1.3. Les parcs nationaux : une expression de la nature

Aujourd’hui, la diversité des procédures et des espaces protégés est assez remarquable : réserve naturelle intégrale, zone de nature sauvage, parc national, monument naturel/élément naturel marquant, aire gérée pour l’habitat et les espèces, paysage terrestre ou marin protégé et aire protégée de ressources naturelles gérées (l’UICN, 1994). En plus, il y a des réserves de biosphère et des sites de patrimoine mondial administré par l’UNESCO73. Ce travail s’intéresse aux parcs nationaux et aux zones de nature sauvage qui sont des aires protégées74 administrées principalement dans le but de préserver l’écosystème aux fins de divertissement.

Ce travail reprend la définition de parc national telle que proposée pendant la Xe Assemblée Générale de l’UICN en 1969 à New Delhi. Selon cette définition75,

‘« Un parc national est un territoire relativement étendu : 1) qui présente un ou plusieurs écosystèmes, généralement peu ou pas transformés par l’exploitation et l’occupation humaine, où les espèces végétales et animales, les sites géomorphologiques et les habitats offrent un intérêt spécial du point de vue scientifique, éducatif et récréatif ou dans lesquels existent des paysages naturels de grande valeur esthétique, et 2) dans lequel la plus haute autorité compétente du pays a pris des mesures pour empêcher ou éliminer dès que possible, sur toute sa surface, cette exploitation ou cette occupation, et pour y faire effectivement respecter les entités écologiques, géomorphologiques ou esthétiques ayant justifié sa création ; et 3) dont la visite est autorisée, sous certaines conditions, à des fins, récréatives, éducatives et culturelles ». ’

Dans cette définition, sont mêlés les enjeux écologiques ainsi que les enjeux récréatifs. Cela signifie qu’on ne peut pas faire abstraction de l’activité touristique dans l’histoire des parcs nationaux et vice versa. Le tourisme, sans être l’objectif unique, devient alors une activité principale des parcs nationaux sans lequel il devient difficile d’imaginer la continuité de la conservation76.

En plus, cette définition crée une illusion en ce qui concerne la surface des parcs nationaux. Tandis que celui de Tsavo west (9.000 Km²) et de Tsavo East (12.000 Km²), au Kenya, sont « relativement étendus » – les deux correspondent presque la taille d’Israel ou encore la combinaison de la Gambie et de la Jamaïque – il y en a d’autres qui sont très petits comme celui de Saiwa swamp (3 Km²), Ndere Island (4,2 Km²), et Central Island (52 Km²). Néanmoins, les raisons pour la conservation des ressources naturelles sont également nombreuses et elles sont devenues un élément à part entière de la politique nationale :

  1. La préservation des ressources « naturelles »
  2. La mise en valeur touristique et scientifique
  3. Le développement économique.

Donc, le recul de la nature autour de l’homme a abouti à des réglementations artificielles afin de la restaurer77. Cette politique apparaît à travers les conventions internationales sur l’environnement et d’autres politiques nationales telles que la mise en place de réseaux de parcs nationaux. Ces derniers sont les témoins les plus courants de l’ « inquiétude sur l’avenir de la biodiversité »78. De plus, ils deviennent des enjeux économiques importants au fur et à mesure. Par exemple au Kenya, le secteur du tourisme en zones protégées contribue à environ 70% des revenus bruts du tourisme et 5% du PNB ainsi que 10% d’emplois dans le secteur officiel (176.000 emplois)79. En plus, sur les 120 attractions touristiques les plus visitées dans le pays, 80 sont des zones naturelles, y compris des parcs et des réserves de la biodiversité80.

En effet, selon la classification de l’UICN, la catégorie II des aires naturelles protégées (des parcs nationaux) a pour but de ‘préserver les écosystèmes’. C’est ainsi l’un des moyens de sauver, de conserver, de préserver ou de sauvegarder des espèces et leurs habitats, dans leurs milieux originaux, in situ, au lieu de les préserver en dehors de leur milieu naturel, ex situ 81. Par conséquent, certains pensent que la biodiversité préservée ex situ est artificielle ou non naturelle82, notamment les animaux sauvages dans les cages ou ceux qui sont domestiqués. Les exemples comprennent ceux à « Nairobi orphanage », à « Haller park » à Mombasa ou à « impala sanctuary à côté de Kisumu » au Kenya. Par contre, ces zones sont parmi les plus fréquentées du pays. En 2005 par exemple, ces espaces d’attractions ont reçus 257.000 (Nairobi Orphanage), 100.000 (Haller Park), et 87.262 (Impala Sanctuary) touristes.

