5.2. Analyse espace-société à l’ouest du Kenya

L’étude sur les lieux touristiques nous invite à analyser une relation entre l’homme et le milieu. Dans de tels espaces, le rôle du tourisme consiste à voir et à utiliser autrement ces territoires en leur conférant des qualités dont elles étaient dépourvues282. En outre, dans les destinations touristiques, deux perceptions s’imposent : celle du dedans par les sociétés locales, et celle du dehors par les touristes et les prestataires des services.

Depuis la création de Yellowstone jusqu’aujourd’hui, trois enjeux apparaissent dans l’existence des parcs nationaux : le développement touristique des pays, la protection de la faune et de la flore et enfin, le soutient des processus écologiques et environnementaux. La discussion suivante privilégie de connaître le point de vue des riverains des parcs nationaux sur l’existence des ceux-ci.

‘« Pourquoi ces aires protégées existent-elles ?» ’
Tableau 10 : Les différentes perceptions des populations riveraines sur les aires protégées.

Parmi les personnes interrogées à Saiwa, 66% considèrent SSNP (Saiwa Swamp National Park) comme un refuge d’animaux, notamment le « Sitatunga » ; 34% le perçoivent comme une attraction touristique. Cela signifie que, selon ces peuples, le parc de Saiwa sert les « autres » : le KWS qui s’intéresse à la protection de la faune et de la flore, et les touristes attirés par l’altérité (tableau 10).

Ces réponses se démarquent de celles de Kakamega (KWS et KFS), où la population locale occupe une place prépondérante. D’après 57% des interviewés à Kakamega coté KWS (simplement connu dans le texte comme KKWS), la réserve existe au bénéfice de la communauté. A Kakamega coté KFS (désormais désigné dans le texte comme KKFS) 58% s’est prononcé de la même manière. En plus, 46% et 35% de ces peuples à KKWS et KKFS respectivement ajoutent que ces territoires existent afin de contribuer au bien-être de l’environnement. Cela fait référence aux précipitations grâce à cette forêt de laquelle profite l’activité agricole.

Il est clair que, pour les peuples de KKWS et de KKFS, cette forêt existe pour subvenir à leurs besoins quotidiens, elle représente un espace utilitaire, celui de leur survie. Ils en profitent pour le ramassage du bois, l’obtention des médicaments traditionnels, les terrains de pâturage pour leur bétail et le matériel pour construire leurs maisons. Ce sont des besoins qui ne peuvent pas être remplacés par les revenus touristiques car le tourisme « ne signifie pas qu’il fasse table rase du passé »283.

Cependant, les intérêts différents dans les zones de biodiversité par des acteurs différents mènent à une contestation de ces ressources naturelles, un phénomène décrit ailleurs comme le « common pool problem »284.

Les interprétations sont diverses, mais ces réponses ne nous renseignent sur presque rien en ce qui concerne leur regard sur l’utilité économique de ces espaces. Par conséquent, une deuxième question s’est posée à ce sujet.

‘« Y a-t-il des avantages économiques liés à ces espaces pour la communauté ? ». ’

Les réponses à cette question pourraient nous étonner parce que 82% des personnes interrogées à Saiwa – un parc mesurant 3 Km², avec moins de 2.000 de fréquentation touristique annuelle et administré strictement pour la conservation – ont répondu par l’affirmative. Par contre, 71% des interviewés de KKWS – une réserve nationale forestière de 44 Km² et avec deux fois plus de fréquentation touristique qu’à Saiwa – ont répondu que non. Comment explique t-on cette différence de point de vue de la population ?

D’abord, la perception aussi positive que négative des peuples sur les réserves naturelles dépend davantage de ce que rapportent ces espaces pour ces populations. Pour ces territoires, l’un des objectifs fondamentaux dans les pays en voie de développement est leur rôle de réduire la pauvreté à travers des interventions diverses285.

Il n’y a pas une seule approche pour soutenir le développement des communautés d’accueil. En prenant comme exemples les cas de Saiwa et de Kakamega, on signale deux approches de développement au sein des populations locales dans les destinations touristiques : le développement de la communauté et le développement dans la communauté.

Le développement de la communauté étant la voie la plus facile à appliquer, provient de l’extérieur. Celui-ci se manifeste sous la forme des projets faits pour la communauté alors que ses membres restent les bénéficiaires passifs. Il s’agit largement de la mise en place des projets non touristiques : les écoles, les centres médicaux, les bourses scolaires… Cette voie favorisée par les ONG et les associations tend à développer la communauté afin « d’acheter ?» leur soutient avec l’objectif de les faire protéger les ressources naturelles. Les vocabulaires qui font référence à ce type de développement sont divers : le tourisme solidaire, le tourisme philanthropique, la responsabilité sociale, la relation publique…

Le KWS s’engage dans un processus de la responsabilité sociale par la mise en place des projets pour les communautés. De tels projets démontrent deux vocations : la reconnaissance de l’importance de la communauté locale dans la protection de la biodiversité, et le rôle que ces milieux peuvent jouer dans le développement de ces peuples. Cette voie de développement de la communauté est critiquée par certains qui préconisent que pour soustraire la communauté locale à la pauvreté, le développement doit commencer dans celle-ci286.

