9.1. Des destinations touristiques à construire

9.1.1. Nouvelles orientations à prendre

Le redéploiement du tourisme au delà des destinations phares et médiatisées laisse entendre à tort l’expression « tourisme de masse » et un risque de dépassement de la « capacité de charge » au sein de ces territoires. Par contre, en évitant de diaboliser cette dernière comme nous conseille Dewailly (2008), on constate que ce concept est couramment utilisé, mais aucune étude scientifique (qui serait sans doute complexe et fastidieuse) n’est ni achevée ni en cours pour déterminer le seuil touristique des parcs nationaux kenyans. Nous restons pour l’instant dans le noir. Cependant, sans explications, ni chiffres, ni études objectives, on entend souvent que tel ou tel parc a trop de touristes. Or, sans les données écologiques et scientifiques, comment pourrons-nous pratiquer avec certitude du tourisme durable ? Deprest s’exprime sur ce sujet en indiquant que « masse est une notion relativement floue d’un point du vue scientifique »480. Alors, avec cette fluidité chez les chercheurs et les scientifiques, que doivent faire les directeurs des parcs et des réserves qui ne sont pas très scientifiques ? A partir de quels moments ou paramètres pourraient-ils distinguer ‘le trop’ du ‘pas assez’ ?

Que veut dire donc, une « destination de masse » chez les touristes potentiels ? Quel serait l’impact en termes d’attractivité sur le pays en le qualifiant dans ces termes à une époque où l’on médiatise les voyages « responsables », « alternatifs », de «petits groupes » ou encore « solidaires » ? Donne-t-elle l’impression aux touristes potentiels que toutes les réserves animalières du pays sont sur fréquentées, alors que dans la réalité la plupart d’elles démontrent le contraire ?

La plupart de temps, les gestionnaires des parcs sont préoccupés avec le maintien du bien-être de la faune et de la flore à travers l’interdiction des activités illégales dans les réserves animalières. A l’heure actuelle, ces territoires ont plus à craindre des impacts provenant à l’extérieur (la sécheresse qui a provoqué la mort de 80 hippopotames et 109 éléphants entre juin et septembre 2009, le braconnage, la déforestation, le conflit entre l’homme et les animaux sauvages, la perte des corridors migratoires, empiétement sur les aires protégées, pollution,…). L’activité touristique souvent dénoncée comme destructive ne présente pas une vraie menace pour les parcs kenyans car la plupart parmi eux sont fréquénté marginalement. Dans la plupart des aires protégées kenyanes, les impacts négatifs dus à l’activité touristique sont absents. Au contraire, ce sont les menaces non touristiques tels que la déforestation qui mettent en danger l’essor de l’activité touristique au Kenya. Parmi les parcs et réserves qui ont subi l’impact négatif du tourisme, il y a les parcs marins (principalement à cause des hôtels au bord de la plage) et quelques parcs terrestres (Maasai Mara, Nakuru, Amboseli, Nairobi et Bogoria)481.

A l’échelle globale, on constate que les parcs kenyans ne sont pas parmi les plus fréquentés au monde. Prenant comme exemple le Tsavo (est et ouest) au Kenya, avec une surface totale de 21.000 Km², ne reçoit pas plus de 300.000 touristes par an, tandis que celui de Yellowstone aux Etats-Unis avec la surface de 8.800 Km² reçoit plus de 3 M touristes par an (dépassant le flux touristique enregistré dans des parcs nationaux kenyan). Cela signifie qu’il y a encore un potentiel pour les parcs kenyans d’absorber davantage le flux touristique tout en le redéployant.

Les parcs kenyans sont loin d’atteindre la saturation touristique dans le temps et dans l’espace. Souvent on craint à tort que ces parcs aient une petite capacité de charge, mais cela est dû au manque de moyens pour réaliser des aménagements adaptés à une fréquentation touristique plus élevée. Mais, la mise en place de ces aménagements doit être précédée des législations nécessaires à respecter pour le bien-être de l’environnement. Donc, il nous semble superflu de qualifier ces parcs comme des destinations du tourisme de masse en termes quantitatif. Sinon, comment va-t-on qualifier celui de Yellowstone ?

