2.1.2 - Le père social

La paternité biologique et la paternité sociale ne coïncident pas toujours. De cette façon, nous constatons que notre société défend des idéaux qui soutiennent que la parentalité est fondée sur l’amour. Cela est visible dans des expressions populaires telles qu’ « avoir un enfant, c’est avoir des douleurs, l’éduquer, c’est donner l’amour » ou bien « le père, c’est celui qui aime ».

Ce n’est donc pas étonnant que « la présence affectueuse et éducative auprès de l’enfant s’est imposée comme fondatrice du lien de paternité » (F. Hurstel et G. D. Parvesal, 2000, p. 395).

La problématique de la paternité sociale renvoie à une dissociation entre la conjugalité et la parentalité, en conséquence des transformations symboliques concernant la filiation, qui sont le résultat de profonds changements sociaux et familiaux survenus ces dernières décennies, (J. Clerget, 1980).

Le père social, également surnommé affectif, éducateur ou domestique, « est celui qui éduque l’enfant chez lui et que, conséquemment est immédiatement visible et identifiable » (J. Le-Camus, 1999, p. 137).

Selon K. Gough (1977), la paternité sociale émerge du mariage, représentant un lien de parenté entre un homme et les enfants de sa compagne, qu’ils soient ou pas ses enfants biologiques. On peut ainsi constater l’émergence d’un nouveau critère de filiation qui est fondé sur des principes psychologiques et sociologiques : l’adoption volontaire et l’amour paternel deviennent alors des critères fondamentaux pour définir la paternité, qui résulte ainsi d’une double adoption puisque le père adopte l’enfant et l’enfant, à son tour, adopte le père.

Nonobstant, il s’agit d’une réalité complexe puisque pour qu’un enfant adopte psychologiquement le compagnon de sa mère il faut indéniablement définir et clarifier le rôle de chaque membre de la famille. Il faut également définir ce qu’est un père du point de vue légal (et biologique) et ce qu’on entend par père social, (F. Hurstel e D. Parvesal, 2000).

J. G. Lemaire (1988) prône que, pour que l’enfant réalise un  travail psychologique de reconnaissance du père, il faut qu’il y ait un ensemble de facteurs, à savoir :

  1. il est indispensable que l’enfant le souhaite personnellement ;
  2. que la mère le désigne comme père potentiel et non pas comme un substitut du père précédent ;
  3. que l’enfant accepte ;
  4. que le père légal de l’enfant accepte de partager certaines fonctions avec le compagnon de la mère ;
  5. qu’un troisième élément social (la belle-famille, la Sécurité Sociale ou les professeurs) interviennent auprès de ce nouveau couple.

On peut ainsi constater l’émergence d’un nouveau critère de filiation qui est fondé sur des principes psychologiques et sociologiques : l’adoption volontaire  et l’amour paternel deviennent alors des critères fondamentaux pour définir la paternité, qui résulte ainsi d’une double adoption puisque le père adopte l’enfant et l’enfant, à son tour, adopte le père.

Le père social, parfois appelé aussi de père de substitution ou beau-père, est également une conséquence sociale de l’augmentation du nombre des familles recomposées ; cette figure est fréquemment désignée par les enfants comme « le compagnon de ma mère » ou « celui qui m’a éduqué ». Néanmoins, « c’est seulement pour la personne absent qui réserve la désignation chargé et fort de  «mon vrai père» […] ou «mon propre père» » (E. Sullerot, 1999, p. 222).

On constate, de la sorte, que pour que ce genre de paternité soit clairement valable, c’est-à-dire, pour que l’enfant accepte en tant que figure significative de référence un homme avec lequel il n’a aucun lien biologique, il est indispensable que ce processus se déroule de façon volontaire et que cela soit donc le reflet d’un acte volontaire de l’enfant lui-même et non pas des adultes.

Sans cette prémisse essentielle, il semble bien difficile que quelqu’un puisse assumer complètement la paternité d’un enfant, du fait qu’il ait des rapports positifs et fréquents avec celui-ci ou du fait qu’il ait une relation conjugale avec la mère de l’enfant.