En 2007, le KWS a soutenu les projets communautaires dans le domaine de la santé en achetant 18 lits et des matelas pour le centre communautaire de santé à Wiyeta près du parc de Saiwa; il a construit aussi des salles de cours et des toilettes pour les écoles primaires de Saiwa et de Kipsibo dans le Mont Elgon. Il a aidé aussi à la construction d’un bâtiment administratif à l’école secondaire de « Saint Teresa » à Sinyereri près de Saiwa. De plus, il a soutenu la construction de 10 puits d’eau aux alentours de Saiwa avec l’aide de l’Eden Wildlife Trust (EWT). En ce moment, l’initiative du « Nil » aide à réaliser plusieurs activités y compris l’apiculture, l’aquaculture et la sylviculture sous la direction du directeur de Saiwa Swamp et du directeur départemental de l’environnement.

En plus, au cours de ces enquêtes, le gouvernement kenyan était en train d’effectuer les projets d’électrification rurale près de ce parc et de refaire la route entre Kipsaina (le centre commercial le plus proche du parc) et le parc. Ces derniers projets ne sont pas parmi les projets réalisés par le KWS pour la communauté locale, mais laissent des empreintes positives chez ces peuples qui les perçoivent comme les projets réalisés par le KWS.

Une étude effectuée en 2003 à Saiwa par Wishitemi et al avant la mise en place de ces deux derniers projets a fait ressortir le mécontentement des villageois envers le tourisme et le parc en les qualifiant d’inutiles287. Dans ces enquêtes actuelles, ces deux derniers projets étaient parmi ceux cités par la communauté comme des résultats positifs grâce au parc de Saiwa. Ce sont le développement de l’infrastructure et d’autres aménagements (52%) – la route, les écoles, les puits d’eau, le projet d’électrification ; et de l’emploi (46%) pendant la mise en place de ces projets.

A KKWS, il existe également un projet de ce type tel que l’école primaire de Buyangu, mais il n’a pas été mentionné pendant les enquêtes. Cette école de plus de 300 élèves a été construite sur un terrain (0,4 acres) excisé de la forêt principal. Peut-être que puisqu’il fut construit il y a 33 ans, on a déjà oublié son rapport avec la forêt. Cela démontre la nécessité de renouveler toujours le lien entre la conservation et la communauté locale au lieu de le faire une fois pour toute.

Parmi les impacts positifs attribués à cette forêt par ces peuples à KKWS, il y a les emplois (15% des interviewés), notamment les guides touristiques, et le fait que ce territoire est une « banque » pour leurs besoins quotidiens (11% des interviewés) tels que les médicaments et le bois de chauffage.

Il y a un écart considérable entre ce chiffre de 11% et celui de 57% dans le tableau 10, où ces peuples ont perçu cette forêt comme la source de leur bien-être – ramassage de bois, médicaments, matériaux pour construire leur maisons... On peut attribuer cette différence au fait que la communauté a le sentiment que la forêt doit satisfaire à ses besoins de base, mais malheureusement la population n’y a pas accès.

Au KKFS, les enjeux sont différents. Le KFS, étant le précurseur de la Forest Department (FD) au sein du Ministère de la Forêt et de la Faune, permet l’utilisation des ressources forestières. Contrairement à 71% de la communauté de KKWS qui n’ont pas vue l’utilité économique de cette forêt, 72% des interviewés à KKFS ont répondu affirmativement que cette forêt a des impacts positifs sur leur vie. Ici, 70% des interrogés identifient la forêt comme un terrain d’approvisionnement des ressources tels que le bois et les terrains d’élevages. De plus, l’existence de cette forêt en soi est un point positif pour l’agriculture (18%), en plus d’être une source d’emploi (13%) grâce aux guides touristiques communautaires.

Par contre, le développement dans la communauté signifie les initiatives prises par les communautés elles-mêmes, comme le démontre le modèle des ranches communs (group ranches). Contrairement au développement de la communauté, cette voie de développement participative établit un lien direct entre les milieux naturels et le développement. Dans ce modèle, malgré son succès mitigé, la communauté s’implique directement dans le tourisme en étant actrice et bénéficiaire. La revendication de la formule « Je participe … mais ils profitent » devient « je participe … et je profite ».

Cette voie s’avère exigeante mais elle permet à la communauté de participer et d’en profiter de manière directe. Cependant, le montage de projets de type « développement dans la communauté » présente quelques défis. D’abord, c’est l’ouverture de ces projets à l’extérieur, c'est-à-dire vers le marché touristique, comme le souligne Honey en citant le cas d’un projet communautaire de Mwaluganje-Golini Community Wildlife Reserve, à 45 Km de Mombasa, soutenu par KWS. Malgré sa concentration d’éléphants la plus élevée du pays en 2002, la plupart des hôteliers et des Tour Opérateurs de Mombasa n’étaient pas au courant de son existence288.

Très souvent, la présence de tels projets au sein des destinations signifie que la communauté locale participe à l’activité touristique. Mais pour légitimer et rendre opérationnelle la participation active de la communauté locale au tourisme, il y a la nécessité d’encourager un flux touristique significatif en mettant en place le marketing approprié.

