Le modèle anglo-saxon et le modèle français étant différents, on constate d’abord la mise en place des aires protégées en Afrique anglophone sous la forme de réserves de chasse qui sont apparues en 1890144. Par contre, cette politique de conservation est reprise tardivement en Afrique francophone, où des réserves forestières avec une finalité de conservation ont été établies après 1930145. Auparavant, le modèle français de conservation des milieux forestiers était conçu à des fins de production et d’exploitation des ressources naturelles146. Certes, les parcs nationaux de l’Afrique francophone ne sont pas à l’hauteur de la notoriété présentée par des parcs d’Afrique anglophone que se soit en termes de patrimoine animalier ou d’attractivité touristique.
La « Society for the Preservation of Fauna of the Empire » (SPFE) est un exemple des structures élitistes politiques et économiques mises en place dans les colonies britanniques en 1903 dans l’optique de la chasse et de la gestion des milieux « naturels »147. Ces milieux « naturels » étaient d’abord sous forme de réserves de chasse à partir des années 1890, avant qu’ils ne soient transformés en parcs nationaux après les années 1940148. Il faut noter que c’est à Londres que la première conférence internationale pour la protection de la faune et de la flore en Afrique se déroula en 1933.
A la suite de cette conférence de Londres, la cohérence a été atteinte dans la gestion des ressources naturelles sur l’ensemble de l’Afrique. Après, les colonies françaises sont passées de la stratégie d’exploitation des milieux forestiers à la stratégie de protection, avec pour finalité la création de « réserves totales de la faune » et ensuite de « parcs nationaux »149. Par contre, ce n’est pas à la suite de cette conférence que des parcs nationaux s’installèrent en Afrique. Le premier parc – le plus ancien en Afrique – Sabi Game Reserve qui devient Kruger National Park en 1926 a été crée en 1896. Celui d’Albert au Congo Belge (connu aujourd’hui comme la République Démocratique du Congo) a été crée en 1925.
Comme pour les parcs nationaux en Amérique du Nord, il y avait des raisons pour la création de ceux-ci en Afrique. Outre la chasse qui a été totalement interdite dans les zones de biodiversité à partir de 1940, la politique « protectionniste » qui développait le tourisme150 photographique a été favorisée (la photographie et le game drive).
Au début, la conservation était marquée par l’interdiction d’utilisation, l’exclusion, les amendes et les barrières comme dans le cas du parc Kruger en Afrique du sud lors de sa création. Un peu plus tard, le passage du concept de protection, manifesté par les barrières métalliques telles qu’au parc national de Kruger, à celui de conservation présente une étape importante. Selon Kabala (1994), celui-ci se traduit par la modification en 1956 de l’appellation de l’UIPN (Union International pour la Protection de Nature) en UICN (Union International pour la Conservation de Nature). Donc, il y a eu une évolution dans la pratique de la conservation. Ces « conservations » présente aussi différentes facettes comme l’indique Giraut et al (2004 : 360) en citant Compagnon et Constantin (2000) : « la conservation contre les populations, la conservation pour les populations, la conservation avec les populations et la conservation par les populations ».
Enfin, les parcs nationaux en Afrique jouent un rôle de pacification ou d’intégration régionale151. C’est le cas des parcs frontaliers qui sont encore connus comme les parcs de la paix surtout en Afrique australe par exemple les parcs Kruger (en Afrique du sud), Gonarezhou (au Zimbabwe), Gaza (au Mozambique) qui mesurent 155.000 Km². Ils renforcent la sécurité de la faune et l’amélioration des conditions de vie des populations concernées152. Au delà de cette notion de pacification, les zones naturelles sont très souvent à cheval sur plusieurs pays. Par exemple entre le Kenya et le Tanzanie, il y a le Maasai Mara et le Serengeti, ainsi que l’écosystème d’Amboseli et le Kilimandjaro. L’écosystème du Mont Elgon se situe entre le Kenya et l’Ouganda. Effectivement, ces pays ne sauraient pas appliquer des politiques de développement divergentes voire opposées à des zones intrinsèquement marquées du sceau de l’unité naturelle, humaine et sociale. La coopération multilatérale est alors indispensable au développement de l’écotourisme sous toutes ses formes. Cet état de choses s’implique tout particulièrement là où l’immigration de la faune, ignore toute frontière ou découpage administratif, par exemple entre le Maasai Mara et le Serengeti. En plus, selon Rieucau, ces parcs limitrophes peuvent contribuer à la sécularisation des zones frontalières, le cas du Gabon et de la Guinée153.
Volvey, et al., op.cit ; Giraut, et al., op.cit.
Volvey, et al., op.cit.
Giraut, et al., op.cit.
Volvey, et al., op.cit.
Ibid ; Giraut, et al., op.cit.
Giraut, et al., op.cit.
Il faut noter que les anglais sont les inventeurs du tourisme avec le « grand tour » des aristocrates Anglais. Ainsi, en suivant historiquement la même logique, les mêmes Anglais considèrent les parcs nationaux comme des lieux de tourisme.
Giraut, et al, op.cit.
Frérot, l’Afrique en Questions, Ellipses, 2004 ; cf. aussi Giraut, et al., op.cit.
Rieucau, Biodiversité et Ecotourisme dans les Pays du Centre du Golfe de Guinée Prétourisme dans une Unité Géopolitique Instable, les cahiers d’outre-mer, 2001.