4.2. Les notes prises

Les notes prises par les trois étudiants ayant pris part à la première série d’expériences révèlent plusieurs choses. Nous avons noté que le style de l’enseignement a été déterminant dans les notes qui sont prises pendant un cours magistral. Le constat est que plus l’enseignant dictait son cours, moins on pouvait parler des difficultés de prise de notes, parce que les étudiants notaient ce qui leur était dicté, sans exercer un quelconque discernement. A l’opposé, plus l’enseignant oralisait les objets du savoir, moins on relevait des notes prises par les étudiants. La quantité des notes prises ne dépendait donc pas de la densité du cours magistral, mais plutôt et le plus souvent des rituels qu’adoptait l’enseignant pour mettre des informations à la disposition des étudiants. 

Il a été également constaté que dans l’ensemble, les reformulations des objets du savoir n’attiraient pas plus l’attention des étudiants, quand bien même celles-ci étaient fortement marquées ou qu’elles élargissaient le sens des notions abordées. De même, tous les implicites, les nuances de sens, les sous-entendus et les présupposés, entretenus dans les propos des enseignants et censés mettre la puce à l’oreille des étudiants, n’étaient pas pris en compte dans les annotations de ceux-ci. De même, non seulement l’aspect « stéréotypé » des propos tenus par l’enseignant, ainsi que les marqueurs qui l’indiquaient ne se retrouvaient pas dans les notes des étudiants, mais le caractère culturel qui caractérisait certains contenus n’ont guère suscité de l’enthousiasme chez ces étudiants.

Dans les notes prises, tous les marqueurs de l’oral spontané, tous les énoncés dialogiques et métadiscursifs et tous les marqueurs de connivence étaient évacués, même quand ceux-ci étaient introduits d’une façon pas très explicite dans les développements de l’enseignant. De même, tous les repérages temporels ainsi que les renvois aux séances prochaines n’ont nullement été mentionnés dans les notes d’étudiants. Les subdivisions adoptées par l’enseignant n’ont pas nécessairement donné lieu à la prise de notes, sauf quand elles étaient dictées. C’est ainsi que les trames de grands mécanismes discursifs tels que l’argumentation, la narration, l’exposition n’ont jamais été reproduites ; il n’a été relevé aucun marqueur de ces grandes catégories discursives.

On a remarqué d’une part que la plupart des composantes qui véhiculaient par exemple des constats, des recommandations, des justifications, les parenthèses orales, et certains commentaires des enseignants n’étaient pas non plus notées, les étudiants savaient certainement qu’il s’agissait là d’énoncés secondaires pour lesquels l’écoute suffirait. D’autre part, aucune trace n’indiquait que les liaisons thématiques présentes dans les extraits de cours fussent prises en compte par les étudiants.

Les résultats obtenus à la seconde séance expérimentale avaient également certaines caractéristiques.Dans une première analyse, la constatation faite est que l’activité de prise de notes a suscité un malaise auprès de la majorité des étudiants inscrits au cours de français langue étrangère. Outre les conditions de l’expérience jugées quelque peu artificielles, le facteur qui a le plus compliqué la tâche des étudiants qui ont rencontré des difficultés c’est l’accélération débit. Ce fait se révèle dans le ressentiment (exprimé pendant les entretiens oraux) de bon nombre d’étudiants confrontés à l’écoute et à la prise de notes en un laps de temps court. La complexité lexicale a également constitué unfacteur de difficultés pendant la compréhension orale de ce qui était dit.

Plusieurs stratégies ont été utilisées pour prendre ces notes. D’abord l’emploi des abréviations, certaines formes d’abréviation ont été utilisées systématiquement, notamment les terminaisons en « tion » abrégées en     ; le terme « droit » qui devenait d t , le relatif « quelque chose » devenait   qc  , l’adverbe « dans » en  ds  , mais également scté   pour « sociétés », pb   pour « problème »,   gr   pour « grand  »,   problém   pour « problématique », rép   pour « république ». D’autres abréviations étaient variables d’un étudiant à un autre. On a par exemple relevé les abréviations suivantes: ttefois, internatio, pvoir,  pol  et  polit   pour « politique », E pour « Etat », pr, comp., politiq, pers , etc.

D’autres stratégies plus classiques ont été également utilisées, comme l’emploi des flèches pour indiquer une certaine relation entre deux ou plusieurs termes, l’utilisation symboles pour marquer là encore des réseaux de concordances entre différents éléments du contenu, la technique de reformulation pour paraphraser ou dire autrement les contenus identiques. L’une des stratégies a paru assez « atypique » : le soulignement. Nous l’avons relevé dans l’exemple ci-après :

21 :1 * une dimension matérielle, idéologie

*l’expression d’une idéologie au sens large

* une projection du sort de l’homme dans l’avenir et qui répond à une aspiration à la justice