3.2.2 - J. Lacan et le  « Nom-du-père » 

Contrairement à ce qui est habituel dans le domaine de la Psychologie, l’école Lacanienne soutient que la paternité est plus importante que la maternité, (J. Lacan, 1938).

La fonction de la mère est nécessaire et, à l’origine, salutaire, mais elle est provisoire et, à la limite, dangereuse, raison pour laquelle l’imago maternelle doit disparaître. Au contraire, la fonction du père est indispensable quant à la construction de la personnalité : « L’imago du père, dans la mesure où elle domine, polarise quant aux deux sexes, les formes les plus parfaites de l’idéal de l’ego, ce qui indique qu’elles réalisent l’idéal virginal », (J. Lacan, 1938, p. 65).

On s’aperçoit, cependant, que la perspective Lacanienne, en ce qui concerne la paternité, se repose sur le caractère symbolique de celle-ci, représentée par le  Nom-du-Père : « L’attribution de la procréation au père ne peut être l’effet d’une pure signification, d’une reconnaissance non pas du père réel mais de ce que la religion nous a enseigné à invoquer en tant que le « Nom du Père », (J. Lacan, 1956, p. 556). L’existence de cette signification ne doit pas nécessairement être interprétée par le propre père, mais  sans signifiant, personne ne sera jamais quelqu’un.

Cette approche de la paternité soulève une différentiation notoire entre le père symbolique et le père réel. Lacan considère d’ailleurs que  parler de sa carence au sein de la famille, ce n’est pas la même chose que de parler de sa carence quant au complexe ce qui nous pousse à faire allusion à une autre dimension, outre la dimension réaliste, accomplie par l’homme réel, (J. Lacan, 1958).

Le père n’est autre qu’une  métaphore, un sens qui prend la place d’un autre sens  qui se manifeste surtout dans le cadre du Complexe d’Œdipe, vu qu’il n’y a pas d’Œdipe s’il n’y a pas de père ; et parler d’Œdipe revient à dire que la fonction du père est essentielle, (J. Lacan, 1958).

Mais pour qu’il y ait le signifiant Nom-du-Père, il faut qu’il fasse référence, de façon claire et explicite, à l’existence d’un troisième élément, détaché par sa distinction sexuelle par rapport au protagoniste, c’est-à-dire, par rapport à la mère. Ce n’est que dans ce contexte qu’en l’absence d’un père réel, le signifiant Nom-du-Père  peut acquérir une dimension symbolique. Le  Nom-du-Père  est, ainsi, un père symbolique, non castré et qui possède un phallus, (J. Dor, 1989).

Ainsi, la mère a recours aux mots pour transmettre le père symbolique à l’enfant, mais c’est en ayant également une place symbolique (son Nom-du-Père ) qu’elle contribue à ce que l’enfant ait accès à l’autorité paternelle.

Le père est donc le représentant de la Loi, cependant, selon certains auteurs, ce n’est pas la façon dont il se présente à l’enfant qui est pertinente : « Le père réel peut être n’importe quelle personne : extrêmement fort ou faible, présent ou absent, agréable ou tyrannique, travailleur ou négligent, fidèle à sa femme ou volage… peu importe » (P. Julien, 1991, p. 36), car c’est la fonction paternelle, voir même la « fonction parentale » (la fonction maternelle et la fonction paternelle) qui est importante et qui applique la loi, (Castelain-Meunier, 1997).

Le Nom-du-Père représente aussi la somme des plaisirs, des sentiments, des échanges et des pensées qui permettent à deux cellules de se rencontrer dans le corps de la femme, formant un pivot pour la structure mentale de l’enfant, (D. Dumas, 1999).

L’approche paternelle de Lacan a profondément influencé la Psychanalyse et, par conséquent, la Psychologie, au sein de laquelle se détache le caractère symbolique de la paternité qui se manifeste par le signifiant  Nom-du-Père  et par la présentation du père comme représentant maximal de l’autorité. Cependant, l’expérience professionnelle quotidienne nous permet d’affirmer que le père (en particulier l’homme qui présente un lien biologique avec l’enfant) assume son rôle de représentant idéal de l’autorité. Quant à la mise en œuvre de cette tâche, la mère fait face à de nombreuses difficultés, surtout lorsque la présence du père n’est pas constante et que son importance est limitée par rapport au quotidien de l’enfant, surtout, celui du sexe masculin.

La prévalence de la nature symbolique de la paternité nous semble restreinte, en détriment de sa nature réelle et physique, en ce qui concerne une approche selon laquelle un père absent, en carence ou négligeant ne constitue point, en lui-même, un facteur prépondérant qui sous-tend de possibles conséquences psychologiques néfastes pour l’enfant, surtout en ce qui concerne le domaine de l’autorité.

Ainsi, dans le cadre de l’approche Lacanienne de la paternité nous pouvons souligner l’importance attribuée à la figure du père, surtout en tant que représentant suprême de l’autorité et des interdictions sociales, même s’il s’agit d’un père métaphysique, symbolique, bien différent de l’individu réel, physique.