Aussi, à titre comparatif des pays, la France connaît plus de 72M de touristes internationaux tandis que le Kenya – ayant presque la même taille que la France – reçoit moins de 2M de touristes internationaux. En faisant référence au tourisme de masse, le Kenya nous semble donner un faux message aux touristes potentiels. Dans ce pays, il est encore très tôt de parler de tourisme de masse en termes quantitatif.

Par ailleurs, bien que les touristes soient attirés par la différence, l’insécurité ne fait pas partie de cette différence. Le tourisme ne s’épanouit pas dans un territoire où la sécurité des touristes est compromise, comme le cas de la région à l’ouest du Kenya près du Mont Elgon qui était marquée par l’instabilité. La sécurité devient alors un facteur sine qua non pour faire du tourisme. L’équipe MIT a raison de remarquer que « dans l’ensemble, le système touristique n’aime pas les conflits, quels qu’ils soient, géopolitiques ou sociaux »482. Malgré le fait que les touristes n’ont pas été violentés au Mont Elgon ainsi qu’au Kenya pendant la violence post électorale début 2008, l’activité touristique est restée menacée. L’équipe MIT ajoute que le « tourisme a besoin de la paix pour se déployer »483. Mais, la paix ne peut pas se substituer à d’autres facteurs comme l’infrastructure : prendre une douche chaque jour n’est pas une garantie de bonne santé, mais son absence prolongée va sûrement aboutir à une mauvaise santé. Cela veut dire qu’une destination paisible telle que la forêt de Kakamega ne garantit pas une fréquentation significative mais au contraire, l’absence de sécurité peut décourager le tourisme (le cas du Mont Elgon).

En outre, il est également important de reconsidérer cette question de l’insécurité vis-à-vis du processus de la mise en tourisme dans cette région (carte 6). A titre d’exemple, citons le site Internet du ministère des affaires étrangères du gouvernement français ( www.diplomatie.gouv.fr ), dans lequel les ressortissants français sont fortement déconseillés de se rendre au nord de la ligne Kitale/Samburu (Isiolo)/Garissa en raison de l’insécurité notoire qui y règne. Ce ministère ajoute que, « les déplacements dans cette région sont donc à proscrire ». Les zones de biodiversité de l’ouest du Kenya notamment Saiwa et Mont Elgon se situent dans cette région déconseillée ou proche d’elle. Pour le moment, on ne peut qu’imaginer les conséquences qui découlent de ce type d’avertissement, en prenant en considération qu’en 2006 par exemple, selon le KTB (Kenya Tourist Board), le Kenya a reçu 50.000 visiteurs français. Cela ne serait pas un marché marginal si ces derniers choisissaient de ne pas visiter cette région.

En revanche, bien qu’on comprenne une telle inquiétude, il est étonnant que l’information sur ce site soit « toujours valable », alors que l’ « image » et la « carte du Kenya » ont été mises à jour la dernière fois en juin 2001. Veut-t-on dire que rien n’a changé dans cette région indiquée en ‘orange’ en matière de sécurité depuis lors, à l’exception de la région de Mont Elgon où il y avait des affrontements ethniques en 2007/2008 ? En 2007 par exemple, le KWS a inauguré les vols touristiques directs de Nairobi – Wilson – vers le Nord du pays. Ces vols, à titre expérimental, visent à ‘ouvrir’ les parcs nationaux de Marsabit, Sibiloi auprès du lac Turkana et celui de Malka Mari à la frontière du Kenya et d’Ethiopie que la France trouve peu rassurante pour les touristes.