La stratégie visant à développer le tourisme durable dans les zones naturelles ne doit donc pas s’arrêter avec le développement « pour » la communauté d’accueil mais aussi « par » celle-ci à travers l’ « empowerment » ou l’ « autonomisation ». Cela permet aux membres de la communauté de se sentir aussi partie prenante dans le développement du tourisme sur leur territoire. Cependant, l'efficacité de ces projets dépend de l’accent mis sur d'autres projets comme les infrastructures, la professionnalisation des acteurs touristiques dans la communauté d’accueil et, le plus important pour l’ouest du Kenya, le flux touristique. Demers ne dit-il pas que « créer et gérer une entreprise touristique est un dur métier qui exige, pour sa réussite, un minimum de connaissance et, mieux encore, une expérience de quelques années » ?289 Parfois les communautés locales perçoivent le tourisme comme un outil pour le développement, mais elles manquent de moyens pour réaliser cet objectif. Le système touristique reste trop sophistiqué et complexe pour être maîtrisé par des populations locales.

Étant donnée la typologie déjà énoncée de la communauté locale au sein des destinations touristiques, il nous semble que, quel que soit le vocabulaire employé (développement de la communauté ou dans la communauté, la participation ou non) les objectifs de conservation doivent produire des impacts positifs pour ces peuples. A Saiwa, on constate des projets pour la communauté locale, tandis qu’à Kakamega on y observe la première catégorie de projets (par la communauté locale). C’est cette deuxième catégorie de projets qu’on préconise souvent dans les concepts de la « mise en tourisme », de la « gouvernance participative » de l’ « écotourisme » ainsi que celui d’ « écodéveloppement ».

Le développement de la communauté ou pour la communauté veut dire que la communauté profite des projets sans se soucier d’être impliquée directement. Ce type de formule comme à Saiwa signifie que la non participation de la communauté locale ne se traduit pas nécessairement par non bénéficiaire. C’est le cas de « Tourism Revenue-sharing Schemes » (TRS) autour des parcs nationaux en Ouganda, à Madagascar et au Rwanda290. Ici, la priorité n’est pas donnée à la participation de la communauté mais aux bénéfices qu’elle va en tirer à travers la vente des produits locaux, les manifestations culturelles, la main d’œuvre, les guides touristiques…

La compréhension des différentes perceptions de ces aires protégées par les populations locales nous amène à revenir un peu à l’histoire. Tout d’abord, il faut signaler que les forces générales de l’exclusion ont engendré des comportements spécifiques auprès des communautés, car ces facteurs ont joué dans des circonstances tout à fait différentes. Depuis le début (en 1974), Saiwa a été considéré comme un parc national, ce qui implique le fait que ces habitants doivent maintenant être ‘habitués’ à son statut.

Dans la partie nord de la forêt de Kakamega, on voit des enjeux tout à fait différents : jouissant initialement d’un statut de réserve forestière sous la gestion de forest department (FD) (maintenant le Service des forêts – KFS), elle est ensuite devenue une réserve nationale sous la gestion de KWS. Ces deux institutions publiques administrent la gestion des ressources naturelles différemment.

Le KFS permet l’exploitation active de ses forêts à travers des activités humaines comme le ramassage du bois, l’alimentation des vaches dans la forêt, la vente commerciale des arbres (l’usine de Webuye Paper Mills exploite une partie de la forêt ayant atteint la maturité)… De son côté, le KWS l’interdit en favorisant au contraire, l’exploitation passive de ses forêts à travers l’activité touristique. Ainsi, le passage de la partie nord de cette forêt de FD à KWS (une organisation paramilitaire) n’a pas laissé un souvenir favorable chez les habitants. De plus, l’absence d’histoire d’éviction à Saiwa peut renforcer cette image positive chez ces populations.

En outre, puisque le parc de Saiwa s’avère être essentiellement un marécage, il est évident qu’il n’est pas bon pour l’agriculture. A priori, un marécage est perçu comme un terrain non productif et abandonné. Il semble donc que cette population ne voit pas d’autre utilisation pour un marais que la protection du Sitatunga et des activités touristiques. Personne n’a exprimé la volonté d’utiliser ce parc pour satisfaire à ses besoins personnels – pas de plaintes contre l’interdiction (tableau 11). Cependant, les territoires forestiers peuvent soutenir de multiples activités : le tourisme, l’agriculture, l’élevage,… La population à KKWS et KKFS l’envisage comme un territoire qui devrait être utilisé pour ses propres besoins, puisque 44% et 81% respectivement des interrogés ont critiqué les arrestations et l’interdiction d’utilisation de la forêt, mais rien de pareil à Saiwa malgré le fait que ce parc soit géré strictement en faveur de la protection de la biodiversité.

‘« Quels sont les problèmes ou les défis majeurs rencontrés du fait de résider près de cette zone » ?’
Tableau 11 : Le défi de vivre auprès des milieux animaliers

L’invention des zones protégées a créé plusieurs problèmes : elle a empêché les populations d’accéder aux ressources, elle a provoqué un traumatisme chez les peuples voisins, et elle a créé des tensions et des conflits entre la population et les autorités. Depuis les années 1960, il y a de plus en plus de réfugiés de conservation291. Il était donc nécessaire de connaître les problèmes majeurs que rencontrent les communautés qui vivent auprès de ces aires protégées.

