7 - Réflexion du point de vue clinique

Le cas de Daniel est très intéressant d’un point de vue clinique car il décrit de quelle façon le contexte familier, et en particulier le rôle du père, influence le développement psychosocial de l’enfant.

Daniel est un préadolescent, de par son âge, mais, en termes de développement personnel, il révèle un certain retard et une fixation quant à l’étape œdipienne, où l’on trouve des représentations et des comportements d’attraction amoureuse, concernant la figure maternelle, qui l’empêchent de se développer psychologiquement de façon saine.

Son comportement personnel et social est « anormal » pour son stade de développement, révélant un manque de compétences personnelles et sociales essentielles (il est extrêmement timide, il a très peu d’auto-confiance, il ne commence aucun contact verbal et n’en maintient guère que ce soit avec les jeunes de son âge ou avec les adultes, il présente des comportements stéréotypés – il se ronge les ongles ou se gratte la zone génitale – il n’est pas capable de maintenir un contact visuel avec les autres, il bégaie lors de situations d’interaction sociale dites normales qu’il interprète comme étant anxieuses, et il est incapable de réaliser des tâches quotidiennes simples comme, par exemple, préparer son cartable ou marcher tout seul dans la rue), ce qui fait qu’il soit peu valorisé par ses semblables, étant d’ailleurs, parfois, ridiculisé dans de nombreuses situations.

Ce retard de Daniel, en termes de développement psychologique, se doit en grande partie à la dynamique familiale qu’il connaît depuis son plus jeune âge jusqu’à cette date, et où la mère le représente toujours comme un objet d’attraction amoureuse (« c’est un petit bonhomme, mon bout de chou », « j’ai envie de l’embrasser tout le temps », « je suis jalouse à l’idée d’imaginer que dans quelques années Daniel aura une petite amie »), adoptant, de façon continue, des comportements régressifs pour son développement (boire le biberon jusqu’à l’âge de 8 ans, utiliser des expressions infantiles comme « piu-piu », « ouaf ouaf » et « chat » quand il parle de sa mère, de son père ou bien de lui-même), et où le père, un individu fragile et soumis, est incapable de s’immiscer dans la fusion primitive mère/fils et d’assumer, d’une part, un rôle singulier et exclusif en tant que partenaire amoureux de la mère et, d’autre part, un rôle d’identification pour son fils.

Cette famille révèle également une grande difficulté à évoluer en tant que telle et à réaliser des changements, même lorsque ceux-ci sont indispensables pour le bien-être de tous les éléments (abandon de l’aide pédopsychiatrique et abandon de l’aide psychologique), surtout pour la mère qui n’accepte point que son fils soit un préadolescent, en le considérant toujours comme un bébé, un être très fragile qui requiert constamment la protection maternelle.

Une réflexion à propos de ce cas clinique nous amène à croire que le contexte familiale intervient de façon déterminante en termes de développement psychosocial des sujets (de façon positive ou négative, selon le fonctionnement des différents sous-systèmes familiaux) et démontre également ce que certains auteurs défendent ( E. Sullerot, 1992 ; G. Corneau, 1989), c’est-à-dire que le père a un rôle crucial en tant qu’élément intrusif dans la relation primitive et fusionnelle mère/enfant ( A. Birraux, 2001 ) et qu’en s’immisçant dans cette relation, il contribue de manière décisive pour le développement psychologique de l’enfant et, surtout, celui du sexe masculin.

Ce cas nous montre également que la « carence paternelle » ne se limite guère à l’absence du père, car lorsque le père est incapable d’assumer un rôle singulier et exclusif en tant qu’amant de la mère de ses enfants et, par conséquent, en tant que modèle d’identification pour les enfants du sexe masculin, il peut également mettre en danger le développement psychique normal et sain de l’enfant, devenant de la sorte un  père carencé.

La corrélation entre les données cognitives et les données cliniques soulignent le fait que la quantité des rapports entre père et son enfant n’est pas le seul facteur important pour le développement personnel, étant donné que la qualité des rapports entre ces deux éléments, c’est-à-dire la manière selon laquelle le père est perçu par son enfant et la manière comme il se situe au sein de la famille, est également un facteur qui a des conséquences quant à la vie de l’enfant.

Ainsi, nous constatons que le père doit être pour l’enfant une figure masculine  forte  et de référence, bien différente de la figure maternelle, et d’une importance significative au sein de la famille, de façon à contribuer positivement en ce qui concerne le développement psychologique de l’enfant. Ce père (ou un substitut paternel) va servir d’étayage nécessaire à la construction psychique du sujet.