1.1. Genèse de la protection de la nature dans le monde depuis XIXe siècle

Aujourd’hui, la nature est devenue un sujet de préoccupation, un dénominateur commun de l’humanité18. La parution du rapport « Brundtland » en 1987 était une étape importante en ce qui concerne la prise de conscience des problèmes environnementaux dans le monde actuel. La corrélation entre la situation économique des pays et la détérioration de l’environnement forme le cœur de ce rapport qui a suscité des débats en ce qui concerne le vrai sens du « développement durable»19, et son application dans la plupart des territoires et les divers secteurs économiques y compris le tourisme.

La notion de développement durable, ne fait toujours pas l’unanimité : il reste aujourd’hui un concept controversé depuis sa conception. Tandis que la plupart le voient comme une solution aux problèmes rencontrés par les sociétés actuelles, Vivien quant à lui la décrit « avant tout comme un problème »20.

Ce rapport fut publié quinze ans après le premier Sommet international sur l’environnement et le développement en 1972, à Stockholm. Pendant cette conférence, une déclaration de 26 principes a été adoptée ainsi qu’un vaste plan d’action pour lutter contre les menaces sur l’environnement. Le Programme des Nations Unis pour l’Environnement (PNUE) est né à ce moment là, une étape importante vers la prise de conscience sur la question environnementale au niveau international.

Une deuxième conférence internationale de ce genre s’est tenue à Rio de Janeiro en 1992 lors du Sommet de la Terre. L’un des résultats de cette conférence fut la mise en place de l’agenda ou action 21, qui comprend la conservation et la gestion des ressources naturelles à des fins de développement. Finalement, à la suite de la conférence de Rio, il y a eu le Sommet du Développement Durable (SDD) à Johannesburg en 2002.

Lors de ces conférences, il est clair que les problèmes environnementaux étaient liés au développement économique. Ainsi, l’environnement est reconnu comme un élément du développement. Par exemple, le surdéveloppement et le sous-développement sont présentés comme de vrais défis pour un environnement stable. Autrement dit, les pauvres n’ont aucune autre solution à part l’utilisation des ressources naturelles, tandis que les grandes organisations capitalistes cherchent à maximiser leurs profits en exploitant les ressources naturelles21.

Ceci était évident lorsque la conférence de Stockholm proclamait que « dans les pays en voie de développement, la plupart des problèmes de l’environnement sont causés par le sous-développement […] en conséquence, les pays en voie de développement, doivent orienter leurs efforts vers le développement […]. Dans les pays industrialisés, les problèmes de l’environnement sont généralement liés à l’industrialisation… ». Holden, Rossi et André partagent le même point de vue sur le fait que la pauvreté est la raison majeure de la destruction de l’environnement dans les pays en voie de développement22. Par contre, Lévêque affirme que « si on peut regretter qu’une société détruise la biodiversité, et trouver cela injuste, on ne peut pas affirmer pour autant que la protection de la biodiversité est porteuse de justice entre les hommes »23. Ainsi, comme le démontre la fig. 1, les deux facteurs majeurs agissant sur des milieux naturels sont la pression touristique comme dans le parc national de Banff au Canada24 et la pauvreté surtout dans les pays en voie de développement.

Figure 1 : L’espace (éco) touristique, un espace de conflit.

Source : Odiara B, 2010.

Pratiquement tous les pays de la planète ont pris en main et ont internationalisé la réponse politique à la question environnementale avec l’adoption de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1992. Le but ultime serait de stabiliser les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre à un niveau qui n’interfère pas de manière dangereuse avec le système climatique ; plus précisément, le « protocole de Kyoto » en 1997, qui fixaient aux pays développés l’objectif de réduire les émissions collectives des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Récemment, en 2008, on peut citer la quatorzième réunion de CCNUCC à Poznan, Pologne comme un prédécesseur d’un accord à Copenhague fin 2009 (qui s’est terminé par un échec) visant à dresser un plan ambitieux de lutte contre les changements climatiques.

Outre ces conférences, il existe plus de 30025 conventions internationales signées entre les Etats à titre volontaire. A titre d’exemple, la convention de Ramsar en 1971, celle de Washington en 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) sont également axées sur la conservation de la biodiversité, surtout en Afrique ; par exemple, l’interdiction de la vente d’ivoire en 1989 est l’un des succès de CITES26.

Par ailleurs, il est clair qu’à chaque rencontre, l’essentiel est de réagir ensemble, car les défis environnementaux tels que la pollution ne connaissent ni les frontières ni les Etats, ils concernent la totalité de la biosphère. Selon Chouaibou Mfenjou, « à défaut de la démarche commune, les efforts de ceux qui sont soucieux de l’environnement vont être annulés par les actions de pollueurs »27. C’est le cas par exemple de l’explosion de l’usine nucléaire de Tchernobyl en Ukraine en 1986, ou encore un projet proposé de mine aux alentours du lac Natron en Tanzanie, qui pourrait fortement menacer la survie des flamants rose au Kenya28. En ce sens, il est clair que « chacun peut souffrir de l’incurie de l’autre »29. De même, la qualité de l’air, de l’eau, de l’atmosphère nécessite une coordination et une coopération internationale. Evidemment, ces sommets montrent la prise de conscience générale de la menace sur l’environnement mais le vrai défi réside dans le moyen d’atteindre le « développement durable ».

