyse du corpus

Comme indiqué dans les lignes précédentes, pour analyser le corpus et ainsi identifier ses différentes caractéristiques, plusieurs concepts servent d’outils. Le conceptde base qui a permis de déterminer l’unité minimale d’analyse est l’objet de discours. Le Dictionnaire d’analyse du discours (Charaudeau & Maingueneau 2002 : 406) présente ce concept dans les termes suivants :

‘« De manière intuitive, l’objet de discours est constitué de segments verbaux qui, dans un texte ou une conversation, renvoient à ce dont il est question, et la notion paraît proche de celles de thème ou de topique ».’

Dans le cadre de la logique naturelle« l’objet du discours » « … désigne des entités à la fois logiques et sémiologiques actualisées dans des textes par des expressions nominales et qui, en fonction du caractère dynamique de la schématisation, sont susceptibles d’être reformulées, enrichies ou simplifiées, au fil du discours » (Charaudeau ibid. : 406). Il s’agit en ce qui nous concerne du « message » (ousous-message)porté par un discours, un fragment (ou une composante, un extrait) de ce discours.

En ébauche de théorie linguistique, un « message » est un élément constitutif de toute communication. Celui-ci peut être verbal ou paraverbal. Dans la mesure où ce travail vise à montrer dans la partie analyse plus loin que le cours magistral est un discours « polyphonique » dans lequel plusieurs voix ou composantes se superposent, le « message » correspond à ce sur quoi porte un discours et les sous-messages correspondent aux objets dechacune des composantes du discours, l’objet de chaque propos, de chaque voix. Ce message peut être un objet du savoir à transmettre ou des objets de toute autre nature (gestion du discours, gestion du groupe, etc.). Toute composante du discours transmet en effet un ou plusieurs messages.

Le « message » du discours ou de son extrait (sous-message) peut être exprimé par un simple mot ou par un segment,  par un énoncé (ou une proposition) ou par une séquence (ou une période), etc. La « séquence » est une suite ordonnée d’éléments, d’objets, d’opérations, de mots, etc. La théorie des séquences (Adam dans Dictionnaire d’analyse du discours 2002 : 389) considère en effet qu'il existe entre la phrase et le discours, un niveau intermédiaire de structuration, celui des périodes et des macro-propositions. Ce niveau intermédiaire constitue et manifeste ce fameux « moment discursif » qui désigne le surgissement d'une production discursive intense et diversifié d'un même événement et se caractérise par une hétérogénéité multiforme ». Cette période ou cette macro-proposition est en fait ce que est désignée par séquence.

Plusieurs autres concepts ont permis de mener au mieux cette étude. Quand nous avons considéré par exemple le caractère monologique du cours magistral, nous avons retenu le fait que pendant un cours magistral, l’enseignant est en général le seul à prendre la parole. Il ne laisse que très rarement les étudiants parler, mais il joue à la fois le je et le vous (collectif).En tant que locuteur autorisé, il assure une interlocution sans sujet, dans laquelle les énoncés sont donnés souvent comme non marqués discursivement, c’est-à-dire sous formes de vérités établies par tous, sans marque d’énonciation particulière. Il se présente juste comme une occurrence de la classe de la communauté disciplinaire pouvant discourir dans les mêmes conditions et l’énoncé s’adressant à tout le monde en général et à personne en particulier. 

Les notions de dialogisme et de polyphonie procèdent également de cette étude. Quand nous considérons par exemple le caractère dialogique du cours magistral, nous relevons une dimension contradictoire du discours, opposant un « je » locuteur à un « vous » collectif représentant les étudiants. Le « dialogisme discursif »  est une des notions clef caractérisant le cours magistral. Dans la rhétorique, cette notion désignait le procédé qui consiste à introduire un dialogue fictif dans un énoncé. En analyse du discours ce terme est utilisé pour référer à la dimension foncièrement interactive du langage oral ou écrit. Selon cette considération, « le locuteur n’est pas un Adam et de ce fait, l’objet de son discours devient, immanquablement le point où se rencontrent les opinions d’interlocuteurs immédiats (dans une conversation ou une discussion portant sur n’importe quel événement de la vie courante) ou bien les visions du monde, les tendances, les théories, etc. (dans la sphère de l’échange culturel) » (Bakhtine 1988 : 302).

