- Des formes stéréotypées

Les « stéréotypes » regroupent l’idéologie, le pouvoir, l’ancrage culturel, etc. Des stéréotypes du pouvoir s’intègrent dans l’agencement du cours. La forme stéréotypée renvoie en effet à une opinion publique, à un savoir partagé qui circule dans une communauté de pensées à un moment donné de son histoire (Amossy et Rosen, 1982). Le pouvoir se glisse ainsi là où on ne l'attend pas du premier coup, comme l’affirmait R. Barthes (1977 : 11), il est présent dans les mécanismes les plus fins de l'échange social ».

Le pouvoir constitue donc l’une des formes qu’adopte la « doxa » c’est-à-dire l’ensemble des croyances et opinions partagées. Il inclut les évidences des partenaires de l’échange (ce qui, à leurs yeux, va de soi) et des « prêt-à-penser » dont se nourrit plus ou moins consciemment le discours. Dans ce contexte, « parler ce n’est » plus « communiquer, c’est assujettir » (ibid.).

En fait, tenu de parler, le locuteur produit des illusions discursives en récréant le cadre « d’un je - ici - maintenant  fictif». Mais l’enseignant tient une énonciation qui selon les termes de R. Barthes « expose sa place et son énergie par des implications, des retentissements des tours et des retours qui lui assurent un faire-entendre ».

Les stéréotypes du pouvoir ne sont pas toujours explicites car, comme l’affirme Oswald Ducrot, « le discours est parfois moins riche de ce qu’il énonce que de ce qu’il ne dit pas (1991). Certains présupposés sont en effet d’ordre idéologique, et propre à une communauté, à une époque. Marc Angenot (dans Ducrot, 1991)les appelle les « idéologènes » et constate qu’ils accompagnent certains mots ou certaines expressions fortement connotés. Des propos très connotés culturellement « enrobent » en fait les hypothèses sur le savoir ou les explications sur un savoir social et culturel commun ou particulier, sur des croyances et des valeurs partagées ou non.

Nous pouvons cités en exemples les extraits suivants : ces exemples expriment bien cette dimension des stéréotypes dans le discours de l’enseignant.

Ligne 470 du corpus d’analyse

or quand vous rentrez en relation avec quelqu'un ces inégalités inévitablement apparaissent

en d'autres termes toutes relations sociales se situent dans le cadre d'un rapport de force

et vous le savez bien le rapport de force n'est pas toujours bêtement brutal parce que s'il était toujours bêtement brutal

cela voudrait dire qu'on est toujours à l'époque de l'homme de caverne

où l'homme tirait sa femme par la chevelure quand il voulait déménager de la grotte hein! ça c'est le rapport de force brutal

primaire

physique si je puis dire +

ce seraient des haltérophiles qui nous gouverneraient +

si c'était un rapport de force brutal hein!

ou les messieurs muscles

messieurs univers de telle ou telle année qui seraient les rois du monde +

donc ça c'est qu'un aspect

sur une confrontation physique ça vaut le coup d'être le plus fort

c'est intéressant comme critère

mais c'est pas ça qui mène le monde heureusement

mais le rapport de force

il peut reposer sur quantité d'autres choses

alors matérielles

entre les riches et les pauvres

ceux qui ont beaucoup ceux qui ont

peu il peut se reposer aussi sur un certain plan intellectuel

par exemple la connaissance ce peut être un rapport de connaissance

de la détention

d'informations +++

Ligne 1838 du corpus d’analyse

et cette infraction sera considérée en France il y a une classification des infractions +

alors donc euh les enfants

je sais que à mon humble avis il y a beaucoup d'enfants en France

qui quelque fois sont présentés devant les juges de l'enfant +

ici aussi il y en a

mais sauf que le tribunal chez vous

chez nous pardon

je vous l'ai toujours dit

vous ne devez pas faire le droit en prenant le Congo comme étant un modèle

parce que si vous prenez le Congo comme modèle

je suis sûr que vous raterez vos études de droit

donc faites comme si on était dans une société organisée où il y a le juge des enfants

Ligne 2960 du corpus d’analyse

nous

on a vu ça

dans les sociétés traditionnelles

bien sûr on peut voir que dans un campement

il n'y a pas un chef désigné

mais par l'organisation des choses ceux qui détenaient en eux un pouvoir mystique tout à fait diffus que qui n'était pas proclamé de manière aussi ouverte

on savait que qu'il il ne fallait pas faire ça

et que si vous faites ça

c'est telle personne par ces méthodes mystiques pouvait vous jeter un mauvais sort +

et ça c'était un pouvoir de coercition qui était diffus

qui est loin de l'organisation de l'État actuel