2. De l'enseignement des langues à l'enseignement de la compréhension orale

Ce bref éclairage permet de montrer que les questions qu’on se pose ne sont pas neuves. Nous partons sur le postulat que les objectifs de l'enseignement des langues ont évolué avec le temps. Cependant, les changements d'approches ne sont pas le fait du hasard, ils sont le reflet pédagogique de recherches menées dans le domaine de l'enseignement des langues et aussi celui de la demande sociale qui se modifie et entraîne des évolutions de méthodes.

S’il est difficile de définir d'une manière précise la chronologie des méthodologies de l'enseignement des langues (en général, et celle de l'enseignement de la compréhension orale en particulier), étant donné que certaines d'entres-elles ont cohabité, pour un rétrospectif historique on peut néanmoins repartir depuis le Moyen Age où ce fut l'enseignement du latin qui était pratiqué, un latin vivant parlé par les élites, véhicule de connaissances et la seule langue d'enseignement.

A partir de la Renaissance, un changement important intervint : les langues d'Europe supplantèrent petit à petit le latin comme langues de communication. Progressivement le bas latin devint une langue morte et le latin classique le seul digne d'être enseigné. Se multiplièrent alors grammaires théoriques, recueils de morceaux choisis, traductions d'œuvres classiques, exercices de rhétorique (analyse et composition des vers et discours latins), etc. L'enseignement du latin constitua une méthode d'enseignement des langues, l'appellation courante de la méthode consacrée à cet enseignement est la méthode traditionnelle.

Du XVIIe au début du XXe siècle, ce modèle d'enseignement d'une langue morte, (couramment connu sous l'appellation « méthode traditionnelle ou méthode classique ou encore méthode grammaire – traduction ») mais invertie d'un prestige culturel, social et idéologique rarement égalé, a été le modèle pour l'enseignement des langues vivantes modernes qui ont par conséquent été considérés comme des langues mortes.

Lorsqu’au XVIIe apparurent les premiers manuels d'enseignement des langues « modernes », ce fut sous la forme de règles de grammaire, de listes de vocabulaire et de phrases à traduire. Le but poursuivi par cette méthode était la lecture et la traduction de textes littéraires, ce qui plaçait l'oral en second plan. Mais tout au long des siècles, des voix se sont élevées pour mettre en cause cette manière d'enseigner les langues vivantes.

Dès le XVI ème siècle les auteurs se sont ainsi interrogés sur le bain linguistique et la langue orale comme modèle d'imitation et répétition. Entre le XVII ème siècle et le XIX ème siècle, Christian Puren (1994) rapporte que la méthodologie traditionnelle a donné lieu à des variations méthodologiques assez importantes et a subi une évolution interne qui a préparé l'avènement de la méthode directe.

La méthode directe est née dès la fin du XIX ème siècle du désir de la société de ne plus avoir une langue exclusivement littéraire, mais d'un outil de communication qui puisse favoriser le développement des échanges économiques, politiques, culturels et touristiques qui s'accéléraient à cette époque. L'évolution des besoins d'apprentissage des langues vivantes étrangères avait provoqué l'apparition d'un nouvel objectif « pratique » qui visait une maîtrise de la langue comme instrument de communication. Les principes fondamentaux qui sous-tendent cette méthodologie sont :

Claude Germain (1993) rapporte par la suite qu'on a qualifié le XX ème siècle d' « ère scientifique » de la didactique des langues étrangères. Claudette Cornaire et Claude Germain (1998 : 15) constatent en effet que c'est dans les années cinquante que les chercheurs et les didacticiens ont tenté de donner des fondements scientifiques à l'enseignement des langues. Comme fil conducteur, Germain (1998 :16) distingue trois grands courants : un courant intégré, un courant linguistique et un courant psychologique.