Le concept « dialogique », emprunté par l’analyse du discours au Cercle de Bakhtine, réfère aux relations que tout énoncé entretient avec les énoncés produits antérieurement ainsi qu’avec les énoncés à venir que pourraient produire ses destinataires (Charaudeau ibid.: 174). Bakhtine (1988) considère en effet que toute production « monologale » quelle qu’elle soit est dialogue en son principe, dans la mesure où elle est déterminée par un ensemble de productions antérieures : l’intertextualité.

La problématique du dialogisme implique que « tout discours, quelle qu’en soit la nature, se présente comme une reprise-modification, consciente ou pas, de discours antérieurs qui se présente nécessairement comme une parole adressée, répond à des attentes, implique des efforts d’adaptation et d’anticipation et peut s’intégrer dans le circuit du dire et du commentaire. Des relations interdiscursives résultent du fait que toute forme de conscience ou de connaissance passe par l’activité discursive, de sorte que chaque discours (…) répond à quelque chose, il réfute, il confirme, il anticipe sur les réponses et les objections potentielles, cherche un soutien (…) ».

Bakhtine (1988 : 136) déduit de ces présupposés que :

‘« Toute forme monologique ne l’est que par la seule forme extérieure (…), celle-ci est en fait essentiellement dialogique (…) elle naît dans le dialogue comme sa vivante réplique ».
«L’unité monologale est à comprendre, quelle que soit sa taille, comme « un tour de parole » d’un genre particulier. Les répliques antérieures et ultérieures sont absentes de la structure externe, mais n’en affectent pas moins sa délimitation. On pourrait dire que dans le dialogue, les tours de parole antérieurs et ultérieurs sont in praesentia, alors que, dans le monologal, ils sont in absentia. …L’objet du discours devient immanquablement, le point où se rencontrent les opinions d’interlocuteurs immédiats …ou bien des visions du monde, les tendances, les théories etc. »
«… La véritable substance de la langue n’est pas constituée par un système abstrait de formes linguistiques ni par l’énonciation-monologue isolée, ni par l’acte psychophysiologique de sa production, mais par le phénomène social de l’interaction verbale, réalisée à travers l’énonciation et les énonciateurs ; l’interaction verbale constitue ainsi la réalité fondamentale de la langue ». ’

Le concept « polyphonie » est en revanche réservé à la « cohabitation de plusieurs discours dans un même énoncé » (Verine 2004 :187). Selon Jacques Bres (2005 : 23), « le terme polyphonie a été emprunté au champ musicale par métaphore, et consiste à faire entendre la voix d’un ou plusieurs personnages aux côtés de la voix du narrateur, avec laquelle s’entremêle d’une manière particulière, mais sans phénomène de hiérarchisation ».

Terme emprunté donc à la musique, la polyphonie réfère au fait que les textes véhiculent, dans la plupart des cas, beaucoup de points de vue différents : l’auteur peut faire parler plusieurs voix à travers son texte. Ce terme était assez courant dans les années vingt. M. Bakhtine lui donne, dans son livre célèbre sur Dostoïvski (1929) une portée et un sens tout à fait nouveaux. Dans ses travaux littéraires, il l’utilise pour caractériser ces œuvres où plusieurs voix s’expriment sans qu’aucune ne soit dominante.

Les travaux de Bakhtine ont été découverts par les linguistes, avec l’intérêt croissant en linguistique pour les aspects pragmatiques et textuels qui s’est manifesté depuis les années 80. Les linguistes ont exploitée cette notion de polyphonie, en particulier Ducrot qui l’a mentionné la première fois en 1980 dans un cadre purement linguistique et en 1984 dans ses analyses de toute une série de phénomènes linguistiques, pour rendre compte des multiples cas où celui qui produit matériellement l’énoncé ne le prend pas en charge, ne se pose pas comme son responsable.

Ducrot associe donc ce terme au niveau de l’énoncé, il applique le concept à l’énoncé quotidien, qui constitue, dans l’optique bakhtinniene, un espace où se déploie le dialogisme. La problématique de la « polyphonie » permet à Ducrot de stipuler l’existence de plusieurs voix, de plusieurs sous-discours. Elle met en cause l’unicité de l’énonciateur et s’inscrit dans un questionnement plus large de l’hétérogénéité discursive où la présence de plusieurs voix ou de plusieurs types de sous-discours dans un seul discours caractérise des phénomènes discursifs et montrent comment un énoncé peut représenter et/ou réaliser plusieurs actes simultanément.