Tableau 12 : Le nombre d’arrestations en 2007 et 2008 pour les infractions dans les aires protégées.

Source : Kenya Wildlife Service

Figure 11 : Le taux de dégâts infligés par la faune à la population humaine en 2008 au Kenya.

Source : KWS

Comme ailleurs dans le pays, le conflit humain/animaux sauvages reste une actualité dans l’ensemble des communautés riveraines. Dans le pays, le KWS a signalé 4.327 cas en 2007 et 7.034 cas en 2008. 54% de ces cas ont été enregistrés (dans un ordre décroissant) à Tsavo West, à Lamu, à Narok, à Tsavo East, à Laikipia et à Oldonyo-Sabuk. Il faut noter que la menace ne concerne pas uniquement la population humaine. Cette dernière menace aussi la faune à travers le braconnage ou la dégradation d’écosystèmes dont elle (la faune) dépend (tableau 12). En 2007 et 2008, le KWS a fait respectivement 2.179 et 3.476 arrestations, au pays, pour ces infractions.

Malgré les statistiques sinistres en figure 11, surtout celles se référant au taux de mortalité, la compensation reste insuffisante pour les victimes concernées. Le gouvernement kenyan dans les années 1980 a mis en place un programme de dédommagement pour les victimes y compris les dégâts par les éleveurs et les agriculteurs. L’indemnité pour les matériels, les bovins et les cultures détruits a été interrompue en 1989 à cause des réclamations fictives et un processus qui était très long292. Selon le Wildlife Conservation and Management act section 62, la mort attribuée aux animaux sauvages (en dehors des zones protégées) est indemnisée à 300 euros tandis que la blessure est compensée à 150 euros.

Pour les autres dégâts, les règles et les lois en vigueur ne prévoient pas d’indemnisation, sinon le KWS serait en faillite. En plus, ça reste une tâche complexe et compliquée comme le démontre Guillerme sur la conservation en Inde (encadré 5.2). Néanmoins, à travers le service de « Community Wildlife Service », le KWS examine sans obligation les dédommagements au cas par cas à sa propre façon.

La plupart des cas signalés dans le pays en 2008 ont été attribués aux éléphants (plus de 2.300 de cas), aux buffles (plus de 700 de cas), aux hippopotames (plus de 700 de cas), et aux babouins (plus de 500 de cas). Les autres faunes qui ont contribué chacun moins de 200 de cas sont les léopards, les hyènes, les lions, les crocodiles, les antilopes (Eland), les singes et les zèbres.

La mise en place des barrières autour des parcs animaliers est perçue comme l’une des stratégies pour apaiser les conflits entre les humains et les animaux sauvages. Kassily et al, démontre que pour chaque invasion autour d’un parc clos du lac Nakuru, il y en a 11 autour d’une réserve ouverte de Maasai Mara293. En 2009, le KWS a maintenu cette stratégie par l’installation d’une barrière électrique autour du parc national d’Aberdaire. Quelques parties de Tsavo West et d’Arabuko Sokoke sont aussi concernées par cette mesure. Néanmoins, selon le KWS, cette politique d’entourer les parcs par des barrières électriques à un coût insupportable pour cette organisation. Par exemple, la mise en place de la barrière autour du parc national d’Aberdaire est estimée à 25.500 euros par Km en plus des 500 euros par an par Km pour l’entretenir.

Photo 7 : Une barrière de 25 Km à Saiwa qui sépare les villages du parc.

Les barrières sont considérées comme un moyen de réduire les dégâts causés par les animaux sauvages. Les parcs comme le lac Nakuru et Aberdaire sont complètement entourés par une barrière électrique

Photo : Odiara, B., 2008.

Le parc de Saiwa a été entouré par une barrière non électrique en 2004 (photo 7). Par contre, ce type d’aménagement n’est pas efficace à 100% du fait de la nature de la faune qu’on y trouve : c’est notamment des singes et des oiseaux. La colonisation des parcs par Pennissetum sp pousse les Sitatunga à chercher la nourriture en dehors de ce parc. De plus, le type d’agriculture pratiqué par ces populations, le maïs et les légumes, attire facilement les animaux (photo 8). Néanmoins comme l’ont noté certains membres de la communauté, cette barrière a réduit la destruction attribuée aux antilopes (Sitatunga).

Photo 8 : Les champs de maïs auprès du parc national de Saiwa.

Ce type de culture appétissant et attrayant pour la faune aggrave leur destruction. Le parc est complètement entouré par des habitations humaines

Photo : Odiara, B., 2008

Autour de ce parc, les deux grands problèmes sont ceux des dégâts causés par les animaux dans les champs voisins (92%), et les moustiques et autres parasites provenant de ce parc qui attaquent les bovins (38%). Par contre, il faut faire attention à ce chiffre de 92% parce qu’il démontre seulement le taux de dégâts au sein de la population, mais pas la quantité de dégâts infligée par ces animaux. Jean-Paul Billard, que l’on a cité au début de ce chapitre, ne dit-il pas que la vie de ces peuples ne peut pas se traduire en statistique ? Malgré ce constat, on note qu’ailleurs la majorité de la population à Saiwa soutient la conservation et que ce soutien est indépendant de l’âge, du sexe, du niveau d’éducation, de la taille de la famille et de l’usage de terrains294.

