6.2.2. Le guidage à Kakamega

Dans les zones de forte biodiversité animale et végétale, les populations locales s’impliquent directement dans le tourisme en qualité de guides touristiques. Comment sont-ils organisés, quels sont les types de prestations offertes et quels sont les problèmes rencontrés ?

Les guides touristiques locaux sont la composante principale du produit dans le tourisme de nature et jouent un rôle primordial dans son interprétation. L’accueil et l’encadrement réalisés par des guides locaux constituent l’élément indispensable du tourisme autochtone. Ces acteurs touristiques montrent le chemin aux touristes dans un environnement étranger, en insistant sur la dissémination de l’information sur l’environnement social, culturel, naturel ainsi que sur l’éthique à respecter…

Ils comblent le fossé entre les visiteurs et les visités en inculquant aux touristes le respect pour la culture et les valeurs locales. Parfois, ils organisent des séjours touristiques chez certains villageois proposant l’accueil chez l’habitant. Ces guides possèdent des connaissances irremplaçables sur l’écologie, l’économie, la culture et le caractère socioculturel de ces zones grâce à leur interaction avec la forêt depuis leur naissance.

KAFOGA (Kakamega Forest Guides Association), l’association de guides touristiques créée en 1998 dans la zone gérée par le KWS, regroupe seize guides touristiques – neuf hommes et sept femmes. Au sud de cette forêt et dans la partie gérée par KFS, KABICOTOA (Kakamega Biodiversity Conservation Tour Operators Association), créé en 1996, fédère douze guides touristiques : quatre femmes et huit hommes.

Avec le soutien de KFS et le KWS, ces associations sont très présentes et très actives sur le terrain, leurs objectifs principaux étant de gagner leur vie et de soutenir les programmes de conservation. Ils participent à l’entretien de sentiers de promenade, assurant ainsi le confort et la sécurité des visiteurs. Certains guides appartiennent aussi à l’association KEEP.

Malgré cela, ces groupes d’entrepreneurs au sein de la communauté ne sont pas toujours appréciés par la société. Leur collaboration avec le KWS et le KFS amène parfois des conflits avec cette dernière qui les considère comme des traîtres. Par exemple, les guides touristiques avertissent les autorités s’il y a abattage illégal des arbres dans la forêt et s’ils trouvent des animaux domestiques auprès des sentiers de passage.

Ces acteurs du tourisme connaissent aussi quelques handicaps. Certains d’entre eux manquent la formation nécessaire en matière du tourisme (le tourisme en général, le guide touristique, le marketing, les langues étrangères …). Aucun guide qui a participé à ces enquêtes ne parle de langue étrangère. La plupart d’entre eux ne sont que diplômés au niveau du baccalauréat. D’autres n’ont même pas ce diplôme.

Avec ce handicap professionnel, certains entre eux ne savent pas différencier les catégories des touristes. Ils répètent la même histoire pour tous les visiteurs sans savoir s’ils ont affaire à des ornithologues, des amoureux de la nature, ou à ceux qui s’intéressent aux papillons... Néanmoins certains, formés sur le tas et avec quelques années d’expérience, sont devenus des experts dans le guidage et peuvent même identifier un oiseau à son cri. Certes, la stratégie de marketing en écotourisme nécessite « la compréhension des grandes tendances du tourisme, des spécificités de l’ ‘écovoyageur’ et des principes qui sous-tendent le tourisme naturaliste »328.

D’autres défis résultent de la difficulté à prévoir le nombre quotidien de touristes. En conséquence, au moins quatre guides se présentent chaque matin devant leur bureau en espérant que des touristes arriveront. Quelquefois, aucun touriste n’arrive durant toute la journée, voire durant toute la semaine. Cela constitue du temps oisif et chômé pour eux surtout pendant la période hors saison. Parfois, plusieurs groupes de touristes arrivent pendant la journée sans trouver un nombre suffisant de guides.

Photo 19 : Quelques guides-chercheurs et chercheurs à KFS.