A. Rabatel (2008 : 363) considère pour sa part que polyphonie et dialogisme sont deux facettes complémentaires pour aborder les phénomènes d’hétérogénéité énonciative d’un point de vue translinguistique (dialogisme) ou esthético-anthropologique (polyphonie). Il définit le dialogisme comme « le phénomène linguistique fondamental de tout énoncé traversé par le dialogue interne ou externe que l’énonciateur entretient avec d’autres énonciateurs passés ou à venir, in absentia ou in praesentia ». Quand à polyphonie, elle correspond selon lui à « un phénomène langagier, d’essence esthétique, caractéristique de certains discours romanesques dans lesquels le narrateur fait parler des points de vue différents sans paraître les subordonner au sien propre » (ibid. : 361).

Ces deux définitions le conduisent à établir une parenté entre ces deux termes qui concernent la saisie des phénomènes énonciatifs qui mettent fin au mythe de l’unicité du sujet parlant. Il conclut que la polyphonie est une préoccupation constante de Bakhtine, y compris lorsqu’il traite de phénomènes dialogiques, ce qui revient à dire pour lui qu’il y a de la polyphonie dans le dialogisme, parallèlement au fait qu’il y a du dialogisme dans la polyphonie et que les phénomènes de voix sont complexifiés par les jeux entre consciences représentées et conscience représentante (ibid. : 373).

En analyse du discours qui prend essor dans les années soixante-dix en effet, Bakhtine est une référence incontournable. Cependant, le suremploi que constate A. Rabatel sur le terme « polyphonie » irait d’après lui de pair avec l’influence profonde des travaux de Ducrot qui consacre une extension de la linguistique des recherches bakhtinienne sur la littérature. Ainsi Pour Rabatel, Ducrot nomme « polyphonie » ce que Bakhtine envisageait plutôt sous le terme de « dialogisme ».

C’est ainsi que l’on constate que les marques de la polyphonie sont chez les continuateurs de Ducrot les mêmes que celles que Bres évoque au titre au dialogisme et que dans le domaine français, il est d’usage d’évoquer le dialogisme de Bakhtine et la polyphonie de Ducrot.

Somme toute, dialogisme et polyphonie s’inscrivent dans toute problématique linguistique des productions langagières. Si certaines approches linguistiques ne retiennent à leur convenance que l’un des deux termes comme par exemple les travaux de la ScaPoline (théorie Scandinave de la POlyphonie LINguistiquE) (Nolke 2004) qui utilisent exclusivement les travaux inspirés par Ducrot, ou la praxématique (Amossy 2004) qui se réfère à Bakhtine pour appeler « dialogisme » le même phénomène de démultiplication des voix à l’intérieur d’un énoncé, le concept « polyphonie » en ce qui nous concerne permet d’identifier dans un même cours magistral, en plus du discours sur le contenu, d’autres discours parallèles ou contigus qui servent soit à gérer les lieux, soit le groupe, etc. ; et nous appréhendons le concept « dialogisme » comme l’ensemble des dialogues entretenus dans le  cours magistral.

L’interaction constitue également l’un des notions fondamentales envisagées dans l’analyse du discours. Dans cette perspective, le cours magistral est envisagé avant tout comme un discours monologique, une seule personne prend la parole. Cependant malgré cela, ces monologues constitués essentiellement de communications unilatérales sont considérés, au même titre que les productions « dialogales », comme des matériaux interactifs. Ces matériaux interactifs, quelle que soient leur forme et leur longueur, sont analysable dans l'interaction à laquelle il participe, c'est-à-dire au sein au moins d'un événement langagier de production/interprétation qui lui même est inscrit au moins dans un événement matériel et social.

La notion « interaction » désignait d’abord un certain type de processus (jeu d’actions et de réactions), puis on est ainsi venu à désigner, par métonymie, un certain type d’objet caractérisé par la présence massive de ce processus.Le terme renvoie très généralement à l’action de deux (ou plusieurs) objets ou phénomènes.Selon Catherine Kerbrat-Orecchini (2005 : 11) le terme interaction est une notion doublement importée pour la linguistique française, qui l’a emprunté à la sociologie américaine.

Cette notion s’entend en analyse du discours comme interaction verbale entre deux participants, deux interactants, avec toujours la présence d’un système d’influences mutuelles… Il s'agit d'un événement réel ayant un début et une fin, un événement social lié à la rencontre des individus et exigeant les rituels culturels de prise de contact, de maintien de la relation, de clôture. L'événement est précédé, suivi, modelé, interrompu par l'événement social.Dans la démarche développée par Kerbrat-Orecchioni, étudier « l’interaction » veut dire :

‘« Faire de l’analyse conversationnelle et pouvoir rendre compte de façon redoutable et efficace de la façon dont se construisent, pas à pas, coup par coup, les tours de parole, c’est-à-dire les énoncés en tant qu’ils sont pris dans le processus dynamique de l’alternance ».’