La partie nord de la forêt de Kakamega (KKWS) est entourée de maïs et de canne à sucre. Ce type de culture très appétissant attire plus facilement les animaux sauvages tels que les babouins (photo 9), contribuant ainsi à l’augmentation des conflits homme/animal. Contrairement au parc national de Saiwa, cette forêt n’à aucune barrière. Par conséquent, 74% des interrogés se plaignent des destructions causées par les animaux sauvages, surtout les primates.

Photo 9 : Des babouins en dehors de la forêt Kisere à Kakamega.

Il est difficile d’enfermer ce type de faune dans les parcs

Photo : Odiara, B., 2008.

Ces chiffres doivent être interprétés avec prudence car ils ne démontrent pas qu’à Saiwa il y a plus de dégâts infligés qu’à Kakamega. Cet écart entre les deux n’est lié qu’au fait que Saiwa connaît une importante interaction avec la population riveraine, tandis que la forêt de Kakamega étend son influence au-delà des habitations immédiatement autour d’elle ; un point pris en compte pendant l’administration des enquêtes.

Il faut aussi prendre en considération le fait que le parc national de Saiwa n’est que de 3 Km² alors que la forêt de Kakamega s’étend sur 240 Km², dont 44 Km² sous la gestion du KWS. Cela veut dire que naturellement, la majorité de la population à Saiwa est affectée immédiatement par les effets d’un projet touristique, aussi bien positifs que négatifs. Par exemple quand on leur pose une question sur les problèmes rencontrés à Saiwa, 92% citent les dégâts causés par les animaux sauvages, et en même temps 82% ont une image positive en ce qui concerne l’existence de ce parc en matière des projets mis en place.

Photo 10 : Les « Nyayo Tea Zones » autour de la forêt de Kakamega à Isecheno.

Une barrière de thé, une végétation non appétissante pour la faune sépare la forêt des villages. Ce type de culture réduit largement le conflit entre les animaux sauvages et les villageois

Photo : Odiara, B., 2008.

D’autre part, la forêt de Kakamega est vaste, mais l’activité touristique est restreinte à deux villages près des entrées principales. Le développement touristique ne touche que les villages de Buyangu (KWS) et d’Isecheno (KFS). Par conséquent, malgré les foyers nombreux dans les villages à côté de cette forêt, il y a un écart considérable entre ceux qui subissent les effets négatifs (82%) et ceux qui disent avoir connu des avantages économiques grâce à cette forêt (28%). Plus un parc est étendu, plus il s’avère difficile d’assurer une relation étroite entre le milieu naturel, les touristes et les communautés voisines.

A KKFS, seuls 20% des interviewés se plaignaient de la destruction des champs par les animaux sauvages. Alors, pourquoi la destruction des champs n’est-elle pas aussi élevée qu’à KKWS, alors que cette partie australe partage le même écosystème que la partie septentrionale ? D’abord, on suppose l’existence d’une barrière « naturelle » de 400 ha sous le nom de « Nyayo Tea Zones » joue un rôle d’empêchement. Ces espaces verts non appétissants comprennent les plantations de thé autour de quelques forêts du Kenya, y compris KKFS (photo 10). L’union entre la conservation et le développement dans ces zones de biodiversité entraîne la satisfaction de ces peuples. En effet, le principe 4 de la déclaration de Rio demande que « pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ».

Ces zones vertes de thé assurent cette double vocation : la création des emplois pour un tiers des villageois et des revenus pour les villageois ; la présence des ouvriers qui moissonnent le thé empêche la descente des animaux dans les villages. Deuxièmement, on peut faire l’hypothèse que la faune à KKFS est beaucoup plus réduite, ce qui fait que peu de membres de la communauté signalent la destruction de leurs champs comme le fait la communauté à KKWS. Pourtant, il faut noter que ces zones (de thé) n’ont rien à voir avec le service des forêts bien que ces villageois les associent avec ce service. Cela est un aspect positif qui démontre qu’il existe plusieurs façons de soutenir la conservation. Chacun de nous peut contribuer de sa propre manière.

La reconnaissance de la nécessité de transmettre des impacts positifs au sein des populations locales reste louable. Pourtant, le défi réside dans son applicabilité là où les parcs sont très étendus tels que le Tsavo Est (11.000 Km²) et le Tsavo West (9.000 Km²). Les populations autour de ces espaces risquent fort de ressentir les impacts, négatifs que positifs, pour deux raisons : la concentration de l’activité touristique dans les parcs les prive des avantages positifs et, la dispersion des animaux sauvages autour de l’espace accentue la souffrance de ces populations.

Bien que certains pensent que le KWS et le KFS ne font rien pour aider les populations qui subissent les effets négatifs de la conservation, cela se base pour la plupart du temps sur une expérience personnelle. En tous cas, on peut dire qu’il y a chez ces populations une perception positive de ces deux institutions, ainsi que de la conservation de la biodiversité.

