3.1. L’étude de cas : la région touristique de l’ouest du Kenya

Selon l’étude publiée par Okello et al (2001), il n’y a qu’un quart des zones naturelles au Kenya qui sont dotées d’un potentiel touristique en termes de fréquentation198. En plus, ce rapport montre que la réserve nationale de Kakamega et le parc du Mont Elgon possèdent une ressource touristique importante sans connaître une fréquentation touristique assez significative.

Figure 8 : L’évolution du nombre de touristes dans la forêt du Kakamega, Saiwa swamp et Mont Elgon entre 2000 et 2006.

Source : Kenya Wildlife Service.

Malgré sa faible fréquentation touristique, la forêt de Kakamega par exemple, constitue un ensemble écologique remarquable. C’est le seul lambeau de forêt dense et humide, primaire de type Guinéo–congolais de l’Afrique Orientale. Quant au Mont Elgon, il est le deuxième sommet du Kenya après le Mont Kenya (5.199 m). Cependant, il est méconnu malgré le fait qu’il soit un gigantesque édifice volcanique (4.155 m) aussi imposant que le Mont Kenya. Il reste une destination insuffisamment visitée avec une moyenne de 4.031 touristes par an entre 2000 et 2005 comparé au Mont Kenya qui a enregistré en moyenne 26.413 touristes par an durant cette même période. Autour de cette montagne, la situation reste instable depuis 2006 expliqué par des affrontements ethniques. Enfin, le parc de Saiwa, avec une superficie de 3 Km², est le plus petit des petits parcs kenyans.

La densité démographique de cette région est très forte. La forêt de Kakamega est toujours menacée par l’accroissement de la population avec plus de 461 habitants au Km² dans le département de Kakamega. Quant au Mont Elgon et ses environs, il y a plus de 143 habitants au Km² alors que le secteur autour de Saiwa atteint 100 personnes au Km². La majorité de ces habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Alors peut-on développer le tourisme avec une telle pauvreté aux alentours et contribuer ainsi à la réduire ?

Par ailleurs, notre étude de cas se trouve hors de la région des Big Five, hormis le Mont Elgon qui abrite quelques éléphants, buffles et léopards. Alors, est-il possible de mettre en vision d’autres animaux et pour quelles clientèles ? Ou doit-on simplement se contenter de l’idée des « avantages comparatifs » comme le démontre la thèse de Ricardo199 ? Il ne faut cependant pas sous-estimer l’ampleur de la tâche à accomplir. Ce territoire ne peut pas devenir rapidement une destination massifiée comme celle des savanes. Une telle perspective nécessite une vision prospective.

La réserve nationale de Kakamega, le parc national de Saiwa et celui du Mont Elgon et leurs alentours sont loin d’être homogènes en termes de paysage et d’environnement. Mais cette réalité ne nous empêche pas d’étudier ces territoires dans leur ensemble pour trois raisons : d’abord, ces trois territoires sont les principales attractions situées dans la région touristique de l’ouest du Kenya; deuxièmement, ils sont gérés par le KWS, et enfin ils ont connu une faible activité touristique au fil des années. Il apparaît nécessaire d’étudier les mesures à prendre pour mieux dynamiser et revaloriser le flux touristique dans cette région. Ces territoires sont à l’écart de l’activité touristique kenyane. Autrement dit, ils sont restés cachés, secrets, mal connus et obscurs auprès des acteurs touristiques, notamment les touristes.

Cette recherche s’intéresse à une partie de la région touristique de l’ouest du Kenya (fig. 9) : une région peu éloignée, moins visitée et moins visible par des touristes, malgré sa biodiversité abondante. Néanmoins, elle est connue pour ces potentiels touristiques lorsqu’ils sont bien développés.

Figure 9 : La représentation typique d’un itinéraire touristique à l’ouest du Kenya
Figure 9 : La représentation typique d’un itinéraire touristique à l’ouest du Kenya

Source : Odiara, B., 2010

Administrativement, cette région touristique se réfère aux régions administratives de l’Ouest, de Nyanza et de la partie centrale du Rift valley (voir carte 4). Elle est constituée de secteurs différents où on distingue cinq grands types d’espaces : la forêt tropicale (Kakamega), le terrain montagneux (Elgon) et marécageux (Saiwa) ainsi qu’un lac (Victoria) et les vallées (Kerio) qui présentent une grande diversité d’aspect, et la ville (Kisumu). Dans sa totalité, cette région touristique se compose de sept aires protégées, notamment :

  • la forêt de Kakamega aménagée par le KWS et le KFS
  • le parc national de Saiwa Swamp (SSNP)
  • le parc national du Mont Elgon (MENP)
  • la réserve nationale du lac Bogoria
  • le parc national de Ruma
  • le parc national de l’île de Ndere
  • le sanctuaire de l’impala de Kisumu

Cette thèse se focalise sur les deux premiers territoires (voir carte 2).

Notes
198.

Le potentiel touristique est calculé à partir de regroupement de plusieurs paramètres. A chaque paramètre est assigné une valeur : le nombre de touristes, les caractéristiques paysagères, la valeur esthétique, l’attraction culturelle, la présence des « big five », la présence d’une espèce d’une valeur importante en conservation, le nombre d’espèces d’oiseaux, le nombre d’espèces de grands mammifères terrestres (Okello, et al, op.cit., 2001).

199.

Cette thèse stipule que les pays trouvent des avantages dans le commerce international en se spécialisant dans la production et l’échange des biens dans lesquels ils sont relativement plus efficaces. Dans notre cas, il s’agit de la mise en avant des « Big five » et les destinations phares du tourisme tels que le Maasai Mara, le Lac Nakuru, Amboseli et le Tsavo.