Cette préoccupation, beaucoup plus complexe, beaucoup plus ambitieuse et beaucoup plus élaborée, comporte des considérations de détails que nous ne pouvons envisager dans cette rechreche. Cependant, comme un cours magistral est un discours « monologal » qui admet tout de même une certaine dose d’interactivité, nous considérons ce degré minimum d’interactivité puisque, comme l’a affirmé (Bakhtine 1977 : 137), l’interaction verbale constitue « la réalité fondamentale de la langue ». Les « séquences interactives » qui seront prises en compte dans cette recherche sont des interventions réactives, c’est-à-dire des échanges in presentia, entre l’enseignant et son auditoire très présent dans le discours de l’enseignant, avec une identité et un profil reconnus, auxquels celui-ci, par intervalles réguliers, fait référence.

Une dimension argumentative est envisagée dans ce travail. Type d'interaction verbale destinée à modifier l'état des convictions d'un sujet, l'argumentation a ceci de singulier qu'elle n'agit pas directement sur autrui, mais sur l'organisation même du discours, qui est censée avoir par elle même un effet persuasif : l’enseignant s'adresse aux étudiants autant que ceux-ci sont susceptibles d'une activité rationnelle, de manière à les enfermer dans un réseau de propositions dont ils ne puissent s'échapper. Il présente son propos comme une action complexe finalisée. La fin de son action coïncide avec l'adhésion par son auditoire à une thèse qu’il présente et qui donne lieu à un enchaînement structuré d'arguments liés par une stratégie globale qui vise à leur faire adhérer la thèse défendue. L’enseignant établit un contrat énonciatif par lequel il assure, en termes sémiotiques, un faire persuasif ; autrement dit un faire-savoir et un faire-croire à l’intention d’un auditeur qui accepte les positions cognitives qu’il formule.

Selon Jacques Moeschler (1979 : 123), il y a argumentation à partir du moment où un enchaînement entre actes illocutoires permet d'aboutir à une certaine conclusion. Deux éléments au moins interviennent dans la caractéristique d'une argumentation : (a) une relation entre des actes de sous-types illocutoires différents; (b) une présence (certes facultative, mais toujours actualisables) de connecteurs d’argumentation. Moeschler pose le postulat que « la compréhension, de même que la production de séquences argumentatives implique la maîtrise par le sujet des règles d'interprétation (déterminant la valeur illocutoire des actes) ainsi que des règles de séquence ». Pour lui, l'argumentation constitue un des facteurs privilégiés de la cohérence discursive. Elle est indissociable de la situation d'énonciation, c'est-à-dire du statut du locuteur et de l'auditoire, et aussi des croyances de cet auditoire, des valeurs en usage dans la communauté en question etc.

D’un point de vue historique, Robrieux (2000) rapporte que l’étude de l’argumentation est fondée en partie sur la logique formelle et s’appuie sur des formes de raisonnements formels non pas du point de vue de ses objectifs, mais seulement dans ses modalités : il s’agit de faire progresser la pensée en partant du connu pour faire admettre l’inconnu. La logique appelle cette opération une inférence. Cependant, dès lors que les inférences relèvent de l’évidence, elles échappent au domaine de l’argumentation. En revanche si les inférences posent problème, si elles nécessitent une véritable opération intellectuelle en plus de l’expérience (domaine très vaste des raisonnements empiriques), ou même hors de l’expérience (domaine des sciences exactes), on admet que ces évidences tombent dans deux raisonnements principaux : la déduction et l’induction.

Comprendre par exemple une séquence où figure un connecteur argumentatif ce n'est pas appliquer un signifié pour l'associer à celui de ces cooccurrences mais appliquer un certain nombre d'instructions attachées à l'emploi de ce connecteur pour reconstruire le sens de l'énoncé. La visée argumentative se manifeste donc par l’emploi des modélisateurs comme moyen de modifier, d’atténuer, de rendre probable ou incertaine certaines informations. Ce qui permet à l’enseignant établir un contrat énonciatif dans lequel il assure un faire persuasif à l’intention de son auditeur qui lui permet de marquer de son sceau la signification, en lui attribuant une certaine valeur. Il inscrit son « dit » dans un univers de croyance et de désir au sein duquel les arguments évoqués manifestent ses convictions latentes ou implicites.