‘« Quelles solutions proposez-vous pour réduire ces problèmes » ?’
Tableau 13 : L’optimisme sur les problèmes rencontrés

En plus des mesures prises par les autorités pour réduire les dégâts infligés par ces animaux, la population y participe aussi. Par exemple, certains construisent leurs maisons près de la forêt, plantent de la canne à sucre et font des champs de maïs. A l’approche de la saison de la moisson, les villageois sont obligés de surveiller jour et nuit les champs de maïs pour empêcher l’envahissement de primates (photo 11). Ils utilisent parfois les épouvantails et le feu pour effrayer ces animaux.

Les conflits entre les animaux sauvages et les humains deviennent de plus en plus intenses chaque jour. Le KWS a déploré l’entrée clandestine des bovins dans les parcs kenyans surtout pour les parcs de Tsavo pendant la sécheresse mi-2009. Alors pour l’instant, on n’envisage pas la fin des conflits qui se reproduisent chaque jour. Les animaux sauvages vont continuer à sortir des parcs nationaux, les populations locales vont continuer à y entrer clandestinement, le KWS va continuer à arrêter ceux qui sont en infraction envers les parcs… Ainsi, comme l’a indiqué un villageois à KKWS pendant les enquêtes, « tant que la forêt existera, je n’envisage pas la fin de ces problèmes ». Un autre villageois à Saiwa a remarqué que « résoudre ces problèmes veut dire déclasser ce parc, mais cela est impossible ». Pour ces peuples, la solution la plus radicale mais non envisageable serait plutôt le déclassement de territoires protégés.

Photo 11 : une fermière surveillant le champ de maïs auprès de la forêt de Kisere à Kakamega contre la destruction par les babouins.

Parfois, les élèves s’absentent de l’école pendant quelques jours pour assister à cette surveillance pendant la journée

Photo : Odiara, B., 2008.

Le KWS fait en sorte que la faune ainsi que la société locale puisse coexister. Alors, que pensent ces gens des problèmes épineux comme les dégâts et l’arrestation ? 84% des interrogés à Saiwa ainsi que 60% à KKWS sont optimistes en ce qui concerne l’apaisement des dégâts actuels. Bien que la communauté à Saiwa (62% des interrogés) croie en la barrière électrique comme une solution durable, seuls 27% des sondés à KKWS l’acceptent comme telle. Personne à KKFS n’a la proposé comme une solution.

Les barrières autour de zones de biodiversité sont surtout nécessaires pour empêcher que les animaux ne causent des dégâts en dehors de ces territoires et que la population humaine soit protégée. Par contre, sans assez de sensibilisation chez ces peuples, ces types d’aménagements pourraient aussi être aperçus comme pénalisants. Souvent les villageois appellent à la protection contre ces animaux mais ils veulent en même temps avoir un accès libre au milieu naturel. A Saiwa, pour répondre à ce type de demande, on a laissé quelques passages pour les villageois afin qu’ils accèdent aux sources d’eau dans le parc. Il faudra noter aussi que, selon certains villageois, donner louange au KWS pour l’accès vers les sources d’eau dans le parc serait fallacieux. Cela, ils expliquent, c’est de soustraire des peuples leur droit d’accès et de faire semblant de l’avoir reconnu plus tard sans le restituer complètement.

Même avec ces types d’aménagement, les dégâts causés par les singes comme à Saiwa vont continuer. Les barrières ne sont pas la seule solution à la disposition de KWS. Ces peuples envisagent également des partenariats entre le KWS et la communauté dans la mise en place des projets communautaires, ainsi qu’une réponse rapide pour reconduire les animaux problématiques vers les parcs.

Tableau 14 : Un tableau au bureau de KFS montrant les frais divers pour des usages différents de la forêt.

Ce montant n’est pas si élevé comme les villageois veulent nous le faire croire. Ce tableau montre soit qu’ils sont très pauvres, soit qu’ils sont simplement entêtés dans leur opposition en pensant que ces ressources doivent être gratuit comme en était le cas avant 1990.

La communauté à KKFS fait face à une problématique tout à fait différente en ce qui concerne les plaintes sur la protection de la forêt et ses dirigeants. Ayant conscience que le KFS permet l’exploitation de la forêt sous certaines conditions (tableau 14), la stricte application des règles crée un ressentiment envers les gestionnaires de cette forêt. Ici, la communauté peut ramasser du bois et faire paître les troupeaux dans la forêt (photo 12 et 13), mais cela se fait dans des lieux désignés en étant muni d’une autorisation. Un système de payement s’avère l’un de moyens d’assurer utilisation durable des ressources naturels sans les dévaster.

Pour 80% des interviewés à KKFS, 54% entre eux réclament l’arrestation (il y a eu 2.716 arrestations entre 1992 et 2002 selon les donnés disponibles au bureau local de KFS), tandis que 27% pensent que la fin du « shamba system » a marqué le commencement de leurs problèmes. En 1986, avant la fin de ce système autorisant les villageois à pratiquer l’agriculture sur le territoire forestier, 30% de cette forêt était exploitée pour l’agriculture. Comme nous l’avons déjà vu, ce type de politique contradictoire, où les populations sont autorisées à engager des activités dans la réserve forestière, alors qu’elles sont parfois refoulées, crée un fort ressentiment.