Certes, l’insécurité encourage la formation des enclaves touristiques et entrave les retombées économiques significatives pour les communautés locales – le cas des territoires de Samburu, de Bufallo springs et de Shaba près de Isiolo. Le manque de sécurité, réel ou imaginé, basé sur les faits ou sur les rumeurs, a littéralement tué la valeur économique du tourisme dans le pays. Par exemple sur le même site, on conseille aux voyageurs qui veulent se rendre sur l’île de Lamu de privilégier l’avion comme moyen de transport, car les autobus et les voitures sont régulièrement attaqués entre Malindi et Lamu. Seule la paix, la sécurité et l’ouverture peuvent séduire davantage de touristes qui peuvent visiter les régions éloignées. La sécurité est clairement énoncée comme la première condition à remplir pour attirer et assurer un touriste.

Carte 6 : L’état de sécurité au Kenya.
Carte 6 : L’état de sécurité au Kenya.

Les régions en orange sont celles qui sont déconseillées pour le tourisme par le ministère des affaires étrangères du gouvernement français.

Source: www.diplomatie.gouv.fr (téléchargée en octobre 2009)

Aussi, le déplacement de la faune d’un parc à l’autre s’avère l’un de moyen de renouveler et de faire ouvrir le tourisme dans certains parcs. C’est le cas d’un parc national de Méru au centre du pays où l’AFD (Agence Française pour le Développement) a été fortement impliqué. Par contre, de tels exercices n’ont pas été vus positivement par certains géographes. Dans son discours sur la« Disneylandisation du tourisme » Sylvie Brunel vilipende le Kenya pour la mobilisation des « moyens de transport, vétérinaires et crédits internationaux pour déplacer en douceur les éléphants… » tandis que, selon elle, « les pauvres deviennent les ennemis à abattre » 484. De telles accusations hâtives et exagérées, en plus de démontrer que le Kenya ne respecte pas l’éthique, pourrait décourager les touristes adeptes d’un tourisme responsable.

Cette géographe n’a pas pris en compte que le gouvernement kenyan à travers le KWS mobilise les moyens pour déplacer les éléphants afin d’alléger les conflits entre ces animaux sauvages et les populations humaines, de maintenir la capacité de charge faunistique de ces paysages et d’assurer la variété génétique des différentes zones. Cela est l’un des rôles majeurs du KWS en plus de protéger la population humaine contre ces animaux. Plusieurs déplacements ont eu lieu en 2008 notamment ceux des Rhinocéros noirs – Diceros bicornis, des Zèbres de Grévy – Equus grevy, des Girafes – Giraffa camelopadalis rotchschildi, des Buffles – Syncerus caffer. Mais, comme elle constate, la translocation des éléphants demeure beaucoup plus spectaculaire et médiatisée grâce à leur taille. Par contre pour le KWS, il ne s’agit pas simplement de faire une activité spectaculaire ou médiatique dans le but de gaspiller les fonds publics. Cette politique de conservation active vise à réintroduire la biodiversité là où elle était disparue ainsi la « mise en tourisme des ‘nouveaux’ territoires au pays ».

Ces types de discours (comme le fait Brunel) sont volontairement plaqués sur des exemples isolés qui manquent largement d’objectivité car, comme l’indique Pourtier, la « plupart des occidentaux ne connaissent de l’Afrique que les images véhiculées par leurs propres médias »485. En plus, comme le souligne Entrikin, ce type de raisonnement « se fonde souvent sur des stéréotypes … (parce que certains auteurs ont toujours) l’impression d’avoir un élément d’explication » de n’importe quel fait même s’ils n’ont pas la moindre idée 486. Il ajoute que les géographes doivent « représenter le monde de la manière la plus exacte possible (et doivent) adapter une attitude objective » en évitant de faire simplement la « photographie de la situation ». On peut ainsi s’étonner que cette géographe expérimentée ne puisse pas restituer les faits dans le contexte socio-économique et historique. Elle déplore, à juste titre, la prolifération des pachydermes qui, en sortant des réserves, dévastent des cultures et posent un problème sécuritaire pour les villageois. Néanmoins, en plus de ne donner aucune importance au déplacement de ces animaux sauvages, elle associe simplement ce déplacement à la pauvreté sans pouvoir faire le lien entre la surpopulation de la faune et la flore existante dans ces territoires.