Un autre concept, la reformulation, concoure à élargir la vision des phénomènes pris en compte et analysés dans un cours magistral. En linguistique on appelle  reformulation  le comportement verbal par lequel, dans une langue donnée, un locuteur prétend reproduire sous une autre forme exactement ce qui a été exprimé par un autre locuteur dans la même langue. En « analyse du discours », en entend par reformulation, dans un sens très large, la transformation d’une unité discursive de taille variable (du mot ou du texte) en une autre qui est censée être sémantiquement « équivalente » d’une manière ou d’une autre.

Cette opération prend des formes variées selon le niveau auquel elle intervient, le type de discours sur lequel elle porte et la nature de cette transformation (Maingueneau, 1996 : 69). La reformulation est « une relation de paraphrase (Charaudeau dans Charaudeau et Maingueneau 2002 : 490) qui consiste à reprendre une donnée en utilisant une expression linguistique différente de celle employée pour la référenciation antérieure ».

Mais quand A. Rabatel (2006) interroge cette notion de reformulation, il se demande s’il est légitime d’analyser le passage d’un système sémiotique à l’autre en termes de reformulation. A. Rabatel prolonge ainsi les travaux antérieurs sur la reformulation qui font appel àdes approches discursives et/ou interactionnelles pour analyser la nature, les contours, les entours, les « altérations » (Peytard, 1984) éventuelles et les fonctions des reformulations dans des interactions didactiques ou de formation professionnelle, lorsque les reformulations accompagnent et commentent des activités scolaires qui font largement appel à des paroles, mais aussi à des images, des schémas, des dessins, des activités, donc des gestes, autres que les gestes co-verbaux ou para-verbaux.

Il proposed’analyser le continuum de la pensée et de la parole en acte, l’émergence, la co-construction, dans et par l’action, dans et par le discours, des capacités d’agir et des savoirs, sans pour autant aller jusqu’à homologuer discours et action. Son choix théorique implique une prise de distance à l’égard des conceptions traditionnelles de la reformulation qui ont longtemps posé (et posent encore) la notion d’invariant sémantique entre un énoncé source et un énoncé reformulé, réunis par un marqueur dit marqueur de reformulation et présente une « approche intégrée » de la reformulation, elle-même inscrite dans une approche praxéologique intégrée du langage ».

Pour définir cette notion, il (Rabatel) recourt à de chevauchements « qu’indique notamment la fréquence de deux préfixes signifiant une activité de retour sur un dire antérieur et de commentaire sur ce même dire : reformulation, reprise, reprise de formulation, rephrasage, métalangage, métadiscours, métaénonciation, qui joue un rôle central dans les contextes de formation didactique. Pour lui, toute reformulation revient sur un énoncé antérieur pour l’envisager à nouveau ou de nouveau sous un autre aspect, en fonction de telle ou telle situation de telle phase de l’activité, ou, plus généralement en fonction du but didactique poursuivi ».

Faisant référence aux travaux antérieurs sur la reformulation (Clinquart 2000, Barbéris 2005, reformulation paraphrastique ou non paraphrastique Roulet 1987, Rossari 1990, 2000, Kara 2004, Rabatel 2006, glose Julia Kristeva 2001, etc.), il considère le terme reformulation comme « un métaterme englobant l’ensemble des activités langagières par lesquelles le locuteur/énonciateur revient sur des dires antérieurs ».

Cette conception de la reformulation nous paraît beaucoup développée. Cependant ce travail ne prend en compte que la problématique générale de la reformulation telle qu’elle est définie par trois auteurs de référence (Peytard : 1984, Maingueneau : 1996 et Charaudeau : 2002).

Somme toute, l’utilisation de ces quelques concepts clés et d’autres encore non exposés ici pour analyser le cours magistral autorise à procéder à de multiples étiquetages linguistiques des observables du corpus. L’expression « objet discursif », ainsi que les autres concepts définis précédemmentne constituent pas pour autant les seules notions auxquelles nous faisons référence dans cette analyse du corpus. De même, les écoles dans lesquelles les concepts définis ont été élaborés ne constituent nullement les approches théoriques sur lesquelles nous nous appuyons forcément pendant ce travail.

Ce détour sur les principaux mots clef utilisés précède une brève mise en perspective de l’enseignement des langues en général à l’enseignement de compréhension orale proprement dite.