9.3. La typologie commerciale des milieux protégés au Kenya

Enfin, dans la quête de renouveler le produit touristique au pays, la typologie des parcs et des réserves gérés par le KWS a changé, de même que les tarifs. En quittant les catégories banales de « A, B, C, D et une catégorie spécial, le Mont Kenya », le KWS a créé en 2009 une autre différentiation des parcs. Cette typologie est une amélioration de celle-ci en termes de marketing et de lisibilité. Elle comprend les « premiums parks » qui en termes de paiement sont les plus chers – Amboseli et Nakuru (45 euros pour les étrangers adultes), suivis par les « wilderness parks » – Aberdaire, Tsavo East, Tsavo West, Meru et Chyulu hills (40 euros). Nairobi National Park, le seul qui se positionne comme le « urban safari » (30 euros) tandis que celui du Mont Kenya se trouve dans la catégorie du « mountain climbing » (40 euros). Les zones pour le « scenic and special interest » sont le Hell’s gate et le Mont Elgon (20 euros) tandis que la même catégorie mais la moins chère comprend d’autres parcs et réserves comme le Kakamega Forest National Reserve et le Saiwa Swamp National Park (15 euros). Même pour des parcs et des réserves marines qui étaient dans la même catégorie « C » auparavant, le KWS fait également une différenciation entre celui de Kisite Mpunguti (15 euros) et Kiunga, Watamu, Mombasa et Malindi (10 euros). D’autres catégories sont également celle de « Nairobi safari walk » (15 euros) et celle des sanctuaires (Impala et Animal Orphanage » (10 euros) qui abritent des animaux sauvage ex situ.

Tableau 26 : Quelques parcs sélectionnés au Kenya appartenant à plusieurs classements depuis la date indiquée.

Les dates ne sont pas disponibles pour les ZICO.

Au-delà des classifications commerciales au niveau du pays, il existe aussi des classifications diverses à l’échelle internationale. Inutile de les détailler ici car l’ouvrage rédigé par Depraz Samuel (2008), la « géographie des espaces naturels protégés », démontre explicitement plusieurs statuts de protection des espaces protégés et leurs enjeux. Ainsi, la conception actuelle des milieux naturels par divers classements met l’accent sur les notions d’organisation, de valeurs et d’attraction traduisant des représentations très variables : parcs nationaux, réserves nationales, réserves forestières, le patrimoine mondiale de l’humanité, les sites de Ramsar, les réserves de Biosphère de l’UNESCO, les zones importantes pour la conservation d’oiseaux (ZICO)… Au Kenya, il y a 60 ZICO dont 35 se trouvent au sein des parcs et des réserves nationaux, sanctuaires et d’autres aires protégées540. Ainsi, pourtant, un même espace peut être un parc, une réserve de biosphère et un ZICO, comme l’Amboseli (tableau 26). Quelques zones du W du Niger appartiennent au classement de catégorie II de l’UICN (1954) : un site de Ramsar (1987), une réserve de Biosphère (1996) et un site du patrimoine mondial de l’humanité (1996)541.

En 2003, l’UNESCO a déclaré le Mont Elgon comme une « réserve de biosphère » en le reconnaissant comme une source importante de l’eau qui alimente le lac Victoria et le Nil. Ce programme de l’UNESCO de l’homme et de la biosphère (MAB) a été lancé au début des années 1970. Il est proche de l’idée du développement durable, car il propose un projet interdisciplinaire portant sur les dimensions écologiques, sociales et économiques de la perte de la biodiversité et de sa réduction. Les paysages culturels et les sites sacrés sont au cœur de ce programme qui étudie les interactions entre la diversité biologique et culturelle. Néanmoins, du point de vue touristique, le label de « réserve de biosphère », comme le démontre Reinius et Fredman, n’a qu’un effet marginal en termes de fréquentation touristique surtout là où il existe déjà le label d’un parc national comme dans le cas du Mont Elgon542.

En outre, la classification nationale et internationale de ces espaces n’est pas homogène. On peut citer à titre d’exemple celle de Maasai Mara au Kenya classifié par l’UICN en parc national et en réserve nationale par le gouvernement Kenya ; Pilanesberg en Afrique du Sud, classifié en parc national par le gouvernement national et en catégorie IV (réserve naturelle pour la protection des habitats et des espèces) par l’UICN543.

Par ailleurs, quelle limite fixer dans la conception des aires protégées comme étant des destinations touristiques ? Pour le KWS, les marques commerciales proposées se limitent à la frontière des aires protégées sans prendre en compte l’environnement dans laquelle ces espaces se trouvent. Alors, que seraient les parcs marins du Kenya sans les plages remarquables, sans les hôtels de luxes au bord de la mer, sans l’histoire riche de culture swahili/arabe, sans les monuments de Fort Jésus, de Gede Ruins et de Vasco da Gama pillar entre autres ? Peut-on parler de l’Amboseli sans mentionner le Kilimandjaro à la frontière du Kenya et de la Tanzanie ? Et, les Maasai qui vivent autour de ce parc ?

Pour combler cette lacune, l’aménagement touristique au delà des frontières des parcs et des réserves nationales serait une étape important vers le renouvellement du produit touristique du pays. En ce moment, les régions et les circuits touristiques du pays existent sans une structure définie. Le maillage entre le modèle actuel de la gestion des parcs nationaux avec celui de la catégorie V544 selon le classement de l’UICN serait une étape progressive vers le renouvellement du modèle touristique du pays. Ce dernier modèle, qui préconise la conservation des paysages plutôt que des écosystèmes, identifie une destination touristique au sens plus large que le premier. C’est le cas des initiatives de CORE (Conservation of Resources through Enterprise) soutenue par AWF (African Wildlife Foundation) et de AERP (Amboseli Elephant Research Project) dans les zones tampons auprès du parc d’Amboseli.

En outre, l’aménagement commun des zones de biodiversité peut être avantageux à l’ensemble des territoires. Ceci peut se concrétiser par la mise en place d’une politique de partenariat entre les aires protégées et les circuits touristiques afin de valoriser l’image d’une destination avec une ressource commune. Ceci va aboutir à une destination touristique au-delà des frontières administratives et au-delà des aires protégées spécifiques : une étape importante vers la mise en tourisme des ‘nouveaux’ territoires touristiques aux pays.

Notes
540.

WRI, op.cit.

541.

Weizenegger, The TALC Model and Protected Natural Areas: African Examples, Channel View Publications, Clevedon, 2006, p 132.

542.

Reinuis et Fredman, Protected Areas as Attractions, Annals of tourism research, vol. 34 n° 4, 2007, 839-854 p.

543.

Weizenegger, op.cit., p 132.

544.

Paysage terrestre ou marin protégé: aire protégée, administrée principalement dans le but d'assurer la conservation de paysages terrestres ou marins et aux fins récréatives