2.3. Un tourisme majoritairement fondé sur la nature

Avant de se pencher sur la question de la mise en tourisme des ‘nouveaux’ territoires touristiques au pays, il s’agit de bien comprendre comment le Kenya présente son tourisme. Depuis l’indépendance, la majorité des touristes venant au Kenya sont considérés comme ceux ayant un intérêt dans les safaris. Pour assurer sa durabilité, le tourisme alternatif a été proposé. La voie du tourisme alternatif au Kenya ne se limite pas à l’écotourisme. Il se révèle être aussi le chemin vers le tourisme domestique – les kenyans visitant leur pays –, le tourisme culturel ainsi que les safaris en dehors des savanes tels que des safaris pédestres à Kakamega et à Longonot, des safaris à vélo à Hell’s Gate, des safaris à dos de chameaux à Samburu et des safaris en bateau au lac Victoria et à Baringo dans le Rift valley.

Figure 7 : La fréquentation touristique moyenne dans les parcs et les réserves nationales entre 1996 et 2005 (y compris les touristes nationaux/domestiques).

*le Mont Elgon, Oldonyo Sabuk, Marsabit, Saiwa Swamp, Kakamega, Mwea et Ruma

Source: Kenya National Bureau of Statistics, 2006.

Rappelons que le tourisme pratiqué au Kenya est d’abord un tourisme balnéaire par une capacité d’hébergement importante. C’est aussi un tourisme de nature combinant les safaris et la plage. Il existe une contradiction entre le désir des touristes et le vécu, entre l’image propagée et la réalité au niveau de la pratique touristique. C’est aussi un tourisme reposant sur l’idée de ‘tout compris’ dont la qualité ne cesse de se dégrader au fil des années191. Par exemple, selon le rapport de l’OMT, bien que le Kenya ait attiré 1,5 millions de touristes en 2005 représentant une part de 2,8% des recettes touristiques en Afrique, la Tanzanie, avec 590.000 arrivées touristiques, a représenté 3,8% des recettes totales d’Afrique pendant cette même période.

Le Kenya néglige souvent la valorisation des produits locaux: un facteur qui retarde le tourisme comme un véritable outil de développement. A cet égard, le Kenya ne doit pas évaluer l’écotourisme seulement par rapport à sa capacité à assurer la protection de la nature, mais aussi dans son apport en termes de développement. De plus, l’offre touristique du Kenya est largement forfaitisée192, concrétisée et enclavée au lieu d’être diffusée, dispersée et dissoute sur l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, les contraintes spécifiques du Kenya comprennent des aires protégées relativement pleines et d’autres presque vides, ce que certains appellent d’ailleurs des parcs « sur papier », parce qu’ils existent dans les textes etdans les brochures touristiques mais qu’ils n’ont pas d’infrastructures ni d’encadrements193 (fig. 7). De tels parcs selon le guide de lonely planet comprennent le Chyulu Hills National Park et le Tana River National Primate Reserve. Dans la première, dit le guide de lonely planet, « manque encore l’infrastructure la plus élémentaire (l’accès est difficile et il n’y a pas d’hébergement dans ce parc), même si l’administration a décidé de l’ouvrir au tourisme »194. D’autres contraintes comprennent une monotonie du produit touristique (notamment les Big Five), une concentration d’activités touristiques sur la côte et un forfait touristique très élaboré.

Aujourd’hui, le Kenya est encore dans une situation d’inadéquation entre ce que les décideurs du tourisme veulent faire et ce qui est réellement fait, en ce qui concerne la mise en tourisme de ‘nouveaux’ espaces touristiques. Bien que les parcs et les réserves nationaux du Kenya soient au centre des attractions touristiques du pays, ils ne sont pas toujours assez développés pour bien accueillir et être appréciés des touristes.

A titre d’exemple, ce sont les réserves de Samburu, Buffalo Springs et Shaba, où l’activité touristique est trop limitée à quelques endroits195. Celle de Samburu, l’activité touristique se limite à 8% de sa surface. Celui d’Amboseli, 90% des touristes se concentre sur 10% de sa surface196. Cela crée ce que Weaver appelle une « capacité de charge artificielle ». Ce constat ne veut pas dire que nous voulons faire du tourisme partout, mais qu’on peut faire mieux.

Notes
191.

Odunga, op.cit.

192.

Thomas Cook (anglais) est l’ancêtre des tour opérateurs et inventeur des voyages à forfait en 1841.

193.

Blangy, Ecotourisme et Développement : l’Exemple de l’Amérique latine, Les cahiers d’espaces février, 228-235 p, 1993a.

194.

Parkinson et al, Kenya, Guide Lonely Planet.

195.

Beh et Bruyere, Segmentation by Visitor Motivation in Three Kenyan National Reserves, Tourism Management, 28: 6, 2007, 1464 -1471 p.

196.

Lilieholm et Romney, Tourism, National Parks and Wildlife, John Wiley and Sons ltd, Chichester, 2000.