Par ailleurs, l’écotourisme est défini comme une « forme de tourisme reposant sur la visite de lieux peu ou pas touchés par la révolution industrielle »487. Pour le Kakamega et le Mont Elgon, il existe un écart considérable entre les ‘ressources touristiques’ et la fréquentation de ces territoires. A titre d’exemple, le Mont Elgon était nommé le « parc le plus solitaire du Kenya », le « mont d’illusion », et en ce moment « untamed wilderness, secluded splendor ». Telles sont des petites phrases ou lignes qui peuvent attirer facilement, en théorie, les écotouristes.

Néanmoins, il faut tenir compte de la diversité qui existe sur ce sujet de la mise en tourisme. Certains géographes pensent que, « tout ne sera jamais touristique »488, d’autres avouent qu’ « aucun lieu n’est à l’abri de la mise en tourisme, sinon les zones en guerre »489. Alors, s’appuyant sur ce deuxième raisonnement, on se demande pourquoi l’écotourisme presque toujours favorable aux espaces « lointains », « vides », « solitaires », « sauvages » n’est pas assez présent dans ces sites touristiques à l’ouest du pays ?

D’abord, le Kenya en soi est déjà une destination assez éloignée pour des européens par rapport à l’Afrique du Nord. En pensant à l’ouest du Kenya comme une destination écartée au sein du pays, il semble que les touristes, en arrivant dans ce pays, ne sont pas au courant ou motivé pour découvrir la périphérie du pays. D’autres zones tels que le parc national de Meru (parfois décrit comme la deuxième Maasai Mara), et la réserve nationale de Samburu, sont également intéressantes mais ne reçoivent que moins de 10.000 touristes par an (fig. 7).

Plus les destinations sont éloignées des grands centres urbains, plus leur touristicité490 est obscure auprès des clients. A ce propos J.M Miossec souligne que, « tous les touristes ne peuvent pas avoir une information correcte sur tous les lieux touristiques… Leur champ d’information est sommaire, déformé, orienté vers une portion de l’espace mieux perçu ou vers tel ou tel type de politique touristique »491. Ainsi, la mise en tourisme de ‘nouveaux’ territoires repose à la fois sur leur notoriété et aussi sur leur image favorable chez les clients et les prestataires de services. Pour le Kenya, les destinations les mieux perçues et favorisées par la politique de développement touristique du pays sont parmi celles qui sont les plus visitées : le Maasai Mara, le lac Nakuru, le Nairobi park, les Tsavo, l’Amboseli et la côte Swahili.

L’une des conditions nécessaires à la mise en tourisme des territoires est l’intérêt offert aux clients. Dans la plupart des destinations kenyanes, on a peu de connaissance sur la provenance des touristes qui les fréquentent. Cela est dû au fait qu’il n’existe pas de statistiques sur ce sujet à l’arrivée des touristes. Les chiffres sur la provenance des touristes sont normalement comptabilisés à l’échelle nationale sans faire la distinction entre les différentes zones. En outre, les clients du KWS sont répartis selon les différentes catégories tarifaires. Ces catégories comprennent : les résidents, les non-résidents, les nationaux, les enfants, les adultes, les étudiants et les groupes non – payants. D’autre part, les visiteurs qui viennent au Kenya sont classés en trois catégories : ceux qui sont en vacances, les touristes d’affaires et ceux qui sont de passage. Cette négligence est délibérée, comme l’indiqué l’un des « Rangers » qui a la responsabilité d’accueillir des touristes à Kakamega pendant les enquêtes : « on n’est pas intéressé par la provenance des touristes pourvu qu’ils paient les droits d’entrée ». C’est-à-dire qu’on est intéressé par ce que les clients amènent sans être intéressés aux clients. Normalement le marketing se compose de trois volets : un type de produit à vendre, pour qui et à quel endroit. Si l’un de ces éléments est manquant, il devient difficile de faire du marketing approprié

