6.1. La tendance vers le tourisme diffus autochtone ?

Au cœur du PPT réside l’idée qu’il ne suffit pas de partir du principe que les pauvres vont profiter des effets multiplicateurs liés au tourisme317. Pour ce faire, les « stratégies à adopter pour ce type de tourisme consistent essentiellement à lever les obstacles à la participation des pauvres au tourisme et non à se contenter de faire augmenter la taille générale du secteur »318.

Le choix du tourisme comme un modèle de développement pour les autochtones doit être accepté de manière positive. Blangy et Laurent observent que, « ce qui caractérise le tourisme autochtone c’est avant tout l’accueil conçu, réalisé et géré par des populations qui ont la volonté de maîtriser leur développement et de bénéficier, les premiers, des recettes de cette nouvelle activité économique »319. De plus, ces populations possèdent le droit d’ « accepter ou de refuser le tourisme (car) l’écotourisme ne peut se développer qu’en étant accepté par la communauté »320. Cette acceptation signifie le « résultat d’un choix concerté par l’ensemble de la communauté »321. Ainsi, la mise en tourisme des territoires doit être un processus de « concertation, de discussion, voire de négociation : ses conséquences et son impact ont été pensés et sont évalués et discutés au fil du temps »322.

Sur le terrain, la complexité s’amplifie. Souvent, la communauté se divise en microsociétés selon les différents clans au sein de la société, les dialectes différents, le clivage entre les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes, … En plus, tandis que certains « acteurs méprisent les touristes et imaginent des pièges… »323, D’autres, animés par un esprit d’entreprise, les perçoivent comme une opportunité de se développer. Au même temps, certains, malgré leur volonté de participer au tourisme, ont du mal à démarrer leur propre entreprise.

L’écotourisme comme un tourisme bien intégré, enraciné, perméable et diffus dans l’économie locale passe pour un tourisme participatif et autochtone. Néanmoins, il est nécessaire de noter la difficulté d’atteindre ce niveau participatif même à l’échelle réduite. A Saiwa par exemple, le tourisme se pratique à une petite échelle et à proximité de la population locale. Mais, en même temps, cette dernière est aussi « éloignée » : l’activité touristique n’a pas encore attiré l’attention de la communauté.

Le cas de Kakamega (la partie gérée par le KFS) démontre que l’autonomisation du tourisme au niveau local est faisable. Ici, les guides touristiques locaux participent activement au tourisme et l’association communautaire (KEEP) possède des bandas pour loger les visiteurs.

Néanmoins, cela ne va pas sans des défis. Les bandas construit par KEEP n’ont rien de comparable avec les cinq cottages de Rondo Retreat Centre (RRC) à 3 km en pleine forêt de Kakamega (photo 15). RRC était une résidence de Bob Turton, la scierie sud africaine, dans les années 1940. Il a quitté le Kenya en 1961, laissant la propriété au Christian Council of Kenya, avant qu’elle ne soit reprise par le Trinity Fellowship – une association missionnaire – en 1966. De sa résidence personnelle, elle est ensuite devenue un centre de formation pour les jeunes avant d’être transformée en orphelinat entre 1975 et 1986. Le centre est reconnu comme un centre pour accueillir les touristes, surtout les amoureux de la nature en 1986. Ce centre propose des séjours plus luxueux avec ses 30 lits touristiques répartis dans des logements à caractère plus privés. Ici, les pelouses et les jardins bien entretenus ne peuvent pas passer inaperçu.

Photo 15 : L’un des cottages en pleine forêt de Kakamega avec les jardins bien entretenus

Photo : Odiara B., 2009.

Malgré cela, les touristes chez les populations locales (bandas) doivent apprendre à vivre dans la simplicité en utilisant les prestations offertes par ces dernières. Néanmoins, certains ne peuvent pas supporter la simplicité. A Kakamega – KFS, certains touristes qui ont participé à des enquêtes ont montré leur mécontentement concernant l’absence d’Internet, la non disponibilité des services de restauration et les toilettes comme chez eux. A coté dans les bandas, il n’y a que les latrines ; et aussi sans les douches, on prend un bain. A Saiwa, certains visiteurs ont réclamé des hôtels, des bars, des services de restauration et l’électricité. Le même constat est observé à Kakamega – KWS où on a réclamé l’électricité, des hôtels et des services de restauration, l’amélioration des aménagements dans le terrain de camping telle que dans les toilettes.

Notes
317.

OMT, op.cit, 2002a, p 71.

318.

Ibid, p 72.

319.

Blangy et Laurent, Le Tourisme Autochtone, Un Lieu d’Expression Privilégié pour des Formes Innovantes de Solidarité, la revue Téoros, automne 2007, p 39.

320.

Kutay, Le Concept d’Ecotourisme: Comment Utiliser le Tourisme naturaliste et Culturel pour Promouvoir la Conservation et le Développement Durable, les Cahiers d’espaces, Tourisme et Environnement, Paris, Février 1993, p 222.

321.

Blangy, Tourisme Autochtone et Communautaire, le courrier de l’UNESCO, Juillet 1999, p 1.

322.

Blangy et Laurent, op.cit, p 39.

323.

Violier, Tourisme et Développement Local, Belin, Paris, p 2008.