2.1.3 - Le père symbolique

L’expression père symbolique est intrinsèquement liée à la perspective psychanalytique et à ses fondements. Ainsi, le père symbolique n’est pas un être réel et concret, mais une fonction essentiellement symbolique et universelle. Le vrai père, l’homme concret, n’est autre qu’un simple représentant du père symbolique, ce qui fait que cette perspective prône la prévalence de l’aspect symbolique par rapport à l’aspect réel, c’est-à-dire une prévalence de la fonction paternelle par rapport à la paternité réelle. La notion de père symbolique est indissociable de la notion de  fonction paternelle, (J. Dor, 1989).

Ainsi, J. Clerget (1980) affirme justement qu’aucun père n’est pas le Père, en faisant allusion à la distinction entre le père (la personne, l’être humain) et le Père (la figure symbolique). Le père symbolique, représenté inconsciemment par le Nom-du-Père, est le garant de la loi et sa fonction consiste à réaliser une interdiction, sans pour autant incarner le père réel.

Le père symbolique est le gardien et l’interprète de la loi, une loi qui, par l’interdiction de l’inceste et par l’interdiction de la mort, permet la survie de l’espèce humaine, (C. Meunier, 1997).

La dissociation entre l’aspect symbolique et l’aspect réel de la paternité pousse les partisans de ce mouvement psychanalyste à affirmer qu’il  « n’est donc pas nécessaire qu’il y ait un homme pour qu’il y ait un père » (J. Dor, 1989, p. 23) puisque la « fonction paternelle conserve sa vertu symbolique inauguralement structurante, en l’absence même de tout Père réel (idem, p. 22).

Pour J. Lacan (1958), le père symbolique est une métaphore, un signifiant remplacé par un autre signifiant, qui a une importance vitale concernant le Complexe d’Œdipe. Ce signifiant qui apparaît dans le discours de la mère, intitulé  Nom-du-Père, devra faire allusion de façon explicite et sans aucune ambigüité à une tierce personne, sexuellement différente de la mère, non castrée et qui a un phallus. Lorsque le discours de la mère ne contient guère la valeur symbolique de cette fonction paternelle, il y a alors une  forclusion du père qui pourra aboutir, par conséquent, à une psychose ou à la délinquance.

C’est aussi à travers l’aspect symbolique des mots, et non pas à travers le contact physique, que les parents peuvent sentir que leurs enfants les aiment et les respectent, (F. Dolto, 1990).

J. Le-Camus (1999) remet en question la représentation de la fonction symbolique de la paternité, en critiquant trois aspects fondamentaux, à savoir, le fait que l’intervention du père soit perçue comme tardive, indirecte et unidimensionnelle. Par conséquent, il critique le fait que l’intervention du père surgisse tardivement, étant donné que l’autorité paternelle est perçue comme ne surgissant qu’à un second stade du développement personnel, après le premier stade qui est considéré essentiel pour le développement de la personnalité et dans lequel la mère joue essentiellement un rôle affectif. En parallèle, il n’accepte pas que l’intervention du père soit indirecte, car tout au long de la première enfance l’existence du père est moyennée par la pensée et par les paroles de la mère, faisant en sorte que la présence du père soit dispensable. Finalement, cet auteur critique l’aspect unidimensionnel de l’intervention paternelle, étant donné que le père est considéré comme le participant exclusif en termes de formation de la personnalité, ne se manifestant guère en termes de construction du langage, du développement de l’intelligence et de la formation de l’identification sexuelle.

En résumé, nous pouvons dire que la notion de père symbolique ne fait nullement référence à une personne réelle, en chair et en os, mais à une figure abstraite, imaginaire qui surgit par l’intermédiaire du discours de la mère, et dont la fonction est d’être le représentant de l’autorité.