Dans sa globalité, l’activité touristique nécessite aussi le transport (accessibilité) et le séjour. Ayant la volonté de revaloriser le tourisme dans les parcs, le KWS en 2007 a goudronné le terrain d’atterrissage du parc national du lac Nakuru et a refait plus de 3.000 km de routes dans ses parcs afin de faciliter leur accessibilité. En même temps, certains parcs kenyans, tel que le parc national de Chyulu Hills, restent dans un état d’abandon pour deux raisons : l’accessibilité difficile et le manque d’hébergement touristique. En 2008, Chyulu Hills près de Tsavo West n’a reçu que 137 touristes. Ce parc n’est pas le seul à enregistrer un nombre médiocre de touristes. D’autres comprennent : Kiunga Marine National Park (761 touristes), Mwea National Reserve (589 touristes), Sibiloi National Reserve (439 touristes), Central Island National Park (42 touristes), et Ndere Island National Park (39 touristes). Mais les parcs qui ont enregistré les nombres de visites les plus surprenants sont le South Island National Park avec 1 touriste (international) et le Tana River Primate où aucun touriste n’a été comptabilisé cette année là. Cela démontre en général la situation touristique kenyane déjà décrit dans la première partie.

Alors, parler de l’ouverture de nouvelles destinations touristiques au Kenya ne veut pas dire que ces territoires soient fermés. En effet, tous les parcs nationaux du pays, comme le démontre la définition proposée par Depraz, sont des portions de territoire généralement ouvertes au public492. Mais il faut se méfier des termes « ouverture » et « accessibilité » car ils ne signifient pas la même chose493. Evidement, tous ces espaces moins mis en tourisme sont ouverts mais certains sont difficilement accessibles, éloignés ainsi que peu connu par les touristes. Depuis 2008, le KWS a prit de nouvelles décisions y compris une liaison aérienne entre Nairobi et la partie nord du pays (Marsabit National park).

L’importance de l’hébergement devient aussi un facteur important pour certains touristes au moment de prendre une décision de quitter leur domicile pour aller ailleurs. Ils ne partent pas avant d’être assuré de la disponibilité de leur choix d’hébergement. A l’extrême, l’hébergement devient une destination en soi pour d’autres personnes, comme le démontre Dewailly à travers des touristes danois qui « ne recherchent aucune visite, aucun voyage, aucune expérience nouvelle mais se contentent d’un tourisme banal et ‘immobile’. Il leur suffit d’habiter momentanément ailleurs … »494. Pour ce type de touristes, l’hébergement pourrait être considéré parmi les raisons pour faire un voyage. L’amélioration de l’offre touristique en termes d’hébergement est alors un facteur essentiel pour l’attractivité du territoire et l’amélioration de sa fréquentation. L’hébergement touristique joue aussi le rôle de pourvoyeur d’une image dynamique du territoire touristique, en plus de signifier qu’une destination est au moins accueillante.

En 2008, dans sa politique en vue d’ouvrir davantage de destinations touristiques kenyanes, le KWS a exprimé la volonté de faire un partenariat avec le secteur privé. Ce dernier a été sollicité pour développer les aménagements destinés au marché plus écologique de type écologe dans les parcs nationaux de Meru, Mwea, Saiwa swamp, Nairobi, Hell’s Gate, Kakamega, Mont Elgon, Aberdaire, Tsavo East et Tsavo West. D’autres sites dans le projet comprennent ceux de Ruma, Impala sanctuary et Ndere Island.

Photo 24 : Le terrain de camping de Saiwa.
Photo 24 : Le terrain de camping de Saiwa.

Il est rarement utilisé comme le démontre cette photo. Il n’y a ni tentes ni équipements pour faire la cuisine pour ceux qui veulent les louer. Ainsi, il est mal adapté pour ceux qui aiment voyager « légèrement ».

Photo : Odiara, B., 2008.