Les rôles des guides touristiques se diversifient. En plus de leur rôle traditionnel de guider les touristes, ils participent aussi à la recherche

Photo : Odiara, B., 2008.

Donc, dans l’état actuel, ces guides touristiques ne peuvent, en particulier du fait de leur situation géographique et d’un manque d’outils commerciaux comme les brochures et les sites Internet, maximiser les avantages économiques dûs à l’activité touristique. Seul le site web de KWS ( www.kws.org ) leur donne un peu de publicité auprès du marché touristique.

Pour cela, certains guides se diversifient dans d’autres activités car leur travail est très saisonnier. La bonne majorité joue aussi un rôle d’assistant de recherche – la forêt de Kakamega est bien connue pour le tourisme scientifique, surtout pour les recherches sur la biodiversité (photo 19). A titre d’exemple, c’est BIOTA (Biodiversity Monitoring Transect Analysis) qui depuis quelques années – avec le Germany Federal Ministry of Education and Research – mènent des recherches sur la biodiversité à Kakamega. Quelques guides ont été mensualisés comme des assistants de recherche; ils échappent ainsi au chômage dû à la saisonnalité.

Photo 20 : Un terrain de camping appartenant à un guide à Buyangu, Kakamega (KWS).

Cela démontre bien l’autonomisation du tourisme auprès de la population locale

Photo : Odiara, B., 2008.

D’autres guides expérimentés se diversifient vers d’autres activités, soit pour avoir des ressources supplémentaires, soit simplement pour garder leur indépendance vis-à-vis de la mauvaise politique du groupe. Par exemple, l’un des guides touristiques à Buyangu possède un terrain de camping « De Brazza Campsite » depuis 2006. Il offre des visites guidées dans la forêt après quoi il propose aux touristes un séjour dans son site de camping pour 3,5 euros la nuit (photo 20).

A Isecheno, au sud de la forêt, un guide touristique propose également des séjours touristiques dans sa pension (Isecheno Blue shouldered Guest House) qui offre une capacité de loger six visiteurs (photo 21). Durant la période des enquêtes, il était en train de construire un banda traditionnel capable d’accueillir 12 routards. Ce guide est lié au marché à travers son portable et son courriel électronique «  blueshouldered@yahoo.com  ».

Chacun de ces deux guides est directement impliqué dans le tourisme en cherchant activement les clients. De toute façon, travailler parfois en dehors des groupes établis ne peut pas être facile, sauf pour ceux qui l’osent, et qui sont expérimentés, compétents et bien connus sur le marché touristique comme le démontre ces deux guides.

Photo 21 : Un gîte appartenant au guide touristique à Isecheno.

De tels aménagements plus « confortables » que des bandas traditionnelles sont favorisés par des chercheurs à Kakamega

Photo : Odiara, B., 2008.

Divers sentiers de promenade de 1 à 7 kilomètres sont à la disposition des clients. Dans cette forêt, on présente trois types de promenades : une promenade courte durant à peu près une heure et demie. Celui-ci comprend une promenade dans la nature, vers les chutes d’Isiukhu, vers le point de vue panoramique de la forêt, pour voir le coucher de soleil. Il y a également les promenades spécialisées – pour les chercheurs et les ornithologues. Enfin, on propose les promenades longues sur les sentiers les plus longs comme celui autour de la rivière Yala, qui dure 3 heures.

20% du montant obtenu de chaque visite guidée est versé à KAFOGA ou à KABICOTOA, tandis que le reste est partagé entre les membres travaillant pendant la journée. Il est intéressant de noter que la non utilisation du terme « écotourisme » par KAFOGA, KABICOTOA, et KEEP ne nous empêche pas de l’utiliser dans le contexte de Kakamega. Ici, le tourisme est pratiqué à une petite échelle générant ainsi des impacts environnementaux négligeables et se fait avec des déplacements non motorisé.

Notes
328.

Kutay, op.cit., p 212.