Pour d’autres, l’idée de parc est « anti-naturelle » car on ne peut pas enfermer la « nature » dans des parcs83. Par exemple, plus de 70% de la faune terrestre kenyan se trouve en dehors des zones protégées84 ; un paradoxe qui doit interroger les scientifiques. Cependant, il faudra noter que des parcs nationaux n’existent pas pour y enfermer la faune. Ces zones existent simplement pour pouvoir protéger l’habitat dont cette faune dépend pour survivre. C’est pourquoi dans la définition de parcs nationaux, les autorités telles que le KWS prennent des mesures pour empêcher ou éliminer l’exploitation humaine des écosystèmes. Il fait en sorte que la population humaine respecte les entités écologiques, géomorphologiques ou esthétiques de ces zones. Par contre, cette organisation n’est pas aussi vigilante quand les animaux sauvages quittent les parcs afin de parcourir des territoires privés.

A la création de KWS en 1989, M. Leakey, le premier Directeur, de cette organisation était protectionniste au sens strict du mot. Il a eu la volonté de pratiquer la politique de ségrégation : de séparer les parcs de l’homme en les entourant par des barrières ; une vision qu’il a abandonnée plus tard. L’objectif était de protéger l’homme des animaux sauvages et d’empêcher toute l’exploitation humaine de ces zones de la biodiversité (voir aussi encadré 1.2).

Pour Lévêque, la conservation serait la « gestion et l’utilisation judicieuse de la nature et de ses ressources, pour le bénéfice des sociétés humaines ainsi que pour des motifs éthiques »85. En revanche, la protection intégrale, comme avançait Leakey, « s’oppose à toute forme d’intervention de la nature que se soit, dans un milieu ‘naturel’ »86. La protection signifie la non utilisation ou encore le maintien du statu quo, tandis que la conservation prend en compte la vie humaine.

La préservation pour certains, et la conservation pour d’autres, de la biodiversité dans les parcs nationaux sont une innovation américaine87. Ainsi, le parc national est une expression qui évoque la « nature »88.

Notes
73.

Cf. aussi, Depraz, Géographie des Espaces Naturels Protégés : Genèse, Principes et Enjeux Territoriaux, Armand Colin, 2008.

74.

Une portion de terre, de milieu aquatique ou de milieu marin, géographiquement délimitée, vouée spécialement à la protection et au maintien de la biodiversité biologique, aux ressources naturelles et culturelles associées ; pour ces fins, cet espace géographique doit être légalement désigné, réglementé et administré par des moyens efficaces, juridiques ou autres (UICN, 1994).

75.

Richez, Parcs Nationaux et Tourisme en Europe, Editions L’Harmattan, p 43, 1992 ; cf. aussi, Merlin et Choay, Dictionnaire de L’Urbanisme et de L’Aménagement, Presses universitaires de France, 1988, 547p.

76.

Equipe MIT, op.cit. 2005.

77.

Bourg, Le Paradoxe de nos Relations à la Nature, Editions L’Harmattan, 1997.

78.

Rossi et André, op.cit.

79.

Kenya Government of, National Development Plan 2002-2008, Effective Management for Sustainable Economic Growth and Poverty Reduction, Kenya National Bureau of Statistics, Nairobi, 2002b.

80.

World Resource Institute, et al, op.cit.

81.

Arnould, op.cit ; Lévêque, La Biodiversité, Que sais-je ? Presses universitaires de France, Paris, 1997.

82.

Arnould, op.cit.

83.

Lévy et Lussault, op.cit.

84.

Kenya, Government of, op.cit., 2002b.

85.

Lévêque, op.cit, 1997, p 88 ; cf. aussi Kabala, op.cit.

86.

Lévêque, op.cit, 1997.

87.

Richez, op.cit., Nash, American Environment, Readings in the History of Conservation, Addison-Wisley publishing company, 1968.

88.

Richez, op.cit.