2.1.5 - Notre père

La diversité, en termes de types de paternité, qui empêche l’existence d’une paternité univoque et universelle, ainsi que la diversité en termes de fonctions du père, soulèvent quelques questions complexes du point de vue social, psychologique et juridique.

Les changements importants, du point de vue social et familial, qui sont survenus au cours du XXe siècle, et qui se vérifient encore de nos jours, ont contribué à la « disjonction des fonctions du père entre plusieurs hommes […] le père géniteur n’étant pas forcément le même homme que le père légal, lequel n’est pas forcément le père qui assure l’éducation de l’enfant » (F. Hurstel et G. D. Parvesal, 2000, p. 395). Cette diffusion des fonctions du père n’est pourtant pas favorablement acceptée, ou du moins pas encore, puisqu’il subsiste toujours une conviction selon laquelle un bon père, le vrai père, est celui qui assume toutes les fonctions : la fonction biologique, la fonction légale et la fonction sociale.

Ainsi, on considère que les différents types de paternité sont également valables et acceptables, même si, idéalement, ils devraient coïncider chez une seule personne. Ce qui serait souhaitable, c’est qu’une seule personne assume les différentes fonctions attribuées au père biologique, au père légal, au père social et au père symbolique, afin d’éviter la désagrégation et la fragmentation des fonctions paternelles selon différentes personnes et, par conséquent, la distorsion du concept de père.

Néanmoins, le contexte social, tel que nous le connaissons aujourd’hui, nous montre que cela n’est pas toujours possible. Ainsi, en ce qui concerne les cas où le père biologique n’assume pas un rôle significatif dans la vie de son enfant, l’apparition d’un père social est prépondérante (un frère, un oncle, un beau-père ou une autre personne du sexe masculin qui soit une référence) pour compenser cette absence, malgré l’influence d’un père social n’être pas comparable à l’influence d’un père biologique dans le développement de l’enfant.

Toutefois, on constate, très souvent, que les enfants, les jeunes et les adultes qui ont eu un père social (un père adoptif) avec qui ils ont eu des rapports favorables, mais qui n’ont jamais eu l’occasion de connaitre leur père biologique présentent souvent un sentiment de vide affectif  et un désir incontrôlable de connaitre leur père biologique et avec lui établir des liens affectives.

Quant au père social, et lorsque cette figure est assumée par le beau-père, dans la plupart des cas, les conséquences ne sont pas les meilleures puisque ses rapports sont souvent  difficiles  et se caractérisent par peu d’investissement des deux parties, avec peu d’investissement affectif, peu d’implication et peu de discipline. Cela nous pousse à nous questionner quant à la tendance commune qui consiste à valoriser la paternité sociale par rapport à la paternité biologique.

En ce qui concerne le père symbolique, tel qu’il est présenté par la Psychanalyse, celui-ci, en tant qu’élément métaphysique  qui représente l’autorité, c’est important. Cependant, nous nous interrogeons quant à la divergence et quant à l’éloignement de l’homme réel et concret, car, en effet, c’est à partir du père concret que nous avons accès au père symbolique. De cette façon, le premier semble être le représentant de ce dernier.

Cela est visible en ce qui concerne les nombreux cas observés dans le cadre des consultations psychologiques de jeunes qui ont des troubles du comportement et dont le dénominateur commun est l’absence physique du père dans les activités quotidiennes de ces jeunes, même s’ils ont consciente du concept de père et d’autorité.

La notion de père légal nous renvoie à l’instance juridique, mais avec des conséquences pratiques non négligeables. En effet, il est essentiel, pour tout être humain, que celui-ci soit reconnu de façon légitime (du point de vue légal et juridique) en tant qu’enfant d’une mère et d’un père, car il s’agit d’un droit essentiel et d’un principe inébranlable de notre existence en tant qu’être humain.

La notion de père légal est, dans la plupart des cas, associée au concept de père biologique, ce qui fait que, dans le cadre de cette recherche, ces deux concepts coïncident et convergent.

Dans notre recherche, le père biologique apparaît donc comme une figure centrale, car c’est la seule qui est fondée sur l’établissement d’un lien de sang entre en enfant et un adulte, entre un enfant et son père.

C’est la seule personne qui permet à l’enfant de s’identifier, clairement, et c’est grâce à ce lien de sang que l’être humain contribue, avec sa mère, à son existence, ce qui permet l’existence d’un lien exceptionnellement solide.

Fréquemment, on constate que ce lien est extrêmement fort et qu’il se manifeste clairement dans le cadre de l’adoption, où l’on peut vérifier, même dans les cas où des liens et des rapports solides et sains entre l’enfant, le jeune ou l’adulte et ses parents adoptives se sont établis, qu’il y a toujours un désir incontrôlable de vouloir connaitre ses parents biologiques et d’établir avec ceux-ci des rapports stables et durables.

Chaque figure parentale apporte une contribution singulière et unique pour l’enfant, et bien que d’autres personnes cherchent à remplacer le rôle parental en manque, personne ne peut compenser cette absence de manière appropriée étant donné que « les pères substituts ne sont pas simplement le même que l'article génuine » (B. Erickson, 1998, p. 32).

Notre perspective ne présuppose pas la suprématie du facteur biologique par rapport au facteur social au niveau des rapports humains, mais elle n’est pas non plus synonyme de mépris concernant les liens biologiques dans les rapports humains.

Ainsi, en raison des plusieurs facteurs indiqués, et afin de contribuer à une plus ample objectivité du point de vue méthodologique, la figure du  père biologique  s’assume comme le sujet de cette étude, dans le cadre de cette recherche, visant analyser leur importance quant au développement psychosocial du sujet, tout en soulignant son rôle social et ses fonctions.