Pendant longtemps, la maîtrise de l’activité touristique a présenté (et présente encore) un défi pour les prestataires de service, y compris le KWS. Le manque d’aménagements adaptés aux touristes, comme le démontre le terrain de camping de Saiwa, pourrait illustrer ce point de vue (photo 24). Certains touristes aiment bien voyager légèrement sans porter les équipements de camping et sans avoir le souci de faire les courses. A Saiwa et à Kakamega, ces territoires ne sont pas adaptés aux touristes. Celui de Saiwa est rarement utilisé. On ne s’étonne pas trop car là, il n’y a pas de service de campement : le matériel de cuisine, le bois de chauffage…

En outre, dans la plupart des cas, l’attribut quantitatif est privilégié plutôt que le qualificatif dans le secteur des hébergements touristiques. Le tourisme étant un voyage et un séjour plaisant, il faudra faire une attention particulière à la qualité et à la diversité des hébergements afin de satisfaire aux exigences d’une clientèle nouvelle qui aime voyager légèrement, sauf pour les routards.

A Kakamega (Buyangu), le KWS a achevé la construction de quatre nouveaux « Banda » – un type de chalet en béton moins en harmonie avec l’environnement – avec une capacité de huit personnes. Ils sont beaucoup plus privatifs et de meilleure qualité que les six banda traditionnelles – udo avec une capacité de 14 personnes. Ces derniers se trouvent près du terrain de camping (d’une capacité de 150 visiteurs). A Saiwa, on a construit un logement particulier et écologique sur un arbre ayant une capacité de 2 personnes (photo 25). La construction des bandas communautaires à Isecheno constitue aussi une étape positive vers la valorisation du séjour touristique bien qu’ils soient moins confortables que ceux-ci de KWS.

En plus, notons que le produit final du tourisme étant un client satisfait, les entrées des territoires labellisés sont plus accueillantes qu’avant. A l’entrée de certains parcs, les Rangers ont été remplacés comme agents d’accueil par des employés formés en relations publiques. De tels parcs comprennent : le lac Nakuru, Nairobi, Amboseli, Aberdaires, Tsavo East et Tsavo West. Ces employés sont mieux adaptés à l’accueil touristique, en plus d’avoir plus d’informations nécessaires sur le produit touristique sous leur juridiction que les Rangers. Donc, attirer les touristes n’est pas une fin en soi, mais les accueillir convenablement s’avère une condition sine qua non dans l’objectif du développement touristique. La représentation d’un espace vacancier va au-delà de son image globale. L’intérêt est aussi porté aux équipements et aux services fournis pour le plaisir des touristes.

Photo 25 : Un logement unique et écologique à Saiwa – sur un arbre.

Ce logement a une capacité de deux personnes avec un balcon pour observer les sitatunga dans les marais. Par contre il ne possède pas de cuisine. Les visiteurs sont obligés d’amener leur repas ou de manger en dehors du parc. Pour les adultes étrangers, il faut $ 50 pour se loger.

Photo : Odiara, B., 2008.

Quelques parcs au Kenya ont amélioré leur image à travers la communication commerciale au moyen de la labellisation (branding), mais on espère que les mêmes réformes d’accueil seront généralisées dans les autres parcs du pays. Alors, tandis que de telles nouvelles orientations ont été prises, y compris l’adoption de nouvelles normes de procédures évaluant les systèmes de gestions, on déplore encore l’apathie de la part des dirigeants des zones naturelles envers les chercheurs et leurs activités. Par exemple, le Directeur de Saiwa en 2007 a refusé de répondre aux questions du chercheur. Il n’a pas apprécié les activités de recherches sur son terrain en montrant une hostilité injustifiée envers les chercheurs. On espère que la certification de KWS par ISO (International Organisation for Standardisation) en 2009 a abordé aussi ce type de comportement, car il n’est pas seulement question de mettre en place des procédures efficaces, il faut aussi un esprit ouvert de la part des dirigeants envers d’autres partenaires locaux y compris les chercheurs.