A KKFS, il n’est pas rare de rencontrer des femmes avec du bois de chauffage. Parfois, ce mécontentement est attribué au fait que la communauté à KKFS voit les dirigeants de cette forêt comme des gens d’ailleurs (au moment de l’enquête le directeur était de l’ethnie Luo, alors que dans la partie géré par KWS, le directeur était de l’ethnie un Luhya), et que les dirigeants (à KKFS) ne comprennent pas la mode de vie des villageois. Ces peuples veulent un accès gratuit à la forêt pour le ramassage du bois, mais on note que le bois qu’ils ramassent n’est pas seulement à usage personnel mais aussi commercial. Quant à la communauté de KKWS, il semble qu’elle est habituée aux interdictions par le KWS car la politique envers les territoires gérés par le KWS ne présente aucune contradiction d’un moment à l’autre.

La survie de la forêt de Kakamega du coté de KFS semble menacée par les villageois. Pour eux, c’est leur survie qui compte et celle de la forêt prend la deuxième place. Par exemple, les hommes laissent leurs bétails errer ou parcourir la forêt vers des prairies (il y en a 25 dans cette forêt, soit un tiers de la surface totale) alors que les femmes y entrent parfois discrètement pour recueillir du bois de chauffage. En plus, il y a également des jeunes qui se livrent illégalement à la combustion du charbon pour gagner leur vie295. Ce dernier groupe présente la plus grande menace pour la survie de cette forêt surtout à KKFS. Chaque fois que les gardes forestiers perquisitionnent les villages pour arrêter ceux qui pillent les arbres, ils rencontrent une résistance forte chez les villageois. À Shamiloli par exemple (du coté de KFS), les bandes organisées de charbon de bois ont mis à nu une vaste zone de la forêt.

Photo 12 : l’impact de la végétation et de l’érosion provenant des vaches qui parcourent la forêt à KKFS.

Etant donné que la population dans les villages voisins est élevée, il n’y a plus de terrains pour nourrir leurs animaux sauf dans la forêt

Photo : Odiara, B., 2008.

La gestion de cette forêt reste une affaire politique surtout pendant des élections législatives. Le rapport entre la forêt et les villageois prend une place significative dans les campagnes et influence fortement le résultat du scrutin dans la circonscription de Shinyalu. Pendant cette période, les résidants mettent la pression sur le gouvernement pour les permettre de faire paître leurs troupeaux dans la forêt et de ramasser le bois de chauffage. En ce moment, les villageois doivent obligatoirement payer chaque mois un montant de 1 euro pour ramasser le bois de chauffage ou de 0.25 euros par vache (tableau 14). Les villageois de leur coté se plaignent que les gardes forestiers leur tendent une embuscade et saisissent les reçus délivrés par KFS, en les forçant à donner des pots-de-vin pour retrouver leur liberté.

Pour le meilleur et le pire de la forêt, tous les acteurs y participent. A la recherche de solutions pour sauvegarder ces zones de biodiversité les agents de sécurité rencontrent parfois des problèmes. Evidemment, le « monde du bois est un monde violent où les différends se règlent à la machette ou au fusil »296. Au sein des milieux de biodiversité, il existe de nombreux drames et tensions sociales, ainsi que des conflits entre la population et les autorités (photo 14). Ce conflit opposant des villageois impliqués dans la destruction de cette forêt et les gardes forestiers a connu des conséquences tragiques.

Photo 13 : les vaches détenues par des agents de sécurité à KFS.

Il faut noter que dans cette forêt, il y a des zones destinées à différents usages : la conservation, la forêt commerciale, le ramassage du bois, et le tourisme entre autres

Photo : Odiara, B., 2008.

Par exemple, en avril 2008, les gardes forestiers ont saisi un troupeau de vaches qu’ils sont trouvés dans la forêt de Kakamega après quoi, des villageois en colère armés de machettes ont les attaqués (les gardes forestiers). Par la suite, l’un des gardes a subi de graves blessures à la tête et à la main avant que ses collègues n’aient tiré un coup de fusil sur les villageois (pour le libérer), tuant ainsi deux frères parmi les villageois.

Photo 14 : l’arrestation des villageois à Isecheno, par KFS dans une zone non désignée pour bovins.

Après l’arrestation, ils sont présentés devant la justice à Kakamega

Photo : Odiara, B., 2008.

Au niveau national, le KWS a confisqué respectivement 678 et 857 kilos d’ivoire en 2007 et en 2008. Plus de 3.788 pièges ont été également détectés et détruits par le KWS alors que 388 suspects ont été arrêtés et ont été poursuivis en justice pour le braconnage de la viande de brousse en 2008. Au même temps, plus de 7.000 Kilos de viande ont été saisis. A Saiwa, on recensait 100 sitatunga en 1970, mais trente ans plus tard, ils n’y restaient que 50 antilopes. Pour ce constat, le rapport « Saiwa swamp ecosystem intergrated management plan 2003-2007 » soupçonne que le braconnage soit élevé chez des villageois.