En dépassant les frontières nationales, les défis de la protection de l’environnement demandent une internationalisation des décisions et des moyens30. En effet, le Sommet de Johannesburg a conclut que l’ « avenir est au multilatéralisme », en disposant d’institutions internationales et multilatérales afin d’atteindre les objectifs de développement durable. Ce point de vue, proche de celui des éco-socialistes (écologistes sociaux), met l’accent sur l’importance de résoudre les problèmes environnementaux à l’échelle nationale et internationale31. Il met en avant le socialisme et le collectivisme comme une condition préalable. Cette coopération internationale s’est intensifiée à la fin du XXe siècle32. Quant aux sociaux-écologistes, c’est la décentralisation du pouvoir vers les communautés locales qui pourrait résoudre les problèmes écologiques33.

En ce qui concerne le tourisme, Cater décompose l’espace touristique mondial en cinq parties34 :

  1. L’Europe occidentale et l’est des Etats-Unis où le tourisme a commencé en XIXe siècle.
  2. L’ouest de la Méditerranée et la Floride où le tourisme est arrivé dans la première moitie de XIXe siècle.
  3. L’est de la Méditerranée, l’Afrique du nord, la Californie et les Caraïbes où il est arrivé entre 1950 et 1970.
  4. L’espace africain, l’Asie, l’Amérique latine, le Pacifique et l’Australie où la diffusion touristique s’est développée entre 1970 et 1990.
  5. Enfin, l’Antarctique et toutes les autres îles et les océans qui ont accueilli les touristes à partir des années 1990.

Alors, les effets néfastes du tourisme accompagnèrent la diffusion de cette activité, après quoi ces impacts négatifs sont devenus une piste privilégiée de recherche. C’est peut-être la raison pour laquelle la conférence « Earth Summit II » qui a eu lieu à New York en 1992 a intégré le tourisme dans le plan de développement durable et dans le contexte d’agenda 21, un point qui n’est pas pris en compte dans la première édition de cet agenda. Plus spécifiquement pour le tourisme, les Nations Unies déclarèrent 2002 comme l’année internationale consacrée à l’écotourisme.

Le mouvement environnemental ne peut pas réussir sans des institutions efficaces existantes. La multiplication des Organisations Non Gouvernementales (ONG) environnementales, tel que le Sierra Club crée par John Muir en 1892, a fortement aidé à la défense de la nature contre le productivisme et la prédation par les hommes en Amérique du nord et au-delà35 .

Outre le PNUE, les ONG consacrent leurs efforts à la valorisation des espaces verts et le soutien des communautés locales (encadré, 1.1). D’autres institutions internationales comprennent : l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) formée en 1948, le Fonds mondial pour la nature (WWF) créé en 1961, le Centre mondial de Recherche sur l’Agrosylviculture (ICRAF) qui aide à la protection de l’environnement à travers des projets pilotes sur la co-existence de l’agriculture et la sylviculture, et le Fonds International pour la Protection des Animaux (IFAW) qui lutte contre le trafic d’animaux.

Les ONG nationales et régionales travaillent au Kenya sur la problématique écologique et économique tels que le Green Belt Movement  établi en 1977 dans le but de combattre la déforestation, le African Conservation Centre (ACC) qui s’implique beaucoup dans la conservation à travers le tourisme communautaire ou l’écotourisme, le African Wildlife Foundation (AWF), les Friends of Conservation (FoC) et, la East African Wildlife Society (EAWLS) créée en 1961.

Cependant, les institutions internationales et les ONG ne sont pas les seules à intervenir dans cette démarche. Le gouvernement aussi joue un rôle important de coordination de toutes les activités écologiques. Par exemple, le KWS (Kenya Wildlife Service), crée en 1989, gère tout ce qui concerne la vie sauvage (la flore et la faune) à l’intérieur et en dehors des aires protégées. Le National Environnemental Management Authority (NEMA), intervient dans toutes les questions environnementales surtout en ce qui concerne les grands projets de développement et la pollution ; tandis que le Service des Forêt du Kenya – Kenya Forest Service (KFS)s’implique largement dans la protection des forêts nationales.

Notes
18.

Chouaîbou Mfenjou, l’Afrique à l’Epreuve du Développement Durable, l’Harmattan, 2002, p 197.

19.

Défini comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins ».

20.

Vivien, Le Développement Soutenable, Editions la Découverte, Paris, 2005.

21.

Rossi, André, op.cit ; Kabala, Protection des Ecosystèmes et Développement des Sociétés, Etat d’Urgence en Afrique, Editions l’Harmattan, 1994.

22.

Rossi et André, op.cit ; Holden, Environnement and Tourism, Routledge, 2000.

23.

Lévêque, Ecologie, de l’Ecosystème à la Biosphère, Dunod, 2001, p 10.

24.

Dearden, Tourism, National Parks and Resource Conflicts, John Wiley and Sons ltd, Chichester, 2000, p 187-202.

25.

Vernier, l’Environnement, Que sais-je ? Presses universitaires de France, 1992.

26.

Ibid.

27.

Chouaîbou Mfenjou, op.cit.

28.

Daily Nation, Tanzanian Project that Could Wipe out Kenya’s Flamingoes, July 7th, 2007.

29.

Pontié, Gaud, L’Environnement en Afrique, La Documentation française, n° 161, 1992, 7p.

30.

Ibid.

31.

Holden, op.cit.

32.

Vernier, op.cit.

33.

Holden, op.cit.

34.

Cater, Ecotourism in Third World: Problems and Prospects for Sustainability, John Wiley and sons, 1994a.

35.

Arnould, Glon, Wilderness, Usages et Perceptions de la Nature en Amérique du Nord, Annales de Géographie N° 649, Armand colin, 2006.