En ce qui concerne la gestion de ces territoires, il n’existe pas souvent des initiatives locales de recherche qui visent à trouver des solutions aux problèmes identifiés localement. Presque toutes les recherches sont initiées au siège de KWS à Nairobi et celles-ci sont plus ou moins orientées vers la biodiversité ; celles du tourisme ne trouvent guère la place au sein du service de recherche du KWS. En outre, ceux qui sont chargés du tourisme s’occupent normalement de la comptabilisation du nombre des touristes (s’ils viennent) et des revenus générés afin de les transmettre à Nairobi (au siège de KWS). Il n’y a guère de nouvelles idées locales pour le tourisme dans leur prospective. L’aptitude à interpréter les informations reste encore insuffisante. Ce qui est donc important, si cette région veut réussir dans le tourisme, est la compétence surtout en matière d’organisation et de connaissance touristique.

Tableau 25 : Les nouveaux projets proposés par le DDO (le Bureau de Développement Départemental) de Kakamega pendant la période de 2002-2008.

Source : Kenya Government of, 2002.

Le plus souvent, la revalorisation et le renouvellement de l’activité touristique signifient la conception de projets afin de réaliser des objectifs établis. Par contre, en considérant les projets dans le tableau 25, rien n’a été fait jusqu’à présent, sauf pour le projet de construction du pont et la construction de nouveaux chalets touristiques par le KWS dans la réserve.

A Isecheno (coté KFS), aucune barrière n’existe et l’entrée est toujours « gratuite » ce que Vivien décrit comme l’ « échange écologiquement inégal ». C’est-à-dire que, « des produits sont exportés par des pays pauvres à des prix qui ne couvrent pas les coûts sociaux environnementaux induits par leurs productions »495. Là-bas tous les visiteurs paient le même montant. Les touristes y sont répartis en deux catégories : les adultes et les enfants. Le droit d’entrée est de 0.20 euros pour un adulte tandis que pour un enfant ou un étudiant qui veut visiter la forêt, cela ne coûte presque rien (0.05 euros). De ce coté, les statistiques touristiques restent inexistantes. Pour remédier à l’insuffisance des prix dans toutes les zones gérées par le KWS, cette organisation a indiqué depuis 2009 une nouvelle orientation en augmentant le prix d’entrée des parcs et des réserves nationaux pour les étrangers.

Comme indiqué auparavant, les plans de gestion de Kakamega (2005-2015) et de Saiwa (2000) disposent d’idées intéressantes, mais le suivi fait souvent défaut. Ces deux rapports (de développement touristique à Saiwa et à Kakamega) n’ont pas échappé au problème général de non mise en œuvre des projets élaborés. Par exemple, le rapport de Saiwa préconise la réduction de la pauvreté à travers la création de projets qui généreront des revenus pour la communauté locale. Huit ans après, cela reste encore à faire peut-être parce que ces objectifs manquent de précision. Cependant, même avec des objectifs précis comme le démontre celui de Kakamega (tableau 25), la réalisation de ceux-ci reste encore un défi.

Notes
480.

Deprest, op.cit.

481.

Okello, Kiringe, Threats to Biodiversity and their Implications in Protected Areas and Adjacent Dispersal Areas of Kenya, Journal of Sustainable Tourism, vol. 12, n° 1, 2004, p 55-69.

482.

Equipe MIT, 2002, op.cit, p 273.

483.

Ibid, p 273.

484.

Brunel, op.cit.

485.

Pourtier, op.cit, p 14.

486.

Entrikin, op.cit.

487.

Stock, et al, op.cit., p 223.

488.

Ibid, p 266.

489.

Brunel, op.cit

490.

Potentiel d’attrait d’un territoire

491.

Miossec, op.cit p 44, 45.

492.

Depraz, op.cit, p 133.

493.

Equipe MIT, op.cit, 2002, p 209.

494.

Dewailly, op.cit, 2006, p 102.

495.

Vivien, op.cit.