Malgré les faits déjà mentionnés, il serait faux d’affirmer, comme le fait Brunel, qu’au Kenya la « mort d’un animal entraîne la mort d’un homme … (et que) les pauvres deviennent les ennemis à battre »297. D’abord, l’incident de la mort à Kakamega démontre que ce n’est pas dans l’objectif de KFS ou de KWS de blesser, de mutiler ou encore de tuer des braconniers ou des villageois, comme le souligne Brunel. Dans le cas de KKFS, ces gardes ont réagi pour sauver leur vie face au danger présenté.

De même, contrairement à la perception générale que l’on a des braconniers, à laquelle Brunel fait référence, ceux-ci ne sont toujours pas les gens « primitifs », les « sauvages », les « pauvres » ou les « villageois ». Ils sont quelque fois des bandes organisées et armées, parfois d’armes beaucoup mieux organisées que celles des agents sécuritaires.

En 2008, le KWS a confisqué 30 armes à feu ainsi que 493 munitions auprès des braconniers. Ces derniers savent bien où vendre des produits prélevés de ces animaux. Pendant cette année là, le KWS a saisi 259 kilos d’ivoire à l’aéroport de Jomo Kenyatta destinés à l’Asie de l’Est ; 113 reptiles vivant ont été saisis à l’aéroport de Moi à Mombasa destinés au Japon. En plus, la police internationale (INTERPOL) a arrêté 36 suspects au Kenya avec 113 pièces d’ivoire, soit 358 kilos.

Il faut noter que trois motifs expliquent les activités illégales dans les zones de biodiversité : un motif commercial, comme les produits et les animaux destinés au Japon et l’Asie de l’Est ; un motif de subsistance à cause de la pauvreté – le cas de Saiwa ; et une dimension culturelle comme l’observe Rieucau où la « forte consommation de gibier (au Gabon) constitue une habitude alimentaire difficile à modifier »298.

Cela dit, il ne faut pas s’imaginer (comme le fait Brunel) que toute exploitation des ressources naturelles par ces populations soit une cause directe de la pauvreté. Vaudrait-il mieux déterminer le niveau des différentes formes d’utilisation des produits provenant de telles zones comme l’indique Rieucau en ce qui concerne les tortues au Gabon ? Ici, selon ce géographe, l’étude du Ministère du tourisme « permet de différencier : la chasse individuelle (braconnage de subsistance) de la ‘chasse commerciale’ (braconnage commercial), de celle spécialisée dans le trafic d’animaux vivants … les prélèvements d’animaux recherchés pour le commerce de leurs produits…». Cela est un bon chemin à suivre pour la comptabilisation des usages différents des ressources naturelles au sein des zones de la biodiversité. On peut comprendre le braconnage pour les besoins alimentaires. Celui-ci, qui a réduit considérablement la population des éléphants au Kenya de 165.000 en 1975 à 16.000 individus en 1989 (aujourd’hui, il y en a 35.000 individus), n’est ni tolérable ni excusable.

Les tensions demeurent élevées chez les villageois, malgré les efforts de sensibilisation auprès de la communauté sur l’importance de la conservation de cette forêt. Le point commun de ces populations réside dans leur solidarité pour se défendre contre les gardiens de la forêt. Les villageois à Shamiloli et à Shikusa (coté KFS) s’associent le plus souvent pour résister à l’arrestation des délinquants par les gardes forestiers. Ils suivent et surveillent les activités des gardes forestiers par l’utilisation de téléphones mobiles.

Ce conflit entre des villageois et les gestionnaires des forêts s’est répété récemment en 2008 (même au parlement) lorsqu’une partie de la forêt a été défrichée pour faire passer une ligne électrique à partir de Shinyalu à Vihiga. Ce défrichage a été attribué à un entrepreneur extérieur à la communauté, et les villageois n’étaient pas contents de ne pouvoir bénéficier de ce projet. Par conséquent, le projet a attiré de vives critiques des villageois qui soutenaient que le contrat aurait dû être réparti entre plusieurs parties, au lieu d'être attribué à une seule personne.

Notes
282.

Stock et al, op.cit., p 41.

283.

Stock, et al, op.cit, p 45.

284.

Healy, The ‘Common Pool’ Problem in Tourism Landscapes, Annals of tourism research, vol. 21, n° 3, p 596-611.

285.

Cf. OMT, op.cit., 2002a, sur le sujet du tourisme et la réduction de la pauvreté.

286.

Honey, op.cit, 14.

287.

Wishitemi, et al, Development of Sustainable Community Based Tourism at Saiwa Swamp National Park, Kenya, Volume 3, 2007, p 83-91.

288.

Honey, op.cit

289.

Cité par Cazelais, op.cit, p 63.

290.

Simpson, Community Benefit Tourism Initiatives – A Conceptual Oxymoron? Tourism Management 29, 2008.

291.

Depraz, op.cit.

292.

Sindiga, op.cit, 1999.

293.

Kassily, Mitigating Human Wildlife Conflict through Wildlife Fencing: A Kenyan Case Study. Wildlife Biology Practices, doi: 10.2461/wpb. June 4 (1): 30-38.

294.

Wishitemi, et.al, 2007.

295.

La directive présidentielle de 1986 a rendu la production et le transport de charbon de bois illégaux.

296.

Smouts, p 312.

297.

Brunel, op.cit.

298.

Rieucau